Amina Ennceiri, Paris, secrétaire générale adjointe au Haut conseil à l'intégration, membre au Conseil économique et social, membre de jury ZEP Sciences Po, psychosociologue, chevalier de l’Ordre National du Mérite en 2006.
Mina Rhouch, Séville, née à Kenitra, membre fondateur et présidente de la Fondation CIMME (Centre international médical pour migrants et etrangers), médecin de formation et militante associative dans les domaines de la santé, la migration et la mobilité ainsi que le genre et le développement.
Nadia Bouras, Amsterdam, née le 08 novembre 1981 à Amsterdam, universitaire, titulaire d’un PHD en histoire, spécialisée dans les problématiques du genre, de l’immigration marocaine et du transnationalisme aux Pays-Bas, membre du conseil d’administration d’EMCEMO et du Conseil d’administration de Gresen Links Amsterdam (Parti vert gauche).
Paul Dahan, Bruxelles, né à Fès, psychanalyste, directeur du Centre de la culture judéo-marocaine (CCJM), il a organisé plusieurs expositions et manifestations en Europe et aux Etats-Unis sur le judaïsme marocain.
Driss Ajbali, Strasbourg, né à Casablanca, sociologue, ancien directeur d'un centre social et culturel à Strasbourg, ex-président du Comité d'action en faveur des immigrés en France, chevalier de l'Ordre National du Mérite en 1998, membre du CCDH depuis 2002.
Younes Ajarraï Caen, né à Kénitra le 5 février 1959, enseignant, conférencier, président de l'association culturelle « Trait d'union », directeur artistique du festival « Cultures du Maghreb ».
Madame et Messieurs les ministres,
Monsieur le Conseiller de Sa majesté le Roi Mohamed VI,
Messieurs les présidents des conseils de l'émigration, Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Permettez- moi en premier lieu de vous souhaiter la bienvenue et de vous réitérer nos plus sincères remerciements d'avoir bien voulu répondre à l'invitation du Conseil de la communauté marocaine de l'étranger.
Cette conférence, la première de son genre à notre connaissance au niveau international, constituera, grâce à vos communications et les échanges auxquels elles donneront lieu, une occasion unique de débat et d'échanges sur une problématique finalement peu étudiée sur le plan scientifique et encore peu visible, du moins au niveau mondial, sur le plan politique.
Ainsi, ce n'est qu'au mois de septembre 2008 que s'est tenue, sous présidence française de l'Union européenne , la première rencontre des Européens établis hors de leurs pays d'origine, événement auquel notre Conseil a eu le privilège d'assister en tant qu'observateur, et qui a été pour nous une occasion importante d'information, de prise de contact et une source d'inspiration.
Pourtant, de plus en plus d'Etats mettent en place ce que l'on pourrait appeler des politiques de l'émigration, en essayant par la création de conseils consultatifs, de ministères, d'agences ..., de maintenir et de revivifier les liens avec leurs communautés expatriées, de contribuer à la défense de leurs droits conformément au droit international des droits de l'Homme et notamment la Convention pour la protection de droits des migrants et de leurs familles, et enfin d'amplifier d'une manière ou d'une autre leur participation à la vie politique, économique et culturelle de leurs pays.
Pour quelques pays, notamment les grands pays de l'émigration, il s'agit de politiques établies depuis longtemps comme le démontrent, à titre d'exemples, les expériences espagnole, italienne ou portugaise. Il en est de même pour un pays comme la France où plusieurs institutions se sont succédées depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale.
Mais pour la plupart des pays, les populations nationales vivant à l'étranger ne faisaient pas l'objet d'une attention particulière. Ce n'est désormais plus le cas comme le rappelle le chercheur français Stéphane Dufoix : « à partir des années 1960-1970, affirme-t-il, ces pratiques d'indifférence ou d'abstention à l'égard des expatriés se muèrent progressivement en politiques d'attention ».
Ces politiques actives en direction des communautés expatriées sont probablement la conséquence et le reflet des mutations profondes du phénomène de l'immigration avec, en particulier, la progression significative du nombre de migrants, la mondialisation des flux avec une diversification des trajectoires et des destinations, la montée en puissance des flux sud-sud et le changement du statut de nombre de pays qui ne sont plus seulement des pays émetteurs, mais qui sont aussi et de plus en plus, même si c'est à des degrés variables, des pays de transit et d'installation.
Ces nouvelles politiques reflètent aussi les mutations internes des communautés émigrées.
Engagées dans des processus inéluctables d'enracinement dans les pays de résidence, les communautés émigrées aspirent en même temps à participer d'une manière ou d'une autre à la vie politique, économique et culturelle du pays d'origine.
Au fond, la revendication est celle d'une citoyenneté élargie, renouvelée et qui pourrait s'exercer de manières et à des niveaux différents dans plusieurs espaces politiques. En s'impliquant par leurs remises dans le combat contre la pauvreté, en s'investissant à travers des ONG dans le développement solidaire avec leurs communautés d'origine, en travaillant au transfert des savoirs et des compétences, tout en agissant sur le plan civique dans leurs pays de résidence, les migrants et leurs descendants manifestent un dynamisme civique certain qui peut être une source d'enrichissement pour les deux sociétés.
