mercredi 27 novembre 2024 17:30

A Sète, 200 marins marocains bloqués à quai depuis quatre mois

Cela fait maintenant quatre mois que 200 marins, principalement marocains, sont bloqués sur leur bateau à Sète. Quatre mois que leurs ferries ont été saisis pour impayés, les laissant loin de chez eux, sans salaire et dans une situation totalement ubuesque.

A l'origine de cette histoire, les difficultés de leur armateur, la société marocaine privée Comarit-Comanav, dont les bateaux ont été saisis fin 2011-début 2012, qu'ils soient au Maroc, en Espagne ou à Sète. Au total, neuf bateaux et 1300 salariés, non payés depuis novembre.

A Sète, les commandants des navires gèrent chacun la situation de manière différente. Les capitaines des Marrakech et Biladi ont ainsi refusé toute aide médicale et n'ont laissé leurs marins descendre de bord qu'au moment où les tensions sont devenues trop difficiles à gérer, pendant que celui du Bni Nsar a tout de suite permis les allers-venues des marins qui vont et viennent comme ils le veulent dans le port. "Tant qu'on a du fuel et des vivres, l'armement continue d'exister, explique le commandant du Bni Nsar, Hervé Parage. Ces marins tiennent à leur place, c'est pour cela qu'ils sont capables d'endurer cette situation."

LIVRÉS AU DERNIER MOMENT

Le propriétaire fournit pour l'instant au bateau les vivres et le fuel pour que la vie à bord reste possible, mais les livraisons se font toujours au dernier moment, sans aucune visibilité pour l'équipage.

A bord, la vie s'organise. "On essaie de maintenir un semblant de vie sociale, précise sans détour Hervé Parage. On maintient les horaires de travail ou les réunions hebdomadaires. Le personnel en cuisine a du travail, le personnel des machines s'occupe par la production d'électricité et le personnel de pont réalise de petits travaux." Aujourd'hui, le garage à peinture est repeint, flambant neuf, mais désormais, il n'y a plus de peinture pour engager un autre chantier.

A Sète, les associations se sont mobilisées pour leur venir en aide. Le Seaman's club vient ainsi chercher les marins le soir pour les emmener se détendre dans leurs locaux, où ils peuvent jouer au billard ou surfer sur internet.

AUCUN VOLONTAIRES AU RETOUR

La préfecture de l'Hérault est également intervenue pour que cette affaire ne vire pas à la catastrophe humanitaire. Elle a même proposé aux marins qui le souhaitaient des retours volontaires au Maroc, mais aucun n'a été volontaire : tous espèrent encore un paiement des arriérés de salaire, tous sont conscients qu'ils avaient, quand ils étaient payés, un salaire confortable (trois fois le smic marocain). Pour obtenir quoi que ce soit, le marin a toujours eu une seule attitude, immuable et universelle : ne pas quitter son navire, seul lien qui l'unit à son armateur.

Au Maroc, le gouvernement essaie lui aussi de débloquer la situation. Il a réuni des investisseurs, trouvé une solution pour une reprise, en transformant des dettes en parts sociales, mais pour l'instant, le propriétaire de la Comarit refuse encore le schéma proposé. En attendant, des huissiers ont procédé lundi à la saisie conservatoire des navires à la demande de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). L'armateur a un mois désormais pour régulariser la situation, avant que la liquidation ne soit prononcée et ouvre enfin la porte à une autre solution.

18.04.2012, Anne Devailly

Source : Le Monde

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