Les gérants d'une quarantaine de bars et restaurants parmi les plus populaires de Tel-Aviv, dans lesquels sont employés la plupart des migrants africains, ont décidé de se mobiliser à leur tour. Ils ont participé à une journée de soutien, le 19 janvier, pour protester contre la politique migratoire de l'État hébreux et sensibiliser les Israéliens à la problématique des demandeurs d’asile.
L’ambiance est festive au "Bar Kaima" dans le sud de Tel-Aviv et le signe de ralliement tient en un bout de tissu africain arboré sur la devanture du bar, autour de la tête ou porté en brassard. Adi, un jeune israélien présent ce soir-là raconte qu’il a été "très touché" par cette initiative : "c’est la première fois que j’ai une vraie conversation avec un réfugié".
Au programme : musique, danse et cuisine africaine mais surtout de nombreuses tables rondes. Yaniv qui gère le "Shaffa", un bar de la vieille ville de Tel-Aviv, est à l’initiative de cet événement. Il explique : "pour cette soirée, des volontaires ont repris la cuisine où officient habituellement les réfugiés africains pendant que ces derniers sont allés à la rencontre des clients". L’idée, lancée par Yaniv peu avant le début des manifestations, a séduit de nombreux restaurateurs qui ont voulu s’allier à cette cause.
Qualifiés d’"infiltrés" par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, les migrants souffrent d’un racisme ambiant et d’une très mauvaise image au sein de la société israélienne. Pour Yaniv, cette représentation est due en partie aux médias qui se focalisent sur les crimes qui leurs sont imputés : "Il y a des criminels certes, mais ce n’est pas représentatif de toute la communauté".
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Arrivé de République centrafricaine il y a six ans, Moussa souligne à quel point l’initiative est importante pour lui et pour la communauté des migrants : "c’est une véritable opportunité de rencontrer les israéliens et de leur prouver notre bonne foi, notre utilité". Plusieurs restaurateurs se sont récemment exprimés dans la presse, soulignant le caractère indispensable des migrants. Ces derniers ont progressivement remplacé les Palestiniens qui, depuis 2005, entrent au compte-gouttes dans l’état hébreu.
Une véritable campagne de diabolisation à l’encontre des migrants a lieu depuis le début des manifestations. Personnalités politiques et habitants des quartiers pauvres du sud de Tel-Aviv n’ont eu de cesse de décrédibiliser le mouvement à coups d’arguments racistes et xénophobes.
Tous égaux, "en dépit de notre statut administratif "
Yaniv, le gérant du "Shaffa" qui travaille avec une dizaine de réfugiés d’origine érythréenne depuis plusieurs années assure être "très proches de [ses] employés et extrêmement sensible à ce qu’ils traversent". Selon lui, l’idée de cet événement était de "montrer aux Tel-Aviviens que nous sommes tous sur un même pied d’égalité, en dépit de notre statut administratif ".
Cette soirée intervient une quinzaine de jours après le début des manifestations qui ont vu plus de 30 000 personnes défiler pacifiquement dans les rues de Tel-Aviv et Jérusalem pour dénoncer la politique d’immigration israélienne. Le mois dernier, le gouvernement a fait voter une loi autorisant la rétention des migrants jusqu’à une durée de un an, sans procès.
Les restaurateurs s’étaient déjà prononcé en faveur de la cause des Africains en supportant la grève de ces derniers, début janvier. Plusieurs établissements de Tel-Aviv employant des migrants avaient même décidé de fermer symboliquement leurs portes pour une journée.
Pour les quelque 60 000 migrants africains d’Israël, la mobilisation continue avec notamment un appel international à manifester pour la journée du 22 janvier 2014.
21/01/2014, Sébastien Leban
Source : Jeuneafrique.com