L’extrême droite est arrivée largement en tête de l’élection présidentielle en Autriche le 25 avril 2016 : le candidat du FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs, Parti libéral d’Autriche), Norhert Hofer, a abtenu 36,4% des voix, réalisant ainsi le meilleur score de cette formation depuis la guerre. L’immigration a été l’un des thèmes majeurs de la campagne. Explications.
Marine Le Pen ne s’y est pas trompée. Donnée en tête en France par les sondages pour la présidentielle de 2017, elle a salué un «résultat magnifique». La fonction du président autrichien est essentiellement honorifique. Mais le vote du 25 avril représente un sérieux coup de semonce pour les deux formations politiques qui forment l’actuelle coalition gouvernementale et contrôlent la présidence depuis 70 ans: le Parti social-démocrate (SPÖ) et le Parti populaire (ÖVP, conservateur). Elles sont exclues du 2e tour qui verra s’opposer Norbert Hofer et un écologiste, Alexander Van der Bellen.
La «grande coalition» droite-gauche a été chahutée par la hausse du chômage dans ce pays prospère. Ainsi que par la crise des réfugiés.
Au total, 90.000 personnes ont demandé l’asile en Autriche en 1995 et près d’un million ont transité par le pays la même année. Vienne redoute un nouvel afflux en 2016 à la faveur des beaux jours, via l’Italie, après le renforcement des contrôles dans les Balkans. Dans un premier temps, le chancelier social-démocrate, Werner Faymann, a soutenu la politique ouverte de sa collègue allemande Angela Merkel. Mais devant l’incompréhension de ses concitoyens, la coalition a fait un virage à 180 %. Et décidé une réduction drastique et immédiate du flot de réfugiés.
L’Autriche a alors renforcé le filtrage de ses frontières. Puis, fin février, au grand dam de la Grèce, elle a annoncé, avec les pays de la «voie des Balkans», Slovénie, Croatie et Serbie, un plan de contingentement des migrants : en l’occurrence limiter à un quota de 580 par jour le nombre quotidien d’hommes, de femmes et d’enfants transitant vers l’Europe. Dans le même temps, Vienne projette d’installer, d’ici juin, sur plusieurs kilomètres à ses frontières hongroise et italienne, des clôtures destinées à canaliser un éventuel afflux de réfugiés.
Immigration traditionnelle
Pourtant, le pays possède une longue «tradition de terre de migrations» en lien avec l’histoire européenne. La chute de l’empire des Habsbourg, dans la foulée de la défaite de 1918, a entraîné sur son territoire d’importants mouvements de population. Après le Second conflit mondial, plus de 1,5 million de réfugiés se sont retrouvés sur le sol autrichien. Entre 1945 et 1961, Vienne a naturalisé 300.000 personnes qui «avaient fui les territoires centre et est-européens au lendemain de la guerre», rapporte un article de la Documentation Française.
A l’époque du Rideau de fer, l’Autriche est souvent une porte d’entrée pour ceux qui fuient le communisme. «Pendant la crise hongroise de 1956-1957», on estime qu’«environ 180.000 personnes sont arrivées» dans le pays, rapporte L’Opinion. Celui-ci, après la répression du Printemps de Prague en 1968, a notamment accueilli 162.000 Tchèques et Slovaques. Puis après la proclamation de la loi martiale en Pologne en 1981, ce sont quelque 33.000 Polonais qui sont arrivés.
Dans le même temps, les juifs fuyant l’URSS transitent par Vienne, le plus souvent pour gagner Israël. Sans parler des réfugiés du Vietnam et du Chili. «Entre 1970 et 1983, l’Autriche s’est fait, en coopération avec l’UNHCR, une réputation de pays d’accueil passager de réfugiés, sans qu’elle devienne une terre d’asile définitif», souligne l’article de la Documentation Française. Et dans les années 90, au moment de la guerre des Balkans, 70.000 personnes auraient pris le chemidfn de Vienne.
En 2014, les statistiques officielles estimaient que «20%» des Autrichiens avaient des origines étrangères, rapporte le journal Die Presse. Dans 39% des cas, les personnes concernées sont issues de pays membres de l’UE. 29% viennent d’Etats nés de l’éclatement de la Yougoslavie, 15% de Turquie. La capitale, Vienne, concentre environ 40 % de cette population. Dans la tranche d’âge des 20-40 ans, «on constate un arrière-plan migratoire de 45 à 55% de la population viennoise», précise la Documentation Française.
«Révolver Glock en poche»
Pendant la campagne, le FPÖ a mené une campagne très agressive centrée sur l’immigration. Pour autant, discret vice-président du Parlement, Norbet Hofer, 45 ans, se veut une incarnation libérale du parti extrémiste, l’ancienne formation de Jörg Haider. Mort en 2008, ce dernier avait remporté 26,9% des voix aux législatives, permettant à sa formation d’entrer au gouvernement avec les conservateurs.
«Benjamin des candidats à la présidentielle, Norbet Hofer, ingénieur aéronautique réputé pour sa courtoisie et partiellement handicapé à la suite d'un grave accident de parapente, a particulièrement séduit l'électorat jeune, selon les analyses», constate l’AFP. Pour autant, l’homme a apparemment un côté plus rugueux. Il a ainsi fait campagne «révolver Glock en poche», révèle The Telegraph. En expliquant que la possession d’une arme est une réaction naturelle «dans des temps incertains». Mais, promis, il ne portera pas son arme s’il est élu président ! En 2013, il n’hésitait pas à dire, dans une interview au journal Kurier, que la loi réprimant les propos nazis (Verbotsgesetz) «contredit un peu la liberté d’expression».
Le candidat et son parti ont fait campagne contre l’accueil des réfugiés. Ils ont surfé sur la crainte que suscite, dans les régions rurales et les petites agglomérations, la venue des migrants. Selon un sondage réalisé en Haute-Autriche (Land du nord du pays) à la sortie des urnes, 61% des personnes interrogées ont reconnu que pour elles, le thème de l’immigration avait été l’un des éléments majeurs de leur vote.
25/04/2016, Laurent Ribadeau
Source : francetvinfo.fr