jeudi 28 novembre 2024 03:55

A Mellila, l’autre porte vers l’Europe

Chaque matin, à l’aube, Barakat marchait jusqu’à la frontière, sortait son passeport syrien de son sac et le montrait aux agents de police marocains. Et chaque matin, on lui ordonnait sans ménagement de partir.

Il ne pouvait pas franchir les dizaines de mètres qui le séparaient d’une demande d’asile et de sa famille en Espagne. La dixième tentative fut cependant la bonne pour ce volailler de Homs. Barakat s’est caché dans la foule qui s’agglutine chaque jour au passage frontalier de Beni Enzar séparant Nador au Maroc de Melilla en Espagne. Il a attendu le passage de relais des gardes pour passer en Espagne et s’est faufilé.

 «Qu’une halte en Espagne»

Comme celle de Barakat, 90% des demandes d’asile effectuées aux frontières espagnoles sont présentées à Melilla, la grande porte d’entrée sud vers l’Europe. Cette année, 6200 Syriens et Palestiniens sont entrés avec leurs familles, loin des projecteurs et des caméras de télévision focalisées sur l’Europe centrale. La majeure partie de ceux et celles qui s’arrêtent à Melilla ne font qu’une halte en Espagne. Leur objectif: le nord de l’Europe.

Les «mojarrebs» à l’affût

La femme de Barakat a franchi la frontière accompagnée de ses enfants (âgés de 6 et 10 ans), en contrepartie d’une somme de 3600 euros plusieurs semaines avant que le père de famille n’ait tenté sa chance. En théorie, tout réfugié qui souhaite demander l’asile peut le faire en se présentant aux bureaux ouverts par le Ministère de l’intérieur à Beni Enzar. Mais les trafiquants sont aux abois: un pic d’affluence et leur business reprend.

Aux cafés marocains frontaliers, les mojarrebs – comme les Syriens appellent les passeurs – font leur beurre sur le dos des réfugiés. Beaucoup déambulent dans Nador dans l’attente d’une opportunité. «À Nador, on dénombre 600 Syriens. La plupart attendent de pouvoir passer en Espagne», explique Azzous Bouljbour, membre de l’Organisation marocaine des droits de l’homme.

«C’est ça l’Europe?»

À Melilla, les réfugiés sont hébergés au Centre de séjour temporaire d’immigrés (CETI), un lieu «destiné à offrir des services et des prestations sociales de base». D’une capacité de 512 places, il accueille actuellement près de 1600 individus. Les réfugiés séjournent ici deux à trois mois avant d’être transférés par groupes de 180 sur des bateaux à destination de l’Espagne.

Le CETI, la clôture, la frontière. Telles sont les premières images de l’Espagne qu’emportent les demandeurs d’asile avec eux. «C’est ça l’Europe?» demandent Hared et Dareen Al Sadi, un couple syrien avec un enfant de 2 ans arrivé à Melilla peu avant l’été. Barakat, lui, se trouve désormais à Madrid. Il vit avec sa famille au Centre d’hébergement des réfugiés depuis six mois. On lui a d’ores et déjà expliqué que d’ici à trois semaines, il devrait s’en aller et trouver un logement. Il n’a pas de travail. Et sans contrat de travail, personne ne voudra lui louer un appartement.

26.09.2015, De Ana Carbajosa

Source : TDG

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