Chaque année, lors du calendrier estival où se télescopent festivités nationales, célébrant l’allégeance à Sa Majesté, la journée du MRE, et où s’organise la plus grande transhumance humaine des marocains du monde, les polémiques enflent, les attaques se concentrent sur les institutions de tutelle, les acteurs associatifs, en posture des défenseurs auto proclamés des intérêts des MRE s’agitent, montent au front ; les réseaux sociaux s’activent et les médias, certains médias, s’approprient la question de la représentativité politique des MRE.
Un spectacle affligeant, surréaliste et une cacophonie à l’image de l’immaturité qui caractérise la galaxie associative des marocains expatriés.
Lors de son dernier discours royal, Sa Majesté a renvoyé dos à dos l’ensemble des acteurs institutionnels, représentatifs, consulaires et ministériels à qui il reproche une mauvaise gouvernance administrative, une collusion avec le monde politique et une opacité par la récurrence des petites affaires personnelles, une vampirisation des revenus des MRE en échanges de biens immobiliers ,version HLM, au détriment de leur intégration et au risque de leur paupérisation.
Les polémiques semblent se ritualiser chaque année, en particulier, depuis la révision de la constitution en 2011. Plusieurs coordinations se sont appropriées le sujet, des pétitions circulent sur internet et des débats, sans fin, ont marqué l’année 2015. Le calendrier politique et électoral (élections locales, régionales et législatives) semble devenir le carburant qui alimente cette agitation. Les partis politiques dépêchent leurs émissaires (en tous cas pour la France) pour mobiliser, coopter et promettre des quotas de sièges au parlement. Des acteurs associatifs, politisés et/ou manipulés, tirent à boulet rouge sur des « lampistes » dans ce naufrage démocratique collectif. Les uns reprochent au ministre de tutelle son manque d’ambition de déposer un projet de loi, allant dans le sens de l’effectivité des articles de la constitution, en sa qualité de ministre ad hoc, les autres veulent crucifier le secrétaire général du CCME et le sacrifier sur l’autel de la polémique ou comme « fusible idéal », car peu enthousiaste à l’idée de plaider explicitement la participation des MRE aux élections législatives, en dépit de ses récentes déclarations à la presse où il dit que « la balle est dans le camp du gouvernement ». D’autres, pensent à tort ou à raison, que M. Benkirane n’est guère favorable à l’opposabilité des articles 16 – 17 – 18 – 163 de la constitution de 2011.
En somme, tout le monde reproche à tout le monde l’inertie dont pâti la constitution et sa mise en œuvre, et, tout le monde se réfère au discours du trône pour faire valoir ses points de vue en ayant des postures populistes « plus royalistes que le Roi ».
La fragmentation du paysage institutionnel et sa balkanisation par la multiplication des institutions (CNDH, CCME, Ministère de tutelle, Fondation Hassan II), l’inflation des coordinations associatives, la mainmise du corps consulaire, le parasitage des résidus de représentations fossilisées, vestige de l’ère makhzanienne (widadiya), l’inclusion de structures religieuses hybrides dans la régulation de la diaspora, la cupidité des mercenaires et vautours autours du festin, issus d’un corps agonisant qu’est la diaspora en décomposition, les pseudo chroniqueurs autoproclamés qui déversent sur la toile des textes, des photos du souverain, des emblèmes de la monarchie… tout le monde est inscrit dans une compétition démagogique pour montrer ses muscles patriotiques dans un concours à plusieurs épisodes que l’on peut intituler ; « Qui est plus royaliste que le Roi ? », « Qui est plus légitimiste que la Constitution ? », « Qui est le plus bi-colore (en référence au drapeau national) des autres marocains?»,« Qui aime, de manière œdipienne, Sa Majesté plus que le restes de ses loyaux sujets ? » "Qui est plus truc… que truc ?!"
Le temps est venu de cesser cette guerre de boutons, qui ne fait qu’affaiblir la diaspora, de se remettre en cause en terme de légitimité représentative des MRE, d’aseptiser le monde associatif des opportunistes, des postures, du déficit de transparence, des immatures, des » analphabètes » (au sens politique du terme). Egalement, le temps est venu de prendre conscience que la participation politique des MRE et leur éligibilité à la députation est une question éminemment politique qui relève de l’arbitrage et du ressort exclusif de Sa Majesté en l’absence de consensus national, de volonté gouvernementale et d’adhésion politique des partis. Autrement dit, l’ensemble des acteurs ad hoc, pour purger cette question, a fait preuve d’impuissance, d’indifférence et surtout, d’une capacité de manipulation hors pairs.
Alors de grâce, cessons cette escalade, franchissons ces rideaux de fumée (dixit les dites institutions), faisons preuve de maturité politique, sortez de la posture de « la voix des sans voix », sollicitons notre souverain car nous avons la chance, oui nous avons la chance, d’avoir un Roi humaniste, démocrate et qui aime ses fidèles sujets installés à l’étranger. Il y a une théorie en géométrie qui dit que « le chemin le plus court entre deux ponts est la ligne droite ». Une théorie transposable au contexte actuel. Les sit-in devant le CCME, devant le ministère de tutelle ou devant le parlement au-delà de la dimension « Com », ne sont et seront qu’un coup d’épée dans l’eau.
Nos compatriotes vivant à l’étranger attendent un signal providentiel de leur souverain pour y voir plus clair. Ils ne se font guère d’illusions quant à cette agitation d’écoliers qu’ils interprètent sagement comme une tempête ritualisée dans un verre d’eau. Alors vive Sa Majesté, qui lui seul dispose de la pleine légitimité pour prendre une telle initiative, semblable à d’autres qui n’auraient jamais vu le jour sans sa bienveillance et sa sagesse.
Dr Youssef CHIHEB
Professeur-Associé
Paris XIII-Sorbonne