Nasrine est une « Before 20 ». Exténuée et traumatisée, la jeune Syrienne de 23 ans a pourtant eu une chance : celle de poser le pied sur l’île grecque de Lesbos avant le 20 mars. Ceux qui ont accosté après cette date, les « After 20 », comme on les appelle, attendent parqués derrière des grillages et des barbelés, quand Nasrine, elle, est une réfugiée libre, qui se prépare à reprendre la route.
Les 2 390 migrants de l’île se répartissent aujourd’hui entre ces deux statuts. Les « Before 20 » ont le droit de rêver à l’Europe de l’Ouest et du Nord. Pour les « After 20 », le rêve s’est brisé et la détention rend leur malheur invisible. « Aujourd’hui, tous les nouveaux arrivants sont directement conduits par les autorités au camp d’enregistrement de Moria, à quelques kilomètres de la capitale, Mytilène. Et là, la porte se referme derrière eux », déplore Boris Cheshirkov, le coordinateur du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR).
Avant la mise en place de l’accord entre l’Union européenne (UE) et la Turquie, les réfugiés passaient déjà par le camp de Moria, mais ils en repartaient très vite, une fois enregistrés. C’était juste une étape avant de rejoindre l’Europe continentale ou de demander à bénéficier du programme de relocalisation dans un pays de l’Union. Aujourd’hui, leur nom est noté par la police du camp, mais leur demande d’asile, elle, n’est même pas enregistrée. La Grèce a décidé d’appliquer la rétention avant d’avoir dessiné le cadre juridique de ses nouvelles règles. Le texte, signé le 18 mars avec la Turquie, autorise le renvoi...Suite