En effet, si dans certains pays les communautés émigrées peuvent constituer un facteur de polémique et de tensions, elles sont aussi un élément essentiel de rapprochement entre les peuples et les gouvernements et d'approfondissement de la notion même de citoyenneté.
C'est dans ce cadre qu'il faut considérer, nous semble-t-il, la multiplication des conseils de l'émigration et des institutions étatiques dédiées aux populations nationales vivant à l'étranger et le rôle qu'ils peuvent jouer, au moins à un triple niveau.
Composés d'hommes et de femmes qui ont vécu, souvent difficilement l'expérience migratoire, faite parfois de solitude, d'éloignement et de nostalgie de la terre quittée, de migrants qui ont du faire le dur apprentissage de l'intégration dans une société différente, qui peut mieux que ces conseils et institutions se faire l'écho des préoccupations et doléances des communautés expatriées et de défense de leurs droits dans les pays de résidence, constituer un vecteur de participation dans la vie démocratique des pays d'origine et agir aussi pour une prise en compte des souffrances et des droits de tous les migrants, y compris dans leur pays d'origine.
Dans le débat trop souvent passionné à propos des migrations et des mobilités humaines, dans chacune de nos sociétés et au niveau international, nos conseils peuvent jouer un rôle de modération et de rationalisation de ce débat, en maintenant fermement le cap de la fraternité et de la solidarité humaines ainsi qu'une approche fondée sur les droits de l'Homme. C'est en tout état de cause le choix irréversible de notre pays et de notre gouvernement, qui mène, sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi, de vastes chantiers de réformes qui ambitionnent, au Maroc même comme au niveau de l'émigration, une approche participative aussi large que possible et l'élargissement des espaces de concertation et d'implication citoyennes.
Cet effort qui est le nôtre est d'évidence celui dont lequel vous êtes vous aussi engagés. C'est la raison pour laquelle je suis convaincu que de cette conférence donnera lieu à des échanges féconds et à de nouvelles initiatives dont cette réunion n'est que l'amorce.
Je vous remercie de votre attention.
Driss El Yazami
Mesdames et Messieurs,
Cher (e) s Ami (e) s,
Retenu à Marseille, je ne peux malheureusement pas participer à cet important séminaire et je le regrette vivement. Je le regrette d'autant plus que j'ai pu constater à la lecture du programme qui m'a été transmis par mon amie Myriam Cherti la présence à ce colloque de plusieurs chercheurs pour lesquels j'ai le plus grand respect tant pour leur rigueur académique que pour leurs qualités humaines
Mesdames et Messieurs, Cher(e)s Ami(e)s,
Permettez moi d'évoquer en quelques mots comment le Conseil que j'ai l'honneur de présider conçoit ses rapports avec le monde scientifique et la vision qu'il entend développer dans le domaine de la recherche en sciences humaines.
Etabli en décembre 2007 par SM le Roi Mohamed VI, le CCME a été chargé de deux missions principales : élaborer des avis consultatifs en matière de politiques publiques marocaines en direction de l'émigration et agir comme un organisme de prospective sur une problématique devenue à plus d'un titre centrale dans la vie du pays.
Institution consultative et de prospective auprès de Sa Majesté, le CCME ne peut concevoir l'accomplissement de sa mission sans l'établissement de liens forts, permanents et rigoureux avec le monde académique, au Maroc même, mais aussi à l'étranger où vit désormais une immigration marocaine de plus en plus mondialisée, massivement féminisée, connaissant des mutations radicales en termes de composition sociodémographiques et connaissant un processus d'enracinement réel, complexe et contrarié dans les différents pays de résidence.
Il ne saurait y avoir de politiques publiques pertinentes ni d'avis consultatifs à la hauteur des enjeux sans un renforcement du processus d'accumulation des connaissances scientifiques des migrations marocaines et l'établissement de passerelles entre le monde académique et les différents décideurs politiques, dont notre Conseil.
A cet égard, et vu du Maroc, Il reste de nombreux domaines de recherche qui ne sont pas assez ou pas du tout explorés comme par exemple la dimension religieuse et culturelle ; l'immense question de la féminisation de l'émigration, l'histoire (même si les initiatives se multiplient dans ce domaine) ; la connaissance des diasporas scientifiques, techniques et économiques marocaines ; etc. Nous ne disposons ainsi que d'une seule étude sur l'enseignement de l'arabe alors que ce poste mobilisait jusque là une part importante des ressources publiques.
L'objectif me semble-t-il est bien celui de l'élaboration progressive d'un agenda national de recherche en matière d'émigration marocaine. Notre Conseil est à cet égard disponible pour contribuer à la cristallisation d'une telle ambition et à la mobilisation des ressources financières nécessaires sans lesquelles il ne saurait y avoir de recherche de qualité.
