mardi 26 novembre 2024 05:39

Asile ou excès de zèle ? Ces Marocains qui ne reculent devant rien pour l’obtention du statut de réfugiés

Le Maroc est-il un pays sûr ? En fait, 700 ressortissants marocains ont cherché, en 2015, une protection internationale en Espagne, selon des chiffres du HCR ibérique  qui les classe en cinquième position après les Syriens (5.700 demandes d’asile), les Ukrainiens  (3.400) et les Palestiniens (800). Des statistiques d’Eurostat (Office statistique de l'Union européenne),  ont révélé, pour leur part, que  l’année 2015 a enregistré 1.230 demandes d’asile déposées par des  Marocains en Allemagne, 265 en France, 600 en Suède, 75 au Royaume-Uni et 370 en Italie.

S’agit-il d’un phénomène nouveau ? Non, puisque les Marocains figurent depuis des années au top du classement par nationalités  des citoyens qui cherchent refuge en Europe. Ainsi, nos compatriotes  constituent-ils le 27ème contingent de demandeurs d'asile en Europe en  2013 avec 5.325 demandes d’asile, selon Eurostat.  Ils étaient 1.070 à avoir demandé l'asile en Suisse et 1.230 en Allemagne. Des statistiques en  hausse par rapport à l’année  2012 qui a enregistré  355 demandes sur les 332.000 demandes d'asile politique enregistrées en Europe. Ces 355 personnes  ont toutes déposé leurs requêtes en Roumanie.

L’année 2010 a également enregistré, selon le Haut-commissariat aux réfugiés,  l’arrivée du Maroc à la 38ème position des pays dont les citoyens ont demandé l’asile politique en Europe.  Ils ont  été 1.276 Marocains à l’avoir fait.

Qu’en est-il des raisons qui poussent ces derniers à chercher une protection internationale ? Les informations sur les motivations des demandes d’asile en Europe restent rares.  Un rapport du HCR publié en 2010 a évoqué, sans donner d’autres précisons, des raisons liées à la situation politique, à la peur des poursuites judiciaires ou de la répression sécuritaire dans leur pays d’origine. D’autres sources associatives ont  recensé quelques demandes liées à l’orientation sexuelle.

Ce n’est pas le cas pour les Algériens qui ont déposé près 4.410 dossiers en 2015 selon Eurostat et qui  se réfèrent toujours, à titre principal, à des menaces émanant des groupes islamistes armés (policiers, militaires ou commerçants victimes de racket) ou, dans une moindre mesure, à une crainte des autorités algériennes (militants de la cause kabyle, magistrats victimes de machinations politiques, cadres de l’administration ou d’entreprises confrontés à des malversations impliquant des hauts commis de l’Etat). Il y a eu également des cas liés à l’orientation sexuelle, à la violence conjugale ou à la conversion au christianisme notamment de personnes originaires de Kabylie.

Ce n’est pas le cas également pour les demandes d’asile tunisiennes estimées à 1.640 en 2015 et qui ont été disposées essentiellement par des personnes qui disent craindre des représailles induites par le fait qu’elles ont travaillé pour le régime de l’ex-président Ben Ali (policiers, gardiens de prison). On trouve également des personnes persécutées pour des motifs religieux et des victimes de violences familiales.
Autant de motivations qui ne semblent pas convaincre les pays européens puisque ces demandes ne se soldent pas systématiquement par l'octroi du statut de réfugié.

Sur 2.730 demandes marocaines étudiées en 2013 dans les différents pays de l’EU, seules 7,8% ont reçu une réponse positive, contre 30% pour toutes les autres nationalités. 75 de ces personnes ont bénéficié de la protection internationale par le statut de réfugiés, 120 d'une protection pour raisons humanitaires et 20 d'une protection subsidiaire.  En fait, les structures européennes chargées de l’octroi de la protection internationale estiment souvent que la situation des Marocains ne correspond pas à la définition de  « réfugié » comme elle est internationalement admise et qui considère les réfugiés comme « des personnes qui ont fui leur pays parce que les autorités de ce pays ne peuvent ou ne veulent pas les protéger de graves atteintes à leurs droits fondamentaux. Le droit international relatif aux réfugiés oblige les Etats à s’abstenir de renvoyer dans son pays d’origine toute personne qui risquerait de subir dans ce pays des exactions ou des sévices, en raison de son identité, de ses croyances ou de ses convictions ».

Certains pays européens considèrent les Marocains comme de « faux demandeurs d’asile » qui chercheraient à profiter  de la procédure d’asile et de la politique d’accueil européennes.  En effet, ces demandeurs d’asile  peuvent dans une certaine mesure bénéficier de droits tels que celui du  non renvoi en attendant l’examen de leurs dossiers  et  de la non détention ainsi que de la possibilité de bénéficier des droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux tels que le droit à l’éducation et aux soins médicaux.

Les pays européens n’ont d’ailleurs pas hésité à accélérer le nombre de retours forcés des déboutés y compris parmi les autres nationalités. Ainsi l’année 2015 a été marquée par une augmentation considérable du nombre d’expulsions de ces personnes et celui des migrants économiques. Leur nombre a atteint  22.369 par rapport à l'année précédente qui a enregistré 13.851.  De plus, le nombre des retours volontaires a été multiplié par trois. A titre d’exemple, il y a eu départ volontaire d’Allemagne de 37.220 personnes en 2015 contre 13.636 en 2014.  

23 Avril 2016, Hassan Bentaleb

Source : Libération

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