De plus en plus de travailleurs qualifiés des pays en crise du sud de l'Europe tentent leur chance en Allemagne, souvent considérée comme le nouvel Eldorado de l'emploi, avec toutefois plus ou moins de bonheur.
Fin 2011, 6,93 millions d'étrangers vivaient en Allemagne, soit 177.275 personnes de plus qu'un an plus tôt (+2,6%). Il s'agit de la "plus forte progression depuis 15 ans", a relevé cette semaine l'Office fédéral allemand des statistiques Destatis.
Si le gros des immigrants provient d'Europe centrale et orientale, le nombre de personnes venant des pays de la zone euro en difficulté -Grèce, Italie, Espagne et Portugal- a également sensiblement augmenté (+1,7% avec 16.726 nouveaux arrivants, dont 7.000 Grecs).
Elena Nunez-Arenas, une Madrilène de 44 ans, détentrice d'un diplô me d'avocat, attend des réponses pour des emplois précaires à Francfort (ouest), la ville où elle réside depuis janvier.
"J'étais tout en haut, je gagnais bien ma vie, et maintenant je suis tout en bas", déclare cette femme énergique, qui estime avec un sourire doux-amer être tombée dans "le piège de la surqualification".
"En novembre-décembre dernier ma situation était devenue tellement difficile en Espagne que je me suis décidée à partir sur un coup de tête. J'ai une cousine qui vit à Francfort depuis des années et qui me disait sans cesse: +Tu vas trouver du travail ici+", explique-t-elle.
Mais Elena ne peut pas exercer en tant qu'avocate en Allemagne sans passer un examen de droit allemand ardu, ce qui lui est impossible dans l'immédiat en raison de son niveau d'allemand limité comme de son épargne réduite à peau de chagrin.
La perspective d'un "minijob" dans les cuisines de l'aéroport de Francfort, à temps partiel pour huit euros de l'heure, ne la fait guère rêver: "J'aurais difficilement la possibilité d'étudier à cô té. Je devrais être disponible à tout moment. Et à ce tarif là je pourrais faire la même chose en Espagne".
Aussi n'est-elle pas sûre de rester. "Je me donne encore un mois. Si je ne trouve rien, je rentre".
Federica Sozzi, elle, ne regrette pas une seconde d'avoir quitté l'Italie pour l'Allemagne l'été dernier. "Ici j'ai obtenu un contrat à durée indéterminée, je suis mieux payée pour moins d'heures de travail!", s'émerveille cette jeune femme élégante de 33 ans qui traduit des jeux vidéo.
"Chez moi à Brescia (nord de l'Italie) je travaillais 14 heures par jour, mais avec mon statut d'indépendante j'étais accablée d'impô ts et gagnais environ 1.000 euros net par mois en moyenne", raconte-t-elle.
Après son master en ingénierie aérospatiale à Lisbonne, Joao Vasco Lopes n'a pas hésité non plus à franchir les frontières quand il a obtenu un stage dans son domaine à Darmstadt (ouest) en janvier 2011, qui s'est transformé six mois plus tard en CDI. "J'ai eu la chance d'avoir le poste que je voulais", raconte le jeune homme de 25 ans.
"Rester au Portugal pour moi n'aurait sans doute pas été aussi intéressant", estime-t-il. Et rentrer maintenant "serait difficile", en raison notamment des maigres perspectives d'emploi et des coupes budgétaires qui menacent l'avenir de la recherche scientifique dans le pays.
Pour faire fructifier cet attrait exercé par l'Allemagne grâce à son économie florissante et son faible taux de chô mage (6,7% en mars), l'Agence fédérale pour l'emploi a mis en place l'an dernier une division destinée à capter la main-d'oeuvre européenne qualifiée et prête à s'exiler.
Car le pays, frappé par le déclin démographique, commence à manquer d'ingénieurs, de techniciens ou encore de professionnels de la santé et de l'hôtellerie.
"Tout indique que de plus en plus de travailleurs qualifiés arrivent", a déclaré à l'AFP Marion Rang, une porte-parole de l'Agence. "Et nous avons l'impression que ça commence à peine à décoller".
06 avril 2012
Source : AFP
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Publié dans Médias et migration
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