Il y a encore trop de points aveugles dans nos connaissances des problématiques complexes de l'émigration et il est urgent d'établir cet agenda, en tenant compte des exigences de l'action publique mais aussi -cela va sans dire, mais il vaut mieux le répéter-, en respectant la liberté académique sans laquelle il ne saurait y avoir de recherche.
Le Maroc possède aujourd'hui plusieurs atouts dans ce domaine et les conditions sont à priori rassemblées : Outre une volonté politique qui est à mes yeux manifeste, ce pays possède un potentiel de chercheurs dans le domaine des migrations, confirmés et débutants, sans équivalent, du moins sur le plan quantitatif, dans des pays d'émigration comparables.
Le renforcement des ressources documentaires et financières mises à la disposition des chercheurs marocains, la multiplication des passerelles de coopération et de confrontation entre eux et les réseaux académiques internationaux d'excellence, la circulation des enseignants et des étudiants entre les pays européens et la rive sud sont autant d'objectifs auxquels le Conseil entend contribuer.
Cette volonté s'est exprimée par la signature en 2008 de conventions entre quatre universités marocaines et notre Conseil afin d'y ouvrir des centres documentaires spécialisés. Quatre autres conventions seront signées en 2009, ainsi qu'une neuvième convention avec La Bibliothèque nationale du Maroc qui vient juste d'ouvrir ses portes.
Outre une convention de partenariat qui a été signée avec le Centre Jacques Berque ainsi que le Cesem de Rabat, un séminaire sur l'histoire des migrations marocaines devrait démarrer dans quelques semaines en partenariat avec l'Université de Mohammedia.
Par ailleurs, le Conseil a soutenu durant sa première année d'existence quasiment toutes les manifestations scientifiques organisées au Maroc sur les problématiques de l'émigration et finalise en ce moment même un partenariat avec une maison d'édition dynamique afin de contribuer à la publication d'ouvrages scientifiques sur les migrations marocaines, mais aussi d'œuvrer à la traduction et à la diffusion de romans écrits dans l'immigration, etc.
Enfin, notre conseil sera présent en février et avril 2009 aux foires internationales du livre de Casablanca et de Tanger, tout comme il co-organise la sixième édition du festival Cinéma et immigration, prévu en janvier 2009 à Agadir. Consacré bien évidemment au septième art, ce festival se distingue néanmoins, et cela depuis des années, par la tenue en parallèle de séminaires et de tables rondes scientifiques. Trois manifestations sont ainsi programmées sur les diasporas, l'émigration des juifs marocains et au cinéma militant des années 1970 en France.
Plusieurs autres initiatives, notamment en matière d'histoire des migrations et de patrimoine immatériel de l'immigration sont aussi inscrits sur notre agenda.
Mesdames et Messieurs, Cher(e)s Ami(e)s,
Tout en vous remerciant pour votre écoute, je voudrais réitérer de la plus manière la plus solennelle la disponibilité du Conseil et sa ferme volonté d'accompagner les initiatives scientifiques qui lui sont présentées et de contribuer à leur mise en œuvre dans le cadre de partenariats contractualisés, d'encourager la circulation des travaux et la mobilité des femmes et des hommes du savoir.
Je vous souhaite tout le succès souhaitable dans vos travaux et vous remercie.
Dakar: entretien avec le secrétaire général du CCME 20 septembre 2013
Entretien avec M.Abdallah Boussouf, secrétaire général du CCME 29 mars 2013
Entretien avec Yabiladi - 01 Décembre 2009
Entretien avec l'hebdomadaire Al Ayyam - 27 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec l'Agence MAP - 17 mars 2009
Entretien avec le quotidien Assabah - 17 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec Radio Orient - 17 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec le quotidien Akhbar al Youm - 16 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec l'Agence MAP - 15 mars 2009
Entretien avec le quotidien Alahdath Almaghribia - 12 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec le quotidien Almassae - 10 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec le quotidien Attajdid - 9 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec le quotidien Akhbar al Youm - 9 mars 2009 (en arabe uniquement)
Entretien avec le quotidien Alalam - 7-8 juin 2008 (en arabe uniquement)
Entretien avec la MAP -7 juin 2008 (en arabe uniquement)
Entretien avec l'hebdomadaire Achourouq - 6 juin 2008 (en arabe uniquement)
Entretien avec l'Agence MAP - 4 juin 2008
Entretien avec le site Arrabita - 16 mai 2008 (en arabe uniquement)
Entretien avec le site Islamonline - 18 mars 2008 (en arabe uniquement)
Entretien avec le quotidien Attajdid -28 février 2008 (en arabe uniquement)
Entretien avec le site Madarik - 10 mai 2007 (en arabe uniquement)
L'islam en europe: de plus en plus visible, de moins en moins étranger, de plus en plus national
Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les intervenants et participants,
Mes chers collègues, membres du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger,
Chers amis,
Il me revient le grand honneur d'ouvrir ce colloque académique organisé par notre Conseil sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, et qui constitue, autant que je sache, une première dans un grand pays musulman d'émigration.
