Après le long feuilleton judiciaire de l’affaire de la crèche Baby-Loup, dans l’ouest parisien, la question de la neutralité religieuse des lieux d’accueil de la petite enfance revient dans l’arène politique.
Après le long feuilleton judiciaire de l’affaire de la crèche Baby-Loup (novembre 2011 – juin 2014), la question de la neutralité religieuse des lieux d’accueil de la petite enfance revient dans l’arène politique. La commission des lois de l’Assemblée a adopté mercredi 4 mars une proposition de loi du radical Roger-Gérard Schwartzenberg (PRG) qui vise à imposer un devoir de neutralité aux établissements qui reçoivent des fonds publics. Le texte sera discuté en séance jeudi prochain.
À l’origine, une proposition de loi de la sénatrice Françoise Laborde (PRG) déposée en octobre 2011, alors qu’enflait la polémique sur l’affaire Baby-Loup, et adoptée en janvier 2012 par les sénateurs.
Ce texte posait le principe d’une neutralité religieuse pour tous les établissements et services qui accueillent des enfants de moins de 6 ans et pour les personnes morales qui accueillent des mineurs protégés, lorsque ces structures « bénéficient d’une aide financière publique ».
Étaient aussi concernées les assistantes maternelles qui gardent des enfants à leur domicile. Les sénateurs avaient toutefois introduit une possibilité de dérogation à l’exigence de neutralité : les établissements pourraient, sur le modèle de l’enseignement privé sous contrat, se prévaloir d’un « caractère propre ».
« Il faut légiférer »
Mercredi 4 mars, la commission des lois a rejeté l’article sur les assistantes maternelles mais adopté le dispositif dans ses grandes lignes. « Renoncer à légiférer, c’est accepter les dérives communautaristes », argumente le rapporteur, le radical Alain Tourret.
L’affaire Baby-Loup s’est terminée « par une décision d’espèce, sans qu’aucun principe ne soit posé. C’est pour cela qu’il faut légiférer. » Le gouvernement a apporté son soutien à ce texte.
L’Observatoire de la laïcité présidé par Jean-Louis Bianco, un proche de François Hollande, avait pourtant adressé en octobre 2013 une mise en garde contre le risque de « surenchère législative » et pointé la fragilité juridique d’une telle interdiction.
« Ça ne règle rien sur la laïcité »
La réapparition soudaine de cette proposition de loi est-elle liée au contexte de tensions créé par les attentats de janvier ? Faut-il voir dans l’accord du gouvernement l’influence de Manuel Valls, qui s’était déclaré en faveur d’une loi ? Ou bien simplement un geste à l’intention des radicaux, désavoués sur d’autres sujets de société comme la légalisation de l’euthanasie ?
Quoi qu’il en soit, l’adoption de la loi est loin d’être acquise. Mercredi 4 mars, certains socialistes se sont opposés au texte, à l’instar de Patrick Mennucci. « C’est une proposition d’opportunité, on se fait plaisir mais ça ne règle rien sur la laïcité », a tranché l’élu marseillais.
Les critiques ont notamment pointé le flou qui entoure la notion de « subvention publique ». L’écologiste Sergio Coronado a lui aussi combattu l’initiative. « Non seulement le législateur va s’immiscer dans le domaine privé, mais en plus on va renforcer le caractère propre. »
C’est en effet l’un des paradoxes du texte : il provoque la colère de certains laïcs, qui y voient une possibilité d’extension du régime de l’enseignement privé.
5/3/2015, BERNARD GORCE
Source : la-croix.com