Depuis de nombreuses années, le Liban est confronté à un sérieux problème, celui de l'émigration de ses jeunes diplômés vers d'autres pays plus attractifs, économiquement parlant. Salaires trop bas, instabilité politique, font partie des quelques motifs qui poussent les jeunes Libanais à s'expatrier.
LIBAN. Peu de pays dans le monde peuvent se targuer d'avoir plus de ressortissants à l'étranger que sur leur propre sol. C'est le cas du Liban, qui compte une diaspora ancienne mais aussi plus récente de plus de 12 millions de personnes, contre seulement 4 millions d'habitants sur la terre natale.
Aux différentes vagues d'émigration vers l'Afrique, les Amériques ou l'Europe, au début du XXe siècle, pour fuir la domination ottomane, a succédé un autre type d'émigration, entre 1975 et 1990 en raison de la guerre civile qui ensanglantait le pays. Mais depuis plusieurs dizaines d'années, c'est une toute autre forme d'émigration qui gangrène le pays, celle de ce qui est sans doute sa matière première, l'élément humain.
Cette fuite des cerveaux touche aujourd'hui toutes les familles libanaises. Au moins 50% des Libanais a un membre de sa famille qui s'est expatrié. Des chiffres publiés dans une étude de l'Université Saint-Joseph à Beyrouth parlent d'eux-mêmes. 466 000 à 640 000 personnes auraient quitté le pays entre 1992 et 2007, dont l'écrasante majorité de 77% sont des jeunes âgés entre 18 et 35 ans.
Stopper l'hémorragie
Ces chiffres, le ministre du Travail libanais, Boutros Harb, les a utilisés lors de son intervention dans un débat portant sur "Les jeunes, l'emploi et l'émigration", organisé le 26 mars 2010, lors du salon de recrutement Forward, à Beyrouth. Le ministre a également noté que "le taux de migration des jeunes, aux alentours des 17,5%, est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale, de 10,3%".
Et le plus inquiétant, comme l'a souligné M.Harb, c'est que "presque 50% de ces jeunes candidats à l'émigration sont titulaires d'un diplôme universitaire, 22% d'entre eux sont bacheliers, tandis que 10% dispose d'un diplôme technique".
Bref, le Liban perd sa main d'oeuvre qualifiée, qui préfère aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte et surtout, plus lucrative.
Les jeunes, qui étudient dans d'excellentes universités, se voient en effet proposer au Liban des salaires très bas, entre 500 (370€) et 800$ (592€), ce qui les décourage dans leur recherche d'emploi.
Résultat, ils préfèrent quitter le pays pour proposer leurs compétences dans le Golfe, en Afrique, mais aussi en Europe ou sur le continent américain, où leur savoir-faire est reconnu et recherché et surtout payé à sa juste valeur.
L'enseignement n'est pas en phase avec l'emploi
Si l'on ajoute à cela, un sentiment d'insécurité latent, consécutif à l'instabilité régionale du Moyen-Orient et la peur de l'avenir, cela donne un cocktail détonnant qui encourage la fuite des cerveaux.
En réponse, Boutros Harb a indiqué qu'il "était nécessaire que les dirigeants politiques libanais élaborent eux-mêmes les politiques économiques et sociales qui pourront assurer la stabilité du pays pour les années à venir".
Au-delà du point de vue gouvernemental, le ministre s'est également désolé que les matières enseignées dans les universités ne soient pas vraiment conformes à la réalité du marché du travail.
Une opinion partagée par Patrick Laurent, le chef de la Délégation européenne au Liban, qui participait au débat. Il avance que "Le niveau des universités libanaises est bon, mais il n'y a pas de travail pour structurer les études avec la demande de l'emploi". Selon lui, "Les Libanais ont tendance à faire des Bac+5, alors que le marché réel de l'emploi a besoin de techniciens et de techniciens supérieurs", déplorant que de ce fait, les entreprises font appel à de la main d'oeuvre étrangère, en provenance de Syrie ou de Jordanie, pour pallier ce manque.
Encourager la migration circulaire
Portant un regard critique sur les Libanais, Patrick Laurent a souligné: "ce qui me frappe beaucoup, c'est que les Libanais sont très demandés sur le marché du travail, car ils ont une grande créativité, mais en revanche, ils n'ont pas la capacité d'organiser leurs besoins en matière d'emploi".
Impossible en effet de trouver une quelconque statistique au Liban, qui pourrait aiguiller les jeunes sur les secteurs qui recrutent.
Malgré tous ces désavantages, la fuite des cerveaux comporte aussi, dans le cas du Liban, des points positifs. En effet, M. Laurent a affirmé que "le total des flux financiers de la diaspora représentait plus que le total des investissements étrangers associé au total des dépenses touristiques dans le pays. Mais le gouvernement n'a pas encore l'approche nécessaire pour optimiser ce flux de liquidités, avoisinant les 35mds$ (25,9mds€), qui dort dans les banques, pour développer une économie réelle libanaise", regrette-t-il.
Une économie réelle qui pourrait bien sûr favoriser les investissements et par là-même, créer des emplois.
De ce fait, plutôt que de stigmatiser la fuite des cerveaux, M. Laurent estime qu'il faudrait encourager une migration circulaire, avec un retour des expatriés au Liban, afin de faire bénéficier de leur expérience à l'international, leur pays natal.
Source : eco.Nostrum.info