Je voudrais en préambule exprimer d'abord mes remerciements les plus sincères à vous, chers intervenants, qui avez bien voulu accepter notre invitation malgré, nous le savons, des agendas chargés par vos travaux de recherches et d'enseignement, vos fonctions publiques ou votre action militante.
Mes remerciements vont aussi au groupe de travail de notre Conseil, à Monsieur le secrétaire général et à leurs collaborateurs qui ont veillé, en un temps limité, à la conception et à l'organisation de ce séminaire.
Comme vous l'aurez remarqué dans le programme, la qualité et la diversité des intervenants promettent des discussions fécondes et intenses. Il y a en premier lieu de nombreux universitaires, juristes mais aussi sociologues de la religion et de l'immigration ou familiers de l'analyse des politiques publiques. Permettez-moi à cet égard de saluer la présence parmi nous des pionniers que furent MM. Felice Dassetto et Albert Bastenier, dont les travaux précurseurs nous ont nourris dès le milieu des années 1980. Je me souviens en tout cas pour ma part de l'émotion et du plaisir intellectuel que constituèrent la lecture de l'islam transplanté ou plus tard de leur «media u akbar».
Vos échanges promettent aussi d'être enrichis par les interventions de plusieurs responsables publics chargés de la gestion au niveau central des cultes, mais aussi de maires et de responsables des communautés musulmanes, qui essaient, au plus près des besoins et attentes des croyants, et souvent dans des contextes polémiques, d'accompagner la lente et complexe acclimatation de l'islam à son environnement européen.
Nous sommes au fond et les témoins et les acteurs, chacun à notre niveau d'un processus historique inédit, celui de l'enracinement de l'islam dans des sociétés pluralistes et profondément sécularisées et toutes attachées, quelle que soit leur tradition nationale spécifique, à une même laïcité culturelle européenne, pour reprendre une expression du professeur Jean-Paul Willaime, laïcité culturelle qu'il définit ainsi : « neutralité confessionnelle de l'État et de la puissance publique, reconnaissance de la liberté religieuse (y compris la liberté de non-religion), reconnaissance de l'autonomie de la conscience individuelle (liberté personnelle de l'homme et de la femme par rapport à tous les pouvoirs religieux et philosophiques), réflexivité critique appliquée à tous les domaines (religion, politique, science...)».
Certes, l'organisation de l'enseignement (places respectives du public et du privé, de l'enseignement religieux,..) et les modalités de financement du culte différent d'un pays à l'autre, et l'espace européen « connaît une grande diversité de modèles institutionnels de rapports entre États et religions » (Christian Mellon, 1994) mais il y a ce fonds européen commun qu'on ne peut, ni sur le plan de la réflexion ni sur le plan politique, ignorer.
Mais ce n'est pas là le seul élément commun aux pays européens. L'une après l'autre, les sociétés européennes connaissent une diversification de plus en plus évidente et cette diversification se fait à un rythme historique accéléré, transformant de manière essentielle le paysage religieux et culturel de ces pays. Induits par les décolonisations et les vagues successives de l'immigration, les mouvements de population de ces dernières décennies ont transformé le visage de l'Europe.
Le nouveau partenaire musulman de l'équation religieuse européenne est ainsi de plus en plus visible, de moins en moins étranger ou immigré et de plus en plus national, puisque revendiqué et assumé par une partie des enfants de l'immigration.
Ce partenaire demande de manière de plus en plus pressante sa place sur l'échiquier démocratique. Il la demande alors que les religions établies et les Etats européens ont conclu à travers l'histoire des accords explicites ou implicites de cohabitation, conférant aux confessions « anciennes » des avantages et des moyens que l'islam, nouveau venu, revendique à juste titre.
Ce nouveau partenaire s'enracine dans un environnement polémique, régulièrement réactivé par les tensions internationales. Il se développe alors que sa base sociale est restée longtemps et est encore dans une large mesure marquée par son histoire ouvrière et son statut social défavorisé, manquant de cadres de qualité, d'équipements dignes. Si la liberté religieuse est garantie en théorie, elle reste trop souvent méconnue en pratique.
C'est dans ce contexte que nous avons choisi, pour amorcer notre réflexion sur l'islam en Europe, une approche par le droit, qui définit dans toute société démocratique, les droits et les obligations des groupes et des individus.
L'approche européenne nous a semblé aussi évidente, non seulement parce 80% des 3,5 millions de Marocains émigrés habitent cette région du monde, mais aussi parce qu'elle devrait permettre des comparaisons probablement utiles pour les uns et les autres.
Je ne peux clore ce discours sans invoquer la mémoire d'un ami qui vient de nous quitter et qui a été pour un nous un maître, un compagnon et une source d'inspiration. Bruno Etienne vient de disparaître, mais je ne peux oublier son empathie, sa curiosité et sa disponibilité. Je dédie cette rencontre à sa mémoire.
