mercredi 27 novembre 2024 02:49

CAN-2012/Gabon-Mali: les nombreux immigrés maliens entre crainte et espoir

Gardiens, ouvriers dans le BTP, épiciers... Des milliers d'immigrés maliens, dont de nombreux sans-papiers, vivent au Gabon, pays pétrolier manquant de main d'oeuvre non-qualifiée, et attendent avec impatience le quart de finale de la CAN Gabon-Mali de dimanche.
50.000 ? 100.000 ? "Il n'y a aucune estimation officielle", disent les autorités. Une large partie des Maliens du Gabon sont arrivés et vivent de manière clandestine au sein d'une population de 1,5 million d'habitants où se mélangent des centaines de milliers d'immigrés de pays avoisinants (Cameroun, Congo, Nigeria).
Cédric Kanté, capitaine du Mali, est conscient de la vie difficile de la diaspora: "La vie de Malien en Europe n'est sans doute pas plus facile qu'ici. Les immigrés sub-sahariens que ce soit en Europe, en Libye, au Gabon, c'est assez dur. On sait qu'ils nous suivent malgré leurs difficultés, donc si on peut leur donner ne serait-ce qu'un dixième de qu'ils nous apportent, ça ne fera pas de mal".
"Au Mali, il n'y pas de travail", affirme Coulibaly, gardien de nuit au centre de Libreville. Il gagne 150.000 F CFA (230 euros), ce qui est considéré comme un bon salaire. Sans papiers, il a longtemps travaillé pour un propriétaire d'immeuble qui profitait de cette précarité pour ne pas le payer, ou avec des mois de retard.
Parti de Kayes (Mali, sud), il est arrivé à Libreville en 2005 après une aventure de six mois à travers l'Afrique: "J'ai quitté le pays sans savoir où j'allais. J'ai d'abord été à Cotonou, puis au Nigeria, puis à Yaoundé où pendant un mois j'ai fait le cirage de chaussures. Là, on m'a dit que la vie était meilleure au Gabon", explique-t-il.
"on mange les crocodiles"
Il économise, traverse la frontière à pied et "fait la brouette" (des chantiers) pendant quelques semaines à Bitam (nord) avant de rejoindre Libreville.
"Je regarde tous les matches à la télé. Ca fait plaisir de voir le Mali gagner mais je n'irai pas au stade. Il y a trop de policiers et trop de contrôles", raconte-t-il. "Et si le Mali gagne, ça va être chaud. En général, les Gabonais sont gentils avec nous mais s'ils perdent..."
Abdoulaye, 25 ans, gardien de nuit, travaille de 19h à 07h00 du matin pour 120.000 F CFA (180 euros) et partage une chambre avec un collègue pour 20.000 (30 euros). "D'habitude, le ballon ne m'intéresse pas. Il y a seulement l'équipe du Mali qui m'intéresse", assure-t-il. "Si on gagne, il faudra faire attention".
Lui non plus n'ira pas au stade par peur des contrôles. Il est arrivé au Gabon en 2008 par une filière qui lui a coûté 600.000 F CFA (900 euros). "On a cherché +des routes+ vers l'Europe mais ce n'était pas possible. J'aimerais aller en France. Là-bas, il y a plus d'argent".
Au centre-ville, Mamadou, également sans papiers, travaille sur un chantier pour 6.000 F CFA par jour (9 euros). Il n'ira pas au stade mais pronostique une victoire du Mali. Ses collègues gabonais le chambrent: "Tu viens de Kayes. +Kaï+ en punu (langue du sud du Gabon), ça veut dire crocodile et au Gabon, on mange les crocodiles".
Diarra Hamadi, gardien, marié à une Gabonaise, a le privilège d'avoir des papiers. Il habite au Gabon depuis 16 ans et n'est jamais revenu au pays mais souligne fièrement: "Je suis Malien et il ne se passe rien au Mali que je ne sache pas avant que le soleil ne se couche". Il regardera le match avec sa femme: "Il n'y a pas de raison que le ballon devienne un problème". 04/02/2012
Source : AFPF

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