dimanche 24 novembre 2024 23:50

Allemagne: Elle veut briser le tabou de la double nationalité en Allemagne

Elle est discrète. Peu d'apparitions, peu de déclarations… Aydan Özoguz a pourtant tout pour faire parler d'elle. À 46 ans, elle est ministre d'État en charge de l'Intégration, installée directement dans le bâtiment de la Chancellerie.

Elle est la première personnalité d'origine turque à intégrer un gouvernement allemand. C'est une nomination «historique», s'étaient félicitées les associations turques en Allemagne. Et c'est à elle qu'est revenue la charge de mettre en œuvre la réforme de la double nationalité: une autre concession arrachée par la gauche à Angela Merkel lors des négociations de coalition. «Nous avons brisé un tabou», avait déclaré le président du SPD, Sigmar Gabriel, après avoir signé l'accord avec la chancelière.

Alors que Recep Tayyip Erdogan était reçu mardi à Berlin, le résultat est encore loin d'être acquis. Le sujet est sensible dans l'opinion. Côté conservateur, mais aussi au sein de la communauté turque. Le premier ministre turc avait déclenché un tollé en 2011 en dénonçant la «politique d'assimilation» allemande, comparée à un «crime contre l'humanité». Il avait exhorté la communauté turque à apprendre d'abord le turc et ensuite l'allemand. Les conservateurs avaient répliqué sur le même ton. Aydan Özoguz sait qu'elle a encore beaucoup de batailles à mener pour faire aboutir son projet.

Depuis la réforme du Code de la nationalité, en 2000, les enfants d'immigrés bénéficient de la double nationalité jusqu'à 23 ans. À ce moment-là, ils doivent choisir s'ils conservent la nationalité allemande ou celle de leurs parents. C'est cette obligation que la gauche allemande voudrait abolir. Durant les négociations, c'est Aydan Özoguz qui a mené les discussions sur le sujet pour le SPD. La chancelière a cédé. Mais pas totalement… Dans le contrat de coalition, il est écrit que seuls les enfants qui «sont nés et qui ont grandi en Allemagne» pourront bénéficier de la double nationalité. Pour la frange la plus conservatrice de la CDU-CSU, un nouveau critère doit être introduit pour permettre l'obtention d'une double nationalité: celui du temps de scolarisation. Au SPD, on regrette que «de nouvelles barrières soient érigées».

Ce n'est pas le seul problème d'Aydan Özoguz. La communauté turque est sceptique sur la future réforme. Peu de temps avant la formation du gouvernement, elle avait été interpellée lors d'un meeting du SPD par un Turc d'une quarantaine d'années. «Je me sens trahi», lui avait-il lancé: lui a dû choisir sa nationalité à 23 ans, et il aurait aimé que la future loi soit rétroactive. Elle lui avait répondu sur un ton calme et pédagogique qui a fait sa réputation.

Le chemin de l'intégration, Aydan Özoguz le connaît. Arrivés de Turquie dans les années 1950 comme tant d'autres, ses parents font partie des «travailleurs invités». L'Allemagne manquait déjà de main-d'œuvre. Ils ouvrent une épicerie à Hambourg. Jeune fille, elle étudie l'anglais, l'espagnol et les sciences économiques à l'université. Elle fréquente la communauté turque. Mais elle cherche aussi à s'intégrer. Elle finit par obtenir la nationalité allemande en 1989. En 2004, elle rejoint le SPD, où elle est repérée par le maire de Hambourg, Olaf Scholz, l'une des personnalités du parti. Sa progression est rapide au sein de l'appareil, qui recherche des femmes et des personnalités incarnant la diversité. Bon gré mal gré, elle accepte son rôle de quota: «Si cela aide», dit-elle, sans en abuser.

4/2/2014

Source : Le Figaro

 

Google+ Google+