Agadir, le 21 janvier 2009
Mobilités et migrations : ce que peut le cinéma
Il y a quelques mois, et parallèlement à la tenue de sa première plénière, le Conseil de la communauté marocaine de l'étranger (CCME) signait une convention de partenariat avec l'association l'Initiative culturelle, responsable depuis des années de l'organisation du festival Cinéma et migrations. Cette sixième édition en est la première manifestation et constitue une nouvelle illustration de la volonté de notre Conseil d'une part de donner à la culture une place essentielle dans la problématique migratoire et, d'autre part, de nouer le maximum de partenariats tant au Maroc que dans les pays de résidence.
Cette démarche s'explique en premier lieu par le constat, largement partagé, des fortes attentes qu'expriment les communautés expatriées à l'égard de la terre d'origine en matière d'offre culturelle. Impliquées dans un processus inéluctable bien que contrarié d'enracinement dans les pays d'immigration, les populations émigrées maintiennent néanmoins des rapports intenses au pays quitté et s'interrogent sur les modalités de maintien et de renouvellement de ce lien. Pour les premières générations, la question centrale est celle de la transmission du legs reçu en héritage avant le départ en émigration. Quant à leurs enfants qui n'ont émigré de nulle part, l'enjeu est bien celui de négocier de la manière la plus harmonieuse possible une double appartenance désormais inscrite dans le droit, mais aussi dans la mémoire familiale et dans le regard que la société porte sur eux et sur leur origine, regard de plus en lesté de méfiance et d'incompréhensions de tous ordres. Par la restauration et la revivification du lien, la culture peut à cet égard non seulement aider les individus à se situer dans leurs cheminements singuliers mais aussi, sur le plan collectif, contribuer à une réhabilitation de l'origine et une révélation de ce qui est universel en elle, les aidant ainsi à réussir leur propre et toujours unique synthèse.
La demande récurrente formulée par les Marocains du monde de création de « centres culturels » révèle l'ampleur de ces attentes inédites : à travers cette revendication, c'est bien une amplification et une diversification significatives de l'offre culturelle qui est ainsi exprimée, offre qui doit impérativement tenir compte des contextes sociopolitiques des pays de résidence, des générations et des contenus. A l'inverse, les populations migrantes expriment à l'égard du pays d'origine une demande de reconnaissance de ce qu'elles sont en train de vivre et de produire et une transformation du regard que la société porte encore sur elles et qui reste marqué par une vision uniforme et figée de ce qu'est l'émigration. C'est à ce double besoin que le cinéma peut à sa manière répondre.
Dynamique grâce à l'inventivité de ses créateurs et à la politique active de soutien du Centre cinématographique marocain (CCM), le cinéma national qui se situe aujourd'hui dans le peloton de tête de la cinématographie africaine, peut contribuer à rassasier cette « soif de Maroc » que l'on vient d'évoquer ci-dessus. Chacun(e) de ses cinéastes nous dit une part de ce pays et de son peuple, de leurs aspirations et de leurs batailles, de leurs difficultés et de leurs atouts. Ils nous racontent une terre en mouvement et leur regard à chaque fois nous enrichit et nous mobilise. Pareillement, des films produits ailleurs, et quels qu'en soient les auteurs, issus de l'immigration ou non, peuvent aussi révéler au public marocain les mutations collectives et intimes qui sont à l'œuvre au sein des populations émigrées. A cet égard, on peut relever plusieurs évolutions qu'il n'est pas inutile de rappeler.Entre les films militants des années 1970, dont on verra quelques fortes illustrations lors de cette édition, et l'écho rencontré, à titre d'exemple, par le film Indigènes, la problématique migratoire est passée de la marge pour devenir une des thématiques centrales de la cinématographie internationale. Il n'y a en effet plus d'année sans que des films marquants traitant de l'immigration ne soient produits et distingués ici ou là.
Mais ce n'est pas la seule dynamique.Alors même que le débat politique à propos de l'immigration se durcit trop souvent et trop facilement, une sorte de révolution silencieuse est à l'œuvre sur les écrans du monde : réalisateurs, acteurs, scénaristes et techniciens de toutes origines y sont de plus en plus actifs et visibles, faisant du cinéma un des rares espaces où la diversification croissante des sociétés occidentales est la plus présente. Le festival d'Agadir se trouve ainsi au croisement de plusieurs enjeux et dynamiques.Avec tous nos partenaires, que je tiens à remercier sincèrement, et en premier lieu le CCM, nous nous engageons à soutenir et à accompagner son développement et son rayonnement.
Driss El-Yazami
Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, en collaboration avec le Ministère chargé des marocains résidant à l'étranger et le Ministère de la culture, participe à l'organisation de la 11ème édition du Festival 6ème continent qui aura lieu à Lyon en France du 26 mai au 6 juin 2009.
Vieillir dans l'immigration
Quel statut et quelle prise en charge des Marocains vieillissants ?
