jeudi 28 novembre 2024 17:38

Bernard Cazeneuve : « De nouveaux dispositifs de retour seront expérimentés »

Après Calais, Paris a ses camps de migrants. Le problème est maintenant assez visible pour que le gouvernement propose un plan ?

Plus de 100 000 personnes sont entrées dans l’espace Schengen depuis le début de l’année, soit par l’Italie, soit par la Grèce. C’est un défi pour toute l’Europe, qui voit arriver sur son sol des personnes en grande détresse, originaires de pays ravagés par la guerre et la misère. Au problème global doit être apportée une réponse européenne. A ses conséquences sur la France, une réponse française.

Mardi 16 juin, vous participiez à la réunion des ministres de l’intérieur européens à Luxembourg. Restez-vous optimiste bien que la rencontre n’ait pas été conclusive ?

Il reste du travail à faire mais nous avons avancé. J’ai rappelé à mes homologues européens que la France se bat pour davantage de solidarité entre les pays de l’Union mais qu’il n’y a pas de solidarité sans responsabilité. Or la responsabilité passe par le contrôle des arrivées dès les pays de première entrée de l’espace Schengen. Pour cela il faut un enregistrement des arrivants. Il faut identifier ceux qui ont un besoin manifeste de protection. Cela suppose la création decellule dites « hot spots », notamment en Italie, d’où seront rapidement reconduits ceux qui ne relèvent pas de l’asile. Sans ce dispositif, le mécanisme de relocalisation et de réadmission proposé par la Commission européenne pour partager au sein de l’UE la prise en charge de demandeurs d’asile ne pourra pas fonctionner.

Le renvoi à Vintimille de 200 migrants arrivés à Nice est un moyen de pression en ce sens ?

Nous appliquons les accords européens de réadmission en Italie des migrants qui sont passés par ce pays.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé la semaine dernière son souhait d’ouvrir des lieux d’accueil pour migrants en transit. Aujourd’hui vous annoncez un plan national. Comment s’articulent le local et le national ?

Le gouvernement souhaite mettre en place une stratégie globale qui fait écho aux préoccupations d’Anne Hidalgo concernant l’hébergement des plus vulnérables. Pour être à la hauteur de sa tradition d’accueil et pour ne pas laisser se développer des zones de non droit, la France doit veiller à strictement respecter le droit d’asile, à abriter les plus vulnérables, à lutter contre les filières et à organiser le retour dans leur pays des migrants irréguliers qui n’ont pas vocation à demeurer sur le territoire français. Cette fermeté est aussi la condition de la soutenabilité à long terme de ce que nous souhaitons mettre en œuvre pour l’accueil des réfugiés.

Le projet de loi sur l’asile, dont l’examen a échoué en juin, va être rediscuté dans les semaines à venir à l’Assemblée nationale. Que proposez-vous de plus aujourd’hui ?

Mettre à l’abri et mieux accompagner les demandeurs d’asile sont deux de mes préoccupations. Depuis 2012, nous avons créé 4 000 places d’hébergement en Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA), 4 200 places doivent encore être ouvertes avant la fin de l’année 2015, et malgré cela, moins de la moitié des demandeurs bénéficient d’un hébergement dédié. Voilà pourquoi nous allons créer 4 000 places supplémentaires d’ici fin 2016, dont 2 000 d’ici la fin de l’année.

Mais nous nous intéressons aussi à ceux qui ont déjà obtenu le statut de réfugiés. D’ici à 2017, 5 000 places d’accès au logement seront créées, en utilisant par exemple le parc social en zone détendue, là où des logements restent vacants. S’y ajouteront 500 places supplémentaires en centre provisoire d’hébergement créées, elles aussi, d’ici fin 2015, à destination des publics vulnérables.

Ce sont donc les hébergements d’urgence libérés par le départ des demandeurs d’asile vers des logements dédiés qui vous permettront de mettre à l’abri ceux qui sont en transit ?

Effectivement, car en sortant de l’hébergement d’urgence les demandeurs d’asile, réfugiés ou déboutées de l’asile, nous gagnerons des places. Elles s’ajouteront aux 1 500 que le gouvernement créera en complément d’ici la fin de l’année. Ces lieux permettront la mise à l’abri des migrants pour le temps strictement nécessaire à l’évaluation de leur situation et leur orientation soit vers les structures d’accueil pour demandeurs d’asile, soit vers un processus de retour.

Et Calais ? Comment faire un plan national sans que la ville qui compte 3 000 migrants y soit incluse ?

Calais est bien évidemment partie intégrante du dispositif. La situation des migrants installés à proximité du centre Jules-Ferry doit être prise en compte. Des aménagements sur le lieu de campement sont en cours, avec l’installation de sanitaires et de points d’eau. La présence sera également renforcée sur le camp pour assurer des missions de nettoyage et de médiation, ainsi que pour informer les migrants sur leurs droits, et préparer les retours de ceux qui ont vocation à être reconduits.

Beaucoup de migrants n’ont pas envie de demander l’asile en France. Que deviennent-ils dans votre plan ?

De nouveaux dispositifs de préparation au retour seront expérimentés. Nous souhaitons en effet faire bénéficier 8 000 familles d’aide au retour vers un pays extérieur à l’Union, soit deux fois plus qu’en 2014. Les étrangers en situation irrégulière se maintenant dans les dispositifs d’hébergement d’urgence, ou des déboutés de l’asile, y seront assignés à résidence jusqu’à quarante-cinq jours.

Que deviennent les centres de rétention, où séjournent des migrants avant un renvoi ?

Nous allons améliorer l’utilisation de la capacité des 1 400 places dont nous disposons en métropole pour permettre une augmentation du nombre de retours contraints, dans le respect des droits des personnes. Actuellement, seulement deux tiers des places de rétention sont occupées. Ce n’est pas normal, en cette période de crise migratoire. Par ailleurs, il faut que ces placements aboutissent à des éloignements effectifs : c’est la raison pour laquelle le gouvernement renforcera son action diplomatique auprès des pays d’origine.

C’est également le motif qui guide la création de « pôles d’éloignement » pour gagner en efficacité en coordonnant davantage encore les services de la police de l’air et des frontières, l’ensemble des forces de l’ordre et les préfectures. Notre gouvernement met en œuvre 13 % d’éloignements contraints supplémentaires depuis 2012, et une action résolue de lutte contre les filières de l’immigration clandestine dont les démantèlements sont en hausse de 25 %. Le plan présenté aujourd’hui prévoit de renforcer également ce volet.

17.06.201,  Maryline Baumard

Source : LE MONDE

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