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L'experience du Conseil Francais du Culte Musulman - Mohammed Moussaoui – France

mercredi, 20 mai 2009

 

 

La gestion du culte musulman en France est un cas d'école en matière du droit des cultes en Europe en général et en France en particulier.
Le cheminement de l'institutionnalisation de l'islam en France est un laboratoire pour une nouvelle régulation du culte en Europe.

 

Cette institutionnalisation a connu différentes phases dans lesquelles les autorités publiques françaises comme les autorités religieuses musulmanes ont joué un rôle prépondérant. Il a fallu d'une part mettre à l'épreuve la laïcité française pour voir sa capacité à intégrer une religion récente qui n'était pas prise en compte en métropole lors de la promulgation de la loi 1905, loi de séparation entre l'Etat et l'Eglise, et d'autre part juger de la capacité du culte musulman à s'intégrer dans une république laïque.

 

Il a fallu aussi pour les musulmans faire la distinction entre la croyance qui est propre à chacun et la gestion du culte qui nécessite une prise en considération des autres acteurs institutionnels et civiques.
Les débats soulevés par la présence de l'islam et les problématiques que pose la pratique religieuse ont démontré aux récalcitrants l'esprit libéral de la laïcité et les possibilités d'ouverture et d'adaptation à de nouvelles situations. De leur côté, les pouvoirs publics ont su accompagner, dans le respect des lois, le culte musulman dans son cheminement vers l'institutionnalisation.

 

La construction de la grande mosquée de Paris dans le contexte de l'après-guerre et l'entente des pouvoirs publics avec les autorités religieuses catholiques étaient l'élément déclencheur d'une nouvelle approche envers le culte musulman. L'inauguration de la mosquée par le Sultan Moulay Youssef était un autre élément fondateur et une reconnaissance de l'autorité religieuse du Sultan au sein de la France.

 

Les différentes initiatives individuelles des fédérations musulmanes ou des autorités publiques pour imposer des représentants, si elles n'ont pas pu concrétiser l'institutionnalisation de l'islam français ont eu le mérite en revanche d'enclencher la réflexion et de défricher le terrain.

 

La nécessité d'une action concertée s'est imposée. Elle a débuté avec la création en 1989 par Pierre Joxe, alors ministre de l'Intérieur, chargé des Cultes, du Conseil de réflexion sur l'islam (CORIF) qui a réuni des notables de la communauté musulmane aux côtés de responsables des mosquées.

 

L'un des résultats essentiels de l'initiative du CORIF était, en plus d'identifier les acteurs principaux du champ religieux et de lancer la réflexion sur les questions de la gestion cultuelle musulmane, la mise en place d'un dispositif permettant aux soldats musulmans de l'armée française d'avoir des barquettes de nourriture halal. Ceci est très significatif car le secteur le plus régalien de l'Etat et le plus sensible, celui de l'armé, a démontré sa capacité à répondre aux besoins spécifiques de son corps pour le prémunir d'un sentiment d'inégalité et de marginalité.

 

Après l'arrêt des travaux du CORIF, plusieurs années se sont écoulées sans une politique véritablement structurée envers le culte musulman. La France qui a vécu au milieu des années 90 une vague d'attentats a mis en veille son engagement pour une institutionnalisation concertée de l'islam et la mosquée de Paris est ainsi devenue l'interlocuteur privilégié.

 

En 1998 et après l'échec de la création par Jean Pierre Chevènement d'un institut de théologie musulmane, ce dernier entamera une autre démarche et a choisi pour la désigner un mot arabe « al-istichara », la Consultation.
Ce qui caractérise la Consultation par rapport aux autres démarches est qu'elle a privilégié le traitement juridique de la question à la place d'un traitement sociologique ou philosophique. On retrouve ainsi l'esprit de la laïcité française qui est plus un cadre juridique régulateur qu'un cadre culturel. Car au final ce sont les textes qui définissent la place du religieux et les relations qu'il doit avoir avec les institutions de l'Etat. De cette Consultation est sorti un texte qui définit le cadre juridique de l'islam français, ses droits et ses obligations. Ce texte a inscrit dans son préambule le respect de la charte des droits de l'homme dans sa totalité y compris les questions relatives au changement de la religion et de l'égalité entre homme et femme.
Si le schéma général du futur Conseil Français du Culte Musulman a été défini dans sa globalité pendant la phase de la consultation, il a fallu un certain pragmatisme et un certain engagement pour la mise en place des structures. L'engagement volontariste et l'investissement personnel de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, pour l'institutionnalisation de l'islam ont donné une nouvelle tournure à la question privilégiant en cela une démarche démocratique et participative. Le cadre juridique des Conseils Régionaux du Culte Musulman (CRCM) a été mis en place et un processus électoral consensuel, basé sur la superficie des lieux de culte, a été adopté pour élire les représentants du culte musulman dans le respect de la diversité des différentes composantes de l'islam de France.

 

Cinq ans après la mise en place du CFCM, ce dernier, malgré les faibles moyens dont il dispose et les difficultés qu'il rencontre, a acquis une crédibilité au sein des lieux de culte. Plus de 85% des lieux de culte musulmans y adhérent et les pouvoir publiques locaux et nationaux considèrent aujourd'hui le CFCM comme le représentant légal du culte musulman en France. Ceci, bien sûr, en plein conformité avec l'esprit de la loi 1905.
Pour conclure, l'institutionnalisation de l'islam, devenu partie intégrante du paysage français, nous impose aujourd'hui de déterminer nos priorités afin de répondre aux sollicitations des musulmans de France.
Ces principales sollicitations sont notamment la construction des mosquées, la question des carrés musulmans dans les cimetières, le respect des règles de l'abattage rituel, l'organisation du pèlerinage, les services d'amôneries dans l'armée, les hôpitaux et les prisons, la défense de l'image de l'islam et des musulmans dans les médias, et la formation des cadres religieux (imams, aumôniers, sacrificateurs, etc.).
L'initiative de bénéficier de structures de formation déjà existantes, comme l'Institut catholique de Paris, permet de répondre à quelques besoins relatifs à la connaissance de la société et de la culture française en attendant la mise en place d'un institut de formation autour duquel s'accorderait les différentes composantes de l'islam de France.

 

La formation des cadres religieux devra, également, prendre en considération l'origine de la majeure partie de la communauté musulmane dont le rite principale est le malékisme et la doctrine est celle de l'ach'ârisme qui réserve une grande place à la démarche soufie sunnite.
J'espère que ces élements de réflexion ont apporté un éclairage sur l'expérience de l'organisation du culte musulman en France, ainsi que sur la mission et le rôle du CFCM comme instance représentative du culte musulman.

 

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