Casablanca, Hôtel Farah Golden Tulip, 30 - 31 mai 2009
Samedi 30 mai 2009
8h30 : Accueil des participants
9h00 - 10h00 : Séance d'ouverture
- M. Jamal Rhmani, Ministre de l'Emploi et de la Formation Professionnelle
- Introduction aux travaux : Mme Amina Ennceiri, Présidente du groupe de travail Approche genre et nouvelles générations, CCME
10h00 - 10h15 : Pause café
10h15 - 13h00
Première séance plénière
Retraité(e)s marocain(e)s en Europe : contexte juridique, institutions et réalités sociales
Président : M. Bachir Hamdouch, Professeur à l'Université Mohammed V, consultant à la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l'étranger
- La sécurité sociale des retraités marocains en Europe au regard des législations nationales et des conventions internationales, M. Mohamed Benhssaine, Professeur de droit à l'Université Abdelmalek Essâadi de Tétouan, Maroc
- Les immigrés marocains âgés en France, approche sociodémographique, M. Alain Rozenkier, Direction des recherches sur le vieillissement, Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), France
- Le statut juridique des retraités marocains face à la question de la discrimination indirecte, M. Zouhair Aboudahab, Docteur en droit, avocat au barreau de Grenoble, France
- Les retraités marocains en Belgique, Mme Nathalie Perrin, politologue au Centre d'études de l'ethnicité et des migrations, Liège, Belgique
- Les droits des citoyens marocains dans le système de sécurité sociale espagnole
- Introduction et approche générale, M. Fernando López Huerta, Secrétaire Général de l'Institut National de la Sécurité Sociale (INSS), Espagne
- Le cadre réglementaire de protection sociale : présentation détaillée des principales prestations, M. Antonio Vicente Combres, Conseiller au Secrétariat Général de l'Institut National de la Sécurité Sociale(INSS), Espagne
- La situation aux Pays-Bas : M. Abdellatif Maaroufi, chercheur, consultant, Centre CABO, Pays-Bas
- Le contexte socio-économique des retraités marocains en Allemagne, M. Rahim Hajji, sociologue au Sachverständigenrat deutscher Stiftungen für Integration und Migration (SVR) Gmbh, Allemagne
- Le système de sécurité sociale en Grande-Bretagne, Mme Alice Tligui, consultante, Grande-Bretagne
13h00 - 14h 30 : Pause déjeuner
14h30 - 17h00
Table ronde 1 : Les retraités, entre institutions et mobilités
Président : M. Jamal Lahoussaine, Président de l'association Migration et développement
- Vieillir au risque de l'immigration : le cas des Marocains résidents en France, M. Omar Samaoli, Docteur en anthropologie, Enseignant-chercheur, Observatoire Gérontologique des Migrations en France, France
- Le rite funéraire d'intégration, entre retour post mortem et enracinement, M. Yacine Chaib, sociologue, Directeur régional de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE) Picardie, France
- La situation des retraités marocains en établissement pour personnes âgées, Mme Nadège Bartkowiak, Directrice d'établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), France
- Pratiques d'entraide et recours aux institutions : quel soutien pour les migrants âgés? Mme Sylvie Carbonnelle, socio-anthropologue, groupe de recherches "Ages, Temps de vie, Vieillissements" et Centre de Diffusion de la Culture Sanitaire asbl, Institut de Sociologie - Université Libre de Bruxelles, Belgique
- Anciens combattants marocains, oubliés de l'histoire ou traitements indigènes et discriminations directes", M. Ali El Baz, Coordinateur de l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), France
17h00 - 17h15 : Pause café
17h15 - 18h30
Table ronde 2 : Femmes retraitées : quelles spécificités ?
Présidente : Mme Souad Talsi, membre du groupe de travail Approche genre et nouvelles générations, CCME
- Le vieillissement des immigrées marocaines : quelles perspectives ?, Mme Fatima Mesdali, socio-anthropologue, responsable de l'unité « Femmes, jeunesse et migration » à l'Institut Universitaire de Recherche Scientifique (IURS), Maroc
- La vieillesse des femmes marocaines et l'accès aux droits, M. Abdellatif Maaroufi, chercheur, consultant, Centre CABO, Pays-Bas
- Femmes marocaines en France à l'âge de la retraite : état des lieux et perspectives de recherches, Mme Fatima Aït Ben Lmadani, sociologue, chargée de mission au CCME
Dimanche 31 mai 2009
9h00 - 10h30 :
Table ronde 3 : Le contexte juridique et social des retraites au Maroc
Présidente : Mme Mina Rhouch, rapporteur du groupe de travail Approche genre et nouvelles générations, CCME
- L'enquête Nationale sur les personnes âgées, M. Said Azemmam, démographe Centre d'études et de recherches démographiques (CERED), Haut Commissariat au Plan (HCP), Maroc
- Vision prospective du régime des retraités au Maroc, M. Lotfi Boujendar, Chef de la Division des régimes de retraite à la Direction des assurances et de la prévoyance sociale, Ministère de l'Economie et des Finances, Maroc
- Les retraités entre prise en charge sociale et résilience, M. Abdelkrim Belhaj, Universitaire, Université Mohammed V - Agdal, Rabat, Maroc
- Les retraités marocains : anciens et nouveaux profils. Quelles structures pour une retraite sereine ?, Mme Soumaya Nâamane Guessous, Sociologue, professeur à l'Université Hassan II, Casablanca, Maroc
