samedi 30 novembre 2024 06:35

Avignon : Mohammed Moussaoui, président d'honneur du CFCM s’exprime au sujet de la radicalisation

Ce fut Nora, 15 ans, qui par son départ en Syrie le 23 janvier 2014 avait saisi de stupeur la communauté musulmane d’Avignon. Pour la jeune Avignonnaise, ce départ pour aider la population syrienne semble selon les éléments obtenus par le juge anti-terroriste Marc Trévidic s’être transformé en un départ vers une captivité entre les griffes des réseaux qui l’auraient enrôlée.

Fin janvier 2015, c’est Charlotte âgée de 22ans qui quitte la cité papale pour, à l’instar de Nora, rejoindre la Syrie par un parcours bien balisé dont l’étape incontournable reste la Turquie. La jeune femme avait laissé à sa famille quelques mots pour expliquer que ce départ se voulait sans retour. Voilà à nouveau une famille, une communauté, une ville ébranlées par une telle information !

Une communauté éloignée des extrêmes

Nous avons pu contacter Mohammed Moussaoui, président d’honneur du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), président de l’Union des Mosquées de France et Avignonnais de surcroît, pour essayer d’obtenir son point de vue et surtout entrevoir celles des solutions qui permettraient d’endiguer cette vague de jeunes Français qui se déverse en Syrie et au sein de théâtres de guerre si éloignés de nos villes !

En premier lieu Mohammed Moussaoui tient à citer le texte coranique qui dans sa traduction indique : « Nous avons fait de vous une communauté éloignée des extrêmes pour que vous soyez témoins parmi les hommes et que le Prophète soit témoin parmi vous » Sourate 2 du Coran, 123ème verset. Et là pose ce qu’il nomme le témoignage essentiel qui définit la posture du croyant au sein des sociétés.

Il déclare : « Ce témoignage est d’autant plus important que certaines de ces violences sont commises par des individus qui affichent leur référence à l’islam pour justifier leur barbarie. Ce témoignage est d’autant plus important que certains de nos concitoyens nous somment de nous désolidariser du terrorisme comme si nous pourrions en être solidaires ! Ce témoignage est d’autant plus important que les professionnels de l’amalgame et de la surenchère veulent laisser s’installer l’idée que notre religion puisse produire la violence et le terrorisme…. »

Puis ajoute : « La miséricorde est le corolaire du message prophétique. La vie humaine, comme la dignité humaine, est une et indivisible. La liberté religieuse, dont découle la pluralité religieuse dans nos sociétés, est une volonté divine comme le stipule le verset : ‘’nulle contrainte dans la religion’’. Etre implacable à l’égard de l’injustice. La Paix est la règle, la violence est l’exception … »

11 propositions contre la radicalisation

Samedi 24 janvier, celui-ci participait à Marseille à une rencontre initiée par Khalid Belkhadir président du Conseil régional du culte musulman de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec le soutien de la Fondation d’aide aux victimes du terrorisme, rassemblant plus de 150 imams et aumôniers réunis autour, entre autre, du préfet des Bouches-du-Rhône Michel Cadot, du préfet Pierre N’Gahane, secrétaire du Comité interministériel de prévention de la délinquance, du président de l’Observatoire contre l’islamophobie Abdallah Zekri.

De cette rencontre ont été posées sur le papier 11 propositions visant à prendre à bras le corps la problématique de la radicalisation :

1. Trouver le moyen de pérenniser ce type de rencontre, qui pourrait passer par la création de conseils des imams et d’aumôniers au niveau de chaque région.

2. Le prêche du vendredi, un rendez-vous hebdomadaire très important dans la vie religieuse des musulmans, doit retrouver le rôle qui est le sien comme moyen d’enseignement et d’élévation spirituelle. Son contenu, sur le fond comme sur la forme, doit faire l’objet d’un travail collégial digne des défis auxquels sont confrontés les musulmans de France.

3. L’enseignement religieux dispensé dans les mosquées, les écoles et les instituts doit fixer parmi ses objectifs de donner aux jeunes des clés de compréhension et des « filtres de connaissances » qu’ils leur permettraient de faire face aux idées et aux propagandes extrémistes. Cet enseignement doit insister davantage sur les valeurs qui rassemblent et créent le lien entre tous les citoyens.

4. Constatant que la radicalisation s’effectue essentiellement à travers l’Internet et les réseaux sociaux et que les radicaux utilisent des techniques de communication faisant appel à des ressorts spécifiques à la jeunesse, il convient de mettre en place des moyens de lutte contre la radicalisation adaptés à cette réalité. La recherche d’une forme de coopération entre imams et professionnels de la communication pourrait s’avérer nécessaire.

5. Les parents doivent s’investir davantage dans l’éducation de leurs enfants qui sont confrontés à des réalités complexes et des risques accrus. Ils doivent également apporter toute leur aide et tout leur soutien aux équipes pédagogiques de l’Éducation nationale qui sont leurs premiers alliés dans leur mission d’éducation et de transmission du savoir et des valeurs.

6. Les participants réaffirment leur attachement au principe de la laïcité, qui par la neutralité de l’État et la séparation du politique et de religieux, garantit à tous la liberté en matière de religion et l’égalité de tous indépendamment de leur conviction religieuse ou philosophique. Les imams doivent tout mettre en œuvre afin de permettre au citoyen musulman de concilier son engagement religieux et son engagement citoyen et de vivre ces deux engagements dans la paix et la sérénité.

7. Les musulmans de France doivent participer activement au dialogue interreligieux qui est, aujourd’hui plus que jamais, un devoir et une nécessité pour la paix et la cohésion nationale. Ce dialogue doit se traduire au sein de nos lieux de culte avec nos fidèles, comme au sein de nos familles avec nos enfants, par un discours présentant avec estime et respect le choix de nos concitoyens en matière de conviction ou de religion.

8. Constatant que les terroristes ayant agi ces dernières années à Toulouse, à Montauban, à Bruxelles et à Paris se sont radicalisés en prison, il convient d’y renforcer la prévention et l’accompagnement des plus fragiles. Cela doit passer par une présence plus importante des aumôniers et une meilleure formation de ces derniers.

9. Tout en dénonçant les actes d’hostilité qui visent les musulmans de France et les symboles de leur foi, les imams doivent appeler sans cesse les musulmans de France à avoir une attitude digne et à ne pas céder à la provocation, d’où qu’elle vienne.

10. La condamnation, par les imams, des exactions et cruautés commises en France par des individus se réclamant de l’islam doit être systématique ; et dans la mesure du possible dans le cas où ces faits sont commis ailleurs.

11. Partant de la parole de sagesse « L’amour de la patrie est le fruit d’une foi sincère », invoquée dans la tradition musulmane, pour rappeler aux fidèles leur obligation à l’égard de leur patrie et de leurs concitoyens, les imams sont appelés à élever une prière pour la République française et pour le peuple français à l’occasion du prêche du vendredi et des rencontres et cérémonies religieuses.

Enfin, Mohammed Moussaoui de conclure «… Nous avons l’obligation de résister à ces idéologies qui veulent dévoyer notre religion et notre foi pour en faire un étendard de la haine de l’Autre. »

04/02/2015, Akim Rahmouni

Source : mediaterranee.com

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