Le peintre chinois Liu Xiaodong, artiste contemporain reconnu dont certaines toiles se vendent à des millions de dollars, a placé la crise des migrants au centre d'une exposition ouverte vendredi à Florence.
Intitulée "Migrations", cette nouvelle collection présente jusqu'au 19 juin au palais Strozzi un total de 182 pièces tableaux, photographies, peintures sur photo, commentaires texte et vidéo etc.
A l'origine, Liu Xiaodong avait été invité en Toscane pour examiner les liens entre la communauté chinoise de Prato, l'une des plus grandes d'Europe dans la banlieue de Florence, et la société toscane dans son ensemble.
Mais le projet a pris de l'ampleur quand l'artiste a décidé d'aller suivre le périple des réfugiés syriens pour rejoindre l'Europe du Nord, à travers la Turquie, la Grèce et les Balkans.
Le résultat est une collection qui fait réfléchir, à la fois journal illustré des voyages du peintre chinois sur les fronts de la crise des migrants et réflexion sur la nature même de la migration, à travers le prisme du Chinatown de Prato et des collines toscanes.
"Il y a deux extrêmes de la migration qui convergent en Europe en ce moment", explique Liu à l'AFP.
"A Prato, il y a cette présence très calme, pas vraiment visible. Et il a aussi cette immigration dont nous entendons parler tous les jours, celle des gens fuyant la guerre. Je voulais rassembler ces deux idées dans une exposition", ajoute-t-il.
L'une des pièces les plus marquantes de l'exposition est un immense tableau représentant un paysage toscan classique vu du bord d'une piscine qui se détache des collines... et dans laquelle flotte un canot noir dégonflé, comme après un naufrage de migrants.
"Pour les gens de tant de parties du monde, l'Europe est comme la terre promise", explique Liu. "Et même si la migration fait partie intégrante de l'histoire de l'humanité, cette immense vague, cette afflux de réfugiés pose clairement problème à la société européenne".
"Cette image du canot dégonflé était un moyen d'injecter les problèmes et les questions non résolues que la migration apporte dans un lieu paradisiaque, idylique", ajoute-t-il.
A Prato, capitale du textile italien dont les Chinois ont pris le contrôle de la production et où ils représentent près d'un quart de la population, le peintre a été surpris par la lenteur de leur intégration dans la vie italienne.
"Cela fait au moins plusieurs générations qu'ils sont là, et ils sont toujours très renfermés. Ils ont leurs propres coutumes et traditions et restent vaiment séparés de la population locale. Ce modèle de migration est lui aussi problématique", estime-t-il.
Pour Arturo Galansino, directeur général du palais Strozzi, il était temps que l'art cherche à donner du sens aux profonds changements opérés par les migrations, sans pour autant s'immiscer dans le débat houleux pour savoir si l'Europe doit fermer ses frontières ou au contraire faciliter les arrivées.
"L'exposition montre comment l'oeil de l'artiste a évolué depuis de local jusqu'à l'international. Il a voulu capturer ce qui se passe à partir de tous les points de vue possibles: dans les rues de Prato, à la gare centrale de Vienne, dans un port de Turquie. Tout cela participe d'un tableau plus vaste", explique-t-il.
"Il ne porte pas de jugement, il présente juste la réalité. Et cela montre comment l'art peut nous aider à comprendre quelque chose de très complexe d'une manière nouvelle", ajoute-t-il.
23 avr 2016
Source : AFP