mercredi 27 novembre 2024 22:48

Bouchra Khalili : militante sans frontières

Avec ses vidéos, l'artiste marocaine démontre son engagement en interrogeant les notions de migration et d’identité. Actuellement au Palais de Tokyo.

Il était une fois… Alger. Quand la ville devient la capitale des révolutionnaires entre 1962 et 1972. Ce récit, intitulé Foreign office que l'artiste raconte en photo et en vidéo au Palais de Tokyo n'est qu'un épisode supplémentaire à l’histoire coloniale et post-coloniale qui nourrit son œuvre depuis plus d'une décennie.

Une artiste en résistance

« Il n’est frontière qu’on n’outrepasse », écrivait Edouard Glissant. Cette citation, Bouchra Khalili (née à Casablanca en 1975) pourrait la faire sienne. Artiste franco-marocaine, elle vit et travaille entre Berlin et Paris, entre cinéma et arts plastiques, entre fiction et documentaire.

Toute son œuvre interroge les notions de frontières, de migration, d’identité. Lorsqu'elle participe à la Biennale de Venise en 2013, elle présente Speeches, une série dans laquelle des émigrés anonymes lisent à haute voix et dans leur langue maternelle des textes de Malcom X, défenseur controversé des droits afro-américains, de Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi, figure marocaine de la résistance à la colonisation et de Mahmoud Darwish, poète palestinien connu pour son engagement au sein de l'Organisation de libération de la Palestine. Leur voix s'inscrit alors dans une parole collective. Et au-delà de la question de l'exil, de la langue, de l'appartenance ethnique, le discours devient progressivement celui de la lutte de la classe ouvrière, celui de la résistance.

Le dessous des cartes

Pour interroger ses notions de frontières, de migration et d’identité, Bouchra Khalili utilise essentiellement des cartes géographiques et des vidéos. Présentée au New museum de New York l'été dernier, The Mapping Journey Project illustre parfaitement sa démarche. Cette installation, réalisée entre 2008 et 2011, est composée de huit courts-métrages, les Mapping Journey, et de huit sérigraphies, The Constellations. Deux façons différentes de traiter l'image pour cartographier les trajets migratoires. Dans chaque film, un clandestin raconte son errance d'un pays à un autre et la caméra filme sa main traçant sur une carte le chemin qu’il a suivi. S'emparant de cette carte devenue la page sur laquelle s’écrit un récit, Bouchra Khalili efface les territoires, gomme les frontières pour ne laisser subsister que le trajet lui-même. Le projet révèle alors une « constellation » de trajectoires, une cartographie poétique fondée sur la parole et le geste.

Zones de transit

Toutes les vidéos, les installations, les photographies de Bouchra Khalili explorent une vaste région autour de la Méditerranée, coincée entre le détroit de Gibraltar et le Bosphore. Ce territoire, où dérivent les migrants qui se heurtent à l’arbitraire du tracé des frontières, n'est vu qu'a travers les zones de transits, les terminaux de ferrys, les bureaux de douane… Jamais un paysage, jamais une architecture ne romantise ces routes clandestines directement liées à l'histoire coloniale et post-coloniale. En les révélant, Bouchra Khalili propose une méditation sur la transmission de l'Histoire.

05/03/2015, Sabrina Silamo

Source : telerama.fr

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