- Les institutions marocaines face aux émigrés retraités, M. Mohamed Afifi, Directeur de la stratégie à la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS), Maroc
10h30 - 11h00 : Pause café
11h00 - 13h00
Travaux en deux ateliers parallèles : Solidarité et expériences innovantes : l'action des associations
Atelier 1
- Présidente : Mme Najat Azmy, Membre du groupe de travail Cultures, éducations et identités, CCME
- Rapporteurs : M. Abderrahim Errabaï, Président de l'Association des retraités marocains en France, France ; Mme Véronique Manry, chargée de mission au CCME
Atelier 2
- Président : M. Abdellah Samate, Président de l'Association des mineurs marocains du Nord - Pas-de-Calais, France
- Rapporteurs : Mme Nathalie Perrin, politologue au Centre d'études de l'ethnicité et des migrations, Liège, Belgique ; Mme Ahlame Rahmi, chargée de mission au CCME
- Avec la participation de :
- Mme Zineb Doulfikar, Directrice, Association Les Chibanis, France
- M. Moncef Labidi, Directeur, Café social Ayyem Zamen, France
- M. Jamal Lahoussaine, Président, Association Migration et développement, France-Maroc
- M. Abdelouahab El Amri, Président, Association Solid, Pays-Bas
- M. Mohamed Amri, Association des Anciens Travailleurs de Renault-Billancourt de l'Ile Seguin (ATRIS), France
- M. Abdelkader Amali, Président, Association des Marocains âgés de Tilburg, Pays-Bas
- M. Akka Ghazi, Président, Association des Marocains retraités de l'étranger, Maroc
- M. Mohamed Sayem, Consultant, Fondation de soutien aux émigrés qui retournent dans leur pays d'origine (SSR Berkane), Maroc
- Mme Rachida El Idrissi, Responsable projet « Seniors sans frontières » à Saint-Gilles, Belgique
- M. Kjartan Sveinsson, chercheur-analyste, Runnymede Trust, Grande-Bretagne
- M. Abderrahim Errabaï, Président de l'Association des retraités marocains en France, France
- M. Boualam Azahoum, Travailleur social, Président, Association El Ghorba, France
13h00 - 14h30 : Pause déjeuner
14h30 - 16h00
Table ronde finale : Défis, problématiques et pistes d'action
- Président : M. Abdelouahed Khouja, Secrétaire Général du Ministère de l'Emploi et de la Formation Professionnelle
- Discutant : M. Mohamed Malki, Chef de projet, Association Accordages, France
- Avec la participation de :
- M. Abderrahim Errabaï, rapporteur de l'Atelier 1
- Mme Nathalie Perrin, rapporteur de l'atelier 2
- M. Abdellatif Chaouite, sociologue, rédacteur en chef de la revue Ecarts d'identité
- M. Omar Samoali, Docteur en anthropologie, Enseignant-chercheur, Observatoire Gérontologique des Migrations en France, France
16h00 - 16h15 : Pause café
16h15 : Séance de clôture
- Mme Nouzha Skalli, Ministre du développement social, de la famille et de la solidarité
- M. Mohammed Ameur, Ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger
- M. Driss El Yazami, Président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger
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Dans un monde globalisé qui tend de plus en plus à l'homogénéisation, l'histoire ne se constitue pas seulement à partir des souvenirs de gloire passés mais aussi à partir de la mémoire des souffrances subies en commun.
Des mémoires de Renault aux Mémoires Vives ...
De l'exposition à la caravane ...
La caravane Mémoires vives, présentera tout au long du mois d'Avril 2009 l'exposition Mémoires de Renault, le film documentaire Retour sur l'Ile Seguin (Mehdi Lallaoui - 52min- France - 2003) et offrira un espace de rencontres et de débats.
« Lorsque Renault tousse, la France s'enrhume », aurait dit dans les années 1960 un homme politique français. Et dans l'empire Renault, l'usine de Boulogne-Billancourt installée sur l'Ile Seguin, était depuis le Front populaire le lieu symbolique de cette longue période, une sorte de thermomètre de la vie politique et sociale française, la forteresse ouvrière, avait-on coutume de dire.
Après la fermeture de l'usine Renault à Billancourt en 1992, quelques anciens travailleurs de l'Ile Seguin se réunissaient de manière tout à fait informelle. L'objectif était double : garder un lien entre eux, par solidarité, mais aussi pour surmonter le traumatisme lié à la fermeture.
Vendredi 27 mars 2009
De 10h à 11h conférence de presse à la mairie de Saint-Denis en présence du Maire, des médias et de personnalités
Le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) et l'Association des anciens travailleurs de Renault Ile Seguin (ATRIS), organisent du 30 mars au 28 avril 2009 la caravane Mémoires Vives dans la région de Souss-Massa-Draa.
L'islam en europe: de plus en plus visible, de moins en moins étranger, de plus en plus national
Messieurs les maires
Mesdames et Messieurs les intervenants et participants
Mes chers collègues, membres du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger
Chers amis,alt
Il me revient le grand honneur d'ouvrir ce colloque académique organisé par notre Conseil sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, et qui constitue, autant que je sache, une première dans un grand pays musulman d'émigration.
Je voudrais en préambule exprimer d'abord mes remerciements les plus sincères à vous, chers intervenants, qui avez bien voulu accepter notre invitation malgré, nous le savons, des agendas chargés par vos travaux de recherches et d'enseignement, vos fonctions publiques ou votre action militante.
Mes remerciements vont aussi au groupe de travail de notre Conseil, à Monsieur le secrétaire général et à leurs collaborateurs qui ont veillé, en un temps limité, à la conception et à l'organisation de ce séminaire.
Comme vous l'aurez remarqué dans le programme, la qualité et la diversité des intervenants promettent des discussions fécondes et intenses. Il y a en premier lieu de nombreux universitaires, juristes mais aussi sociologues de la religion et de l'immigration ou familiers de l'analyse des politiques publiques. Permettez-moi à cet égard de saluer la présence parmi nous des pionniers que furent MM. Felice Dassetto et Albert Bastenier, dont les travaux précurseurs nous ont nourris dès le milieu des années 1980. Je me souviens en tout cas pour ma part de l'émotion et du plaisir intellectuel que constituèrent la lecture de l'islam transplanté ou plus tard de leur « media u akbar ».
Vos échanges promettent aussi d'être enrichis par les interventions de plusieurs responsables publics chargés de la gestion au niveau central des cultes, mais aussi de maires et de responsables des communautés musulmanes, qui essaient, au plus près des besoins et attentes des croyants, et souvent dans des contextes polémiques, d'accompagner la lente et complexe acclimatation de l'islam à son environnement européen.
Nous sommes au fond et les témoins et les acteurs, chacun à notre niveau d'un processus historique inédit, celui de l'enracinement de l'islam dans des sociétés pluralistes et profondément sécularisées et toutes attachées, quelle que soit leur tradition nationale spécifique, à une même laïcité culturelle européenne, pour reprendre une expression du professeur Jean-Paul Willaime, laïcité culturelle qu'il définit ainsi : « neutralité confessionnelle de l'État et de la puissance publique, reconnaissance de la liberté religieuse (y compris la liberté de non-religion), reconnaissance de l'autonomie de la conscience individuelle (liberté personnelle de l'homme et de la femme par rapport à tous les pouvoirs religieux et philosophiques), réflexivité critique appliquée à tous les domaines (religion, politique, science...) ».
Certes, l'organisation de l'enseignement (places respectives du public et du privé, de l'enseignement religieux,..) et les modalités de financement du culte différent d'un pays à l'autre, et l'espace européen « connaît une grande diversité de modèles institutionnels de rapports entre États et religions » (Christian Mellon, 1994) mais il y a ce fonds européen commun qu'on ne peut, ni sur le plan de la réflexion ni sur le plan politique, ignorer.
Mais ce n'est pas là le seul élément commun aux pays européens. L'une après l'autre, les sociétés européennes connaissent une diversification de plus en plus évidente et cette diversification se fait à un rythme historique accéléré, transformant de manière essentielle le paysage religieux et culturel de ces pays. Induits par les décolonisations et les vagues successives de l'immigration, les mouvements de population de ces dernières décennies ont transformé le visage de l'Europe.
Le nouveau partenaire musulman de l'équation religieuse européenne est ainsi de plus en plus visible, de moins en moins étranger ou immigré et de plus en plus national, puisque revendiqué et assumé par une partie des enfants de l'immigration.
Ce partenaire demande de manière de plus en plus pressante sa place sur l'échiquier démocratique. Il la demande alors que les religions établies et les Etats européens ont conclu à travers l'histoire des accords explicites ou implicites de cohabitation, conférant aux confessions « anciennes » des avantages et des moyens que l'islam, nouveau venu, revendique à juste titre.
Ce nouveau partenaire s'enracine dans un environnement polémique, régulièrement réactivé par les tensions internationales. Il se développe alors que sa base sociale est restée longtemps et est encore dans une large mesure marquée par son histoire ouvrière et son statut social défavorisé, manquant de cadres de qualité, d'équipements dignes. Si la liberté religieuse est garantie en théorie, elle reste trop souvent méconnue en pratique.
C'est dans ce contexte que nous avons choisi, pour amorcer notre réflexion sur l'islam en Europe, une approche par le droit, qui définit dans toute société démocratique, les droits et les obligations des groupes et des individus.
L'approche européenne nous a semblé aussi évidente, non seulement parce 80% des 3,5 millions de Marocains émigrés habitent cette région du monde, mais aussi parce qu'elle devrait permettre des comparaisons probablement utiles pour les uns et les autres.
Je ne peux clore ce discours sans invoquer la mémoire d'un ami qui vient de nous quitter et qui a été pour un nous un maître, un compagnon et une source d'inspiration. Bruno Etienne vient de disparaître, mais je ne peux oublier son empathie, sa curiosité et sa disponibilité. Je dédie cette rencontre à sa mémoire.
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