vendredi 29 novembre 2024 11:42

Au Royaume-Uni, les immigrés en vue dans la campagne

Les thèmes anti-immigration prospèrent au Royaume-Uni, sous la poussée du parti de l’indépendance Ukip, à l’approche des élections du 7 mai.

Un collectif d’associations lance une campagne publicitaire pour exposer l’apport positif des immigrés à la société britannique.

« Je suis un immigré. Depuis sept ans, je sauve des vies et la vôtre pourrait être la prochaine. » Alors que les partis travailliste et conservateur ont tous deux promis de réduire l’immigration s’ils remportent les élections générales du 7 mai prochain, en réponse au succès du discours xénophobe du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (Ukip), le visage du pompier polonais Lukas Belina est affiché dans toutes les stations de métro de Londres et dans les 550 stations de train du pays.

À ses côtés, quinze autres affiches et quinze autres immigrés, parmi lesquels le chauffeur de bus kashmiri Mohammad Taj, la thérapeute syrienne Lana Makdisi, le patron de café turc Özgür Aktas, la violoniste hollandaise Nicolette Moonen et le postier grec Babis Dani. Tous ont en commun d’être résidents britanniques depuis plusieurs années et de contribuer à la société et à l’économie du pays.

Cette campagne publicitaire a été initiée par le collectif Mouvement contre la xénophobie, créé en 2010, qui regroupe cent seize organisations nationales. « Je suis de nouveau tombé, il y a quelques mois à la télévision, sur des politiciens irresponsables qui répandaient des mensonges sur les immigrés, raconte Habib Rahman, directeur du Conseil pour le bien-être des immigrés, créé en 1967. Je me suis dit que nous devions être actifs dans la campagne électorale pour faire entendre notre voix, pour montrer que nous sommes fiers d’être immigrés et d’être une force positive pour notre pays d’accueil. »

13 % de la population britannique en 2014

La forte poussée migratoire vers le Royaume-Uni, depuis l’ouverture des frontières aux habitants des pays d’Europe de l’Est en 2004, est utilisée par l’Ukip pour expliquer les problèmes d’emploi depuis la crise financière. Fin décembre 2014, les 8,3 millions d’immigrés représentaient 13 % de la population britannique alors qu’ils étaient 5,4 millions en 2003, soit 8,6 % de la population.

Comme le rappelle Nazek Ramadan, fondatrice de l’organisation Voix de migrants et membre du comité directeur de Mouvement contre la xénophobie, « les migrants n’intéressent pas les médias car ce sont des gens normaux. Ils apportent pourtant énormément au pays : ils prennent des emplois vacants pour lesquels les Britanniques ne sont pas qualifiés ou qu’ils ne veulent pas faire. »

Jeunes et donc en meilleure santé que la moyenne des Britanniques,

L’agriculture et les services emploient ainsi de nombreux immigrés, qui acceptent de travailler dur pour des salaires souvent faibles.

Selon le bureau national des statistiques, 79,4 % des immigrés européens travaillaient en janvier 2015 contre 74,1 % des Britanniques, ce qui signifie qu’ils perçoivent également moins d’aides sociales.

Jeunes et donc en meilleure santé que la moyenne des Britanniques, ils utilisent par ailleurs rarement le système de santé.

Sans eux le système de santé s’écroulerait

Arrivée il y a vingt-neuf ans au Royaume-Uni depuis le Liban, Nazek Ramadan a travaillé dans de nombreuses organisations liées aux immigrés et aux demandeurs d’asile. Elle assure que « sans eux, vu le manque de médecins et d’infirmières britanniques qualifiés, le système de santé s’écroulerait. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement recrute directement à l’étranger. Mais il est plus facile de se servir des migrants comme de boucs émissaires que de s’attaquer aux problèmes réels et notamment l’absence de qualification des Britanniques. »

Selon le Centre de recherche et d’analyse sur la migration, l’apport net des immigrés aux finances publiques s’est élevé à 35 milliards d’euros entre 2001 et 2011.

Si le plafonnement du nombre d’immigrés préconisé par le parti conservateur devait être atteint et maintenu d’ici à 2060, les impôts devraient être augmentés de 2,2 % pour couvrir les pertes engendrées. Preuve que des Britanniques sont sensibles à cette réalité, les 75 000 € nécessaires à cette campagne publicitaire ont été collectés sur Internet en trois semaines.

Un demi-million de nouveaux venus par an au Royaume-Uni

Selon l’Office national des statistiques (ONS), 173 000 personnes avaient immigré au Royaume-Uni en 1980. Ce chiffre a atteint 526 000 personnes en 2013, et a encore augmenté en 2014. Le flux net des migrants en 2014 vers le Royaume-Uni devrait dépasser à nouveau un demi million de personnes, ce qui est le cas tous les ans depuis 2004, selon l’ONS.

De janvier à septembre 2014, un total de 298 000 personnes s’est installé au Royaume-Uni, soit 40 % de plus qu’au cours des douze mois précédents, et ce en dépit de l’objectif, fixé par le gouvernement Cameron, de limiter les arrivées.

Les immigrants anciens sont issus du Commonwealth :Inde, Pakistan, Nigeria, Australie… Au cours de la période récente, c’est l’immigration venue de l’Union européenne qui se développe le plus vite.

L’ONS a passé au crible la période de juin 2013 à juin 2014, durant laquelle 583 000 personnes se sont installées au Royaume-Uni (contre 502 000 l’année précédente). L’augmentation concerne les citoyens de l’UE (311 000 arrivants) davantage que les non-européens (272 000 personnes). Les Roumains ont été les plus nombreux (104 000), suivis par les Polonais (98 000), à s’installer au Royaume-Uni.

20/4/15, Tristan de Bourbon

Source : La Croix

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