mercredi 27 novembre 2024 15:29

Au moins 500 Libanais pourraient perdre la citoyenneté canadienne

Deux mille naturalisés, dont 500 Libanais, pourraient perdre la citoyenneté canadienne qu’ils ont obtenue de manière frauduleuse. Le Canada poursuit son enquête et les révocations pourraient s’avérer plus nombreuses encore.

Depuis le 29 juin dernier, de nombreux Libanais du Canada sont inquiets. C’est pour eux le début d’un nouvel épisode noir du feuilleton de l’enquête menée par le gouvernement du Canada à l’égard des immigrants. Noir, car il remet en question la naturalisation de Libanais et autres immigrants ayant obtenu la citoyenneté canadienne de manière frauduleuse, sans avoir résidé au Canada conformément à la loi canadienne de l’immigration. Les personnes concernées ayant, dans leur grande majorité, selon les informations de L’Orient-Le Jour, eu affaire au consultant en immigration libano-canadien, Nizar Zakka, lequel, indique la presse canadienne, exerce toujours à Montréal, en toute légalité, après avoir été condamné en janvier à verser au fisc québécois, Revenu Québec, une amende de 1,7 million de dollars canadiens.

Le 29 juin 2011, nous avions annoncé, en page une de L’Orient-Le Jour, qu’Ottawa envisageait de retirer la nationalité canadienne à un certain nombre de Libanais qui l’avaient obtenue de manière irrégulière. Nous avions aussi précisé que dans cette optique, le Canada a remis un dossier aux autorités judiciaires libanaises. Informations que nous avait alors communiquées notre correspondant diplomatique, Khalil Fleyhane. Mais rien n’a filtré sur le nombre de personnes touchées par cette décision, sur l’identité de ces personnes ou sur les mesures prises par les autorités canadiennes pour mettre un terme à ces pratiques frauduleuses.

Un nombre qui devrait s’accroître

Aussitôt contacté par nous pour de plus amples informations, le ministère canadien de l’Immigration, baptisé Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), vient tout juste de donner suite à nos incessantes sollicitations. Il faut dire que l’affaire a fait grand bruit au Canada, durant l’été, les médias canadiens ayant annoncé la mesure à grands cris, chiffres à l’appui, sans pour autant montrer du doigt les Libanais en particulier.

Le gouvernement du Canada « soupçonne environ 2 000 personnes » d’avoir frauduleusement « obtenu la citoyenneté en faisant une fausse déclaration au sujet de leur résidence au Canada (...) alors qu’elles passaient la majeure partie ou la totalité de leur temps à l’étranger », affirme par courriel la porte-parole du CIC, Nancy Caron. « Ce nombre devrait s’accroître à mesure que les enquêtes en cours avanceront », poursuit-elle. Un chiffre plus important qu’en juillet dernier, lorsque le ministre canadien de l’Immigration, Jason Kenney, avait affirmé à la presse canadienne qu’Ottawa était prêt à retirer la citoyenneté à 1 800 personnes. Mme Caron ajoute que « chacun de ces dossiers sera examiné en vue de procéder à la révocation de la citoyenneté, si la preuve le permet ». Et de noter que dans le cas où des enfants ont été naturalisés, leur citoyenneté pourrait être révoquée si leurs parents ont obtenu celle-ci par le biais d’« actions frauduleuses ».

La porte-parole ne précise pas le nombre de Libanais touchés par cette mesure. Elle se contente d’indiquer que « les cas identifiés concernent des personnes originaires de plus de 100 pays différents » et que « parmi ces personnes, il y a des ressortissants libanais ».

2 500 Libanais encore sous enquête ?

Ces chiffres reflètent-ils vraiment la réalité ? Ne seraient-ils pas nettement en dessous du nombre de cas avérés ou à l’étude ?

Selon les informations de L’Orient-Le Jour, 500 Libanais se verraient très probablement retirer la citoyenneté canadienne qu’ils ont obtenue par la fraude. De plus, les dossiers de 2 500 autres Libanais seraient à l’étude par les autorités canadiennes. C’est dire l’étendue de l’enquête et la raison de la lenteur des autorités canadiennes. Une lenteur décriée par nombre de Libanais installés au Canada qui se sont vus retirer leur carte d’assurance maladie, geler les retours d’impôts provinciaux ou même suspendre le renouvellement de leur carte de résidence permanente, sous prétexte qu’ils sont sous enquête.
Quant à la procédure suivie par le gouvernement canadien, elle consiste, indique Nancy Caron, à examiner individuellement « chaque dossier où il y a soupçon de fraude en matière de citoyenneté ». La chargée des relations avec les médias assure que le ministère n’entreprend « la procédure de révocation de la citoyenneté que si la preuve le justifie ». De plus, poursuit-elle, « il doit y avoir des motifs raisonnables de croire que la personne a obtenu la citoyenneté par suite de fraude, de fausses déclarations et de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ». Il doit aussi y avoir « des preuves solides à cet égard ». Elle explique aussi, au sujet de la dissimulation des faits, que la personne peut « dissimuler sciemment des renseignements qui auraient pu avoir un impact sur la recevabilité de la demande de citoyenneté ou de résidence permanente ».

30 jours pour faire appel

Comment sont alors contactées les personnes concernées par la révocation ? « Si la preuve est suffisante, un avis d’intention de révoquer la citoyenneté est envoyé à la personne visée », indique Mme Caron, soulignant que cet avis, qui « constitue la première étape de la procédure de révocation de la citoyenneté », « énonce les allégations de base contre la personne ». Mais toute personne ayant reçu un avis peut exercer son « droit à l’application régulière de la loi » et déférer l’affaire, dans un délai de 30 jours, devant la Cour fédérale après la signification de l’avis initial. Autrement dit, elle peut faire appel.
Les personnes résidant au Liban et dont la citoyenneté serait révoquée devraient, elles, recevoir leur avis par le biais de l’ambassade du Canada, selon nos informations. D’ailleurs, « aucun dossier n’aurait été présenté aux autorités judiciaires libanaises », selon le ministère, répondant ainsi à l’information publiée dans nos colonnes le 29 juin dernier.
Si la fraude en matière de résidence et de citoyenneté est un problème d’envergure mondiale, comme l’affirme le ministère canadien de l’Immigration, elle n’en est pas moins considérée comme un grave problème par les autorités canadiennes. Seulement 66 personnes ont vu leur citoyenneté révoquée depuis 1977, toutes nationalités confondues, fait remarquer Nancy Caron. Mais il semble qu’aujourd’hui, les autorités aient décidé de passer à la vitesse supérieure.

Dans l’objectif de sanctionner les contrevenants, mais aussi de décourager les éventuels fraudeurs, le gouvernement canadien a récemment mis en place une « ligne de dénonciation où tout cas présumé de fraude en matière de citoyenneté peut être signalé », indique la chargée de communication. Ottawa n’hésite donc pas à encourager la délation, invitant la population, habitant le Canada ou résidant à l’étranger, à signaler toute « personne qui aurait fait semblant de vivre au Canada pour satisfaire à l’obligation de résidence ouvrant droit à la citoyenneté ». Et ce par téléphone par le biais du Télécentre de CIC, par courriel, ou auprès du service canadien des visas. Une mesure aussi discutable qu’impopulaire.

19/9/2011

Source : L’Orient le Jour

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