mercredi 27 novembre 2024 09:35

Crise migratoire : le point sur les mesures déjà prises par l'UE, avant une nouvelle salve

Gardes-frontières européens, révision du code Schengen, "réinstallations" de réfugiés : l'UE va lancer de nouvelles initiatives pour reprendre la contrôle de ses frontières extérieures, et resserrer les rangs pour que les décisions déjà prises se concrétisent.

Voici le point sur les mesures annoncées ces derniers mois pour faire face à la crise migratoire la plus grave depuis 1945 et sur les annonces que la Commission européenne fera mardi à Srasbourg, avant un sommet européen en fin de semaine à Bruxelles.

"Relocaliser" les réfugiés...

C'est la clé de voûte de la réponse de l'UE à l'afflux de demandeurs d'asile : leur "relocalisation" depuis leur pays d'entrée dans l'UE vers d'autres Etats membres, doit concerner 160.000 personnes. Le mécanisme ne concerne pour l'instant que ceux arrivés en Italie et en Grèce, mais la Suède, débordée, demande elle aussi à bénéficier de cette soupape.

Alors que les flux n'ont pas cessé (plus de 900.000 migrants par la seule voie maritime depuis janvier), moins de 200 demandeurs d'asile ont été "relocalisés" à ce jour. Les Etats membres, qui ont des quotas de réfugiés à accueillir, tardent à notifier des places disponibles. Et certains pays, comme la Slovaquie et la Hongrie, sont ouvertement hostiles à ce mécanisme obligatoire, jusqu'à l'attaquer devant la justice européenne.

Dans ce contexte, le projet de la Commission de créer un mécanisme de "relocalisation" permanent, sans aucun plafond du nombre de réfugiés, semble avoir du plomb dans l'aile.

...à partir de "hotspots"

La "relocalisation" est aussi rendue difficile par les choix des demandeurs d'asile. Certains préfèrent continuer leur route vers le Nord, en particulier vers l'Allemagne, plutôt que de s'enregistrer dans les centres d'accueil ("hotspots") installés en Italie et en Grèce et attendre qu'une destination leur soit proposée dans l'UE.

Et ces "hotspots" ne se mettent pas en place aussi rapidement qu'espéré. Montrée du doigt, la Grèce a dû gérer plus de 700.000 arrivées depuis janvier, dans un contexte de crise budgétaire.

"Tant que certains Etats du Nord ne s'engagent pas à ne prendre que des gens qui passent par les +hotspots+, c'est un signal pour ceux qui marchent", souligne une source européenne. Certains reprochent à l'Allemagne d'avoir créé un "appel d'air" en se disant prête à accueillir directement des Syriens.
Et renvoyer les illégaux

Les "hostpots" sont les lieux où doit se faire la sélection entre réfugiés et migrants économiques illégaux, notamment africains, que l'UE a promis de rapatrier plus systématiquement.

Pour accélérer ces retours, les Européens tentent d'établir une "liste de pays sûrs", dont les ressortissants ne pourraient a priori prétendre au statut de réfugiés.

La Commission a proposé une liste de 7 pays (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie et Turquie), mais les discussions piétinent, plusieurs capitales refusant d'inclure la Turquie.

Des gardes-frontières européens

C'est le leitmotiv des dirigeants européens : l'UE doit rendre ses frontières extérieures moins perméables. Les attentats de Paris, dont certains auteurs avaient emprunté la route des migrants, ont ajouté une dimension sécuritaire à la question migratoire.

La pression s'est ainsi accentuée sur la Grèce pour qu'elle demande l'intervention de l'agence européenne Frontex à ses frontières. Athènes a fini par s'exécuter mais Bruxelles veut des instruments plus contraignants pour pousser certains Etats à accepter une intervention européenne, et obliger les autres à fournir les ressources nécessaires.

La Commission va détailler mardi son projet d'un "corps européen" de gardes-frontières et de gardes-côtes. Cette nouvelle agence compterait un millier d'agents à l'horizon 2020, et une réserve de gardes-frontières mobilisables immédiatement.

Mais son intervention pourra-t-elle être imposée à un Etat contre son gré? Ce point ultra sensible, qui touche à la souveraineté, reste à préciser et cet ambitieux projet - soutenu par la France et l'Allemagne -, se heurtera à de fortes résistances.

Sauver Schengen

Pour les dirigeants européens, reprendre la maîtrise des frontières extérieures est la seule manière de préserver la libre circulation au sein de l'espace Schengen, un pilier de l'édifice européen.

Mais les règles du jeu évolueront nécessairement : la Commission va présenter mardi une réforme qui permettra de généraliser des contrôles poussés aux frontières extérieures de l'Union en les rendant systématiques, y compris pour les ressortissants européens qui n'ont aujourd'hui en théorie qu'à présenter un document d'identité.

Les règles aux frontières intérieures sont elles aussi remises en question. Pour l'heure, les rétablissements en ordre dispersé de contrôles (par l'Allemagne, l'Autriche ou la Suède) se sont faits suivant les règles européennes. Mais la menace plane de voir certains Etats s'affranchir de ce carcan si les désordres perdurent aux frontières extérieures.

L'idée d'un "mini-Schengen" circule et des médias ont même fait état de projets d'écarter la Grèce de Schengen. Ce "n'est pas juridiquement possible", a rétorqué la présidence du Conseil de l'UE. Mais face aux flux ininterrompus de migrants, la présidence a lancé une réflexion sur une possible prolongation - jusqu'à deux ans - des contrôles aux frontières intérieures, limités normalement à six mois.
La Turquie, partenaire indispensable

Débordés, les Européens se sont également tournés vers leurs voisins turcs et africains afin qu'ils freinent les flux migratoires et coopèrent dans la lutte contre les passeurs.

Un plan d'action a été scellé avec la Turquie, doublé d'une aide de trois milliards d'euros pour ce pays, destinée à l'accueil des réfugiés syriens. Mais, tandis qu'un bras de fer est engagé entre Européens sur l'origine de ces fonds, les Turcs ont fait savoir qu'ils ne voyaient ces 3 mds que comme un début.

Ankara souhaite aussi que l'UE lance des programmes de "réinstallation" de réfugiés se trouvant en Turquie. Mais malgré le soutien de Berlin, peu d'Etats sont prêts à s'engager dans cette direction, d'autant que le plan de "relocalisation" a déjà du mal à démarrer. Des propositions de la Commission sont attendues mardi sur ce dossier.

14 déc. 2015,Cédric SIMON

Source : AFP

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