mercredi 27 novembre 2024 02:43

Des avocats français se mobilisent contre le contrôle d'identité abusif des immigrés

Un collectif d'une cinquantaine d'avocats a déposé, lundi 23 mai, 4 Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC) à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nanterre et Créteil relatives à la loi sur les contrôles d'identité. Ils demandent au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité de l'article 78-2 qui ouvre, selon eux, la porte aux discriminations. Le président de la commission pénale du SNAF explique ce recours au Conseil Constitutionnel.

Une cinquantaine d'avocats, membres du Groupe d'information et de soutien des immigrés, de l'Open society justice intitiative et du Syndicat des Avocats de France (SNAF) ont déposé 4 QPC, dans toute la France, lundi 23 mai, sur la loi sur les contrôles d'identité. Le collectif accuse cette loi d'être trop floue dans la défintion des motifs de ces contrôles et de laisser place à l'arbitraire et donc à la discimination. Leur requête se base sur une étude de l'ONG Open Society Justice Initiative, publié en 2009. Elle indique que les contrôles d'identité sont 6 fois plus nombreux pour les « noirs », 7,8 fois plus nombreux pour les « arabes » que pour les « blancs ». Maxime Cessieux est président de la Commission pénale du SNAF. Il explique que c'est bien la réalité des pratiques policières qui est remise en cause par cette action en justice.

Yabiladi : Dans le communiqué du collectif d’avocats, vous expliquez que « l’absence de critères précis [...] est source d’arbitraire et ne permet pas un contrôle effectif des motifs du contrôle d’identité ». Pourtant la loi précise qu’une personne est contrôlée dans les cas où elle pourrait avoir un rapport direct avec un délit.

Maxime Cessieux : Les quatre alinéas du texte laissent la porte ouverte à des contrôles d’identité arbitraires et discriminatoires. L’alinéa 4 autorise tous les contrôles d’identité dans les gares et aérogares sans motif particulier, pas même un comportement suspect. L’alinéa 3 autorise les contrôles « quel que soit le comportement » pour prévenir une atteinte à « l’ordre public ». C’est une formule qui veut tout et rien dire. L’alinéa 2 règle les contrôles « sur réquisition écