lundi 25 novembre 2024 08:52

Voile intégral: de la loi à la résolution, les pistes des ministres

La mission parlementaire a achevé ses auditions, mercredi à l'Assemblée, en recevant Brice Hortefeux (Intérieur), Xavier Darcos (Travail) et Eric Besson (Immigration). Ils ont notamment évoqué la possibilité d'une loi interdisant le port du niqab dans les établissements publics.

Interdire par une loi ou simplement une résolution parlementaire? Viser l'ensemble de l'espace public, donc la rue, ou se limiter aux établissements publics, scolaires, hospitaliers, postaux, etc? Créée l'été dernier à l'initiative du député (PCF) André Gerin, la mission d'information parlementaire sur le port du voile intégral - qui a entendu 75 experts, représentants d'associations laïques et féministes, des organisations musulmanes, élus - achevait aujourd'hui ses auditions en recevant trois ministres, Eric Besson (Immigration), Brice Hortefeux (Intérieur) et Xavier Darcos (Travail). Elle doit désormais plancher sur les préconisations, qu'elle remettra fin janvier, à propos d'une pratique qui ne concerne que «1900 femmes», selon le chiffre donné par le ministre de l'Intérieur.

Statistiquement, elles sont «3 pour 100 000», résidant principalement en Ile-de-France (50%), Rhône-Alpes et Paca, précise Hortefeux, qui s'appuie sur une enquête réalisée entre juillet et octobre 2009. Sur ces 1900 femmes, 250 résident à la Réunion et 20 à Mayotte. «Plus des deux tiers seraient françaises, 23% sont converties [à l'islam] et 43% appartiendraient à la mouvance salafiste». La moitié ont moins de 30 ans et 90%, moins de 40. Seule 1% d'entre elles seraient mineures.

Ces précisions données sur une pratique qualifiée par Brice Hortefeux, de «tout à fait marginale», le trio de ministres insiste: «il n'y a pas l'épaisseur d'un papier à cigarette entre nous», jure le ministre de l'Intérieur. Et fait montre d'humilité: grosso modo, c'est le Parlement qui décide. «Nous n'avons pas de préférence, complète Xavier Darcos, nous essayons simplement de réfléchir aux différentes options qui se présentent à nous.»

Qui sanctionner: la femme ou son époux?

Le ministre de l'Intérieur détaille «deux options non normatives», d'abord: l'une fondée sur «le dialogue et la pédagogie» - comme le préconise d'ailleurs le Conseil français du culte musulman -. «Réaliste?» Pas sûr, pour Hortefeux. Et celle d'une résolution du Parlement, comme le prévoit la réforme des institutions de l'été 2008. Façon, souligne Xavier Darcos, de «réaffirmer nos valeurs républicaines». Cette résolution pourrait aussi être concrétisée par une circulaire adressée aux préfets, maires, chefs d 'établissements, etc.

Autre «piste»: une loi d'interdiction. Laquelle pose une série de questions. S'étendrait-elle à la rue ou aux services publics? Qui sanctionner: la femme ou son époux, en cas de port de voile intégral «subi»? Et surtout, sur quels fondements? En clair, faut-il invoquer l'égalité hommes-femmes, la dignité des femmes? Ou encore des motifs de sécurité en affirmant qu'un individu ne peut dissimuler son identité? Variante plus pragmatique: «la nécessité, quand on s'adresse à un service public, de pouvoir être identifié pour entreprendre une démarche personnelle?», ajoute Hortefeux. Eventualité, «plus solide juridiquement» qui semble avoir ses faveurs, puisqu'elle «répondrait très concrètement à divers actes quotidiens»: se rendre à la Poste ou au guichet d'une préfecture, rendre visite à un parent à l'hôpital, venir chercher ses enfants à l'école.

«Rien de pire qu'une loi inappliquée»

Car s'ils réaffirment, à l'unisson de Nicolas Sarkozy, que le voile intégral, «expression radicale et communautariste», «n'a pas sa place en France», les ministres prennent soin de rappeler à la mission le lourd cahier des charges et le peu de marge de manoeuvre. «Nous n'avons pas le droit à l'erreur, prévient Hortefeux. La réponse doit être efficace.» Donc applicable: «il n'y a rien de pire qu'une loi inappliquée, ce qui signifie une loi défiée.» Et «conforme à nos valeurs», en passant le contrôle du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des Droits de l'Homme.Le tout sans stigmatiser les musulmans.

Sur son créneau, Eric Besson suggère, lui, d'assortir la loi ou à la résolution parlementaire éventuellement préconisées par la mission d'une série de mesures: «Pour les cartes de résident de dix ans, je vais indiquer aux préfets que le port du voile intégral devra constituer un motif de rejet [...]. Concernant l'accueil des ressortissants étrangers, je vais renforcer la formation aux valeurs de la République pour insister sur les principes d'égalité hommes-femmes, de laïcité et sur l'interdiction du voile à l'école», explique-t-il.

Jean-François Copé, patron du groupe UMP à l'Assemblée, qui a mis en place son propre groupe de réflexion sur le voile intégral, n'a, de son côté, pas attendu la fin des auditions de la mission parlementaire, pour s'exprimer sur le sujet. Dans une tribune publiée dans le Figaro de mercredi et co-signée par d'autres députés de la majorité (Nicole Ameline, François Baroin et Eric Raoult), il juge «indispensable» une loi interdisant le voile intégral. «A minima pour une question de sécurité, poursuit Copé, la burqa n'a pas sa place dans les services publics et les bâtiments publics, ou dans les lieux privés ouverts au public comme les commerces.»

Source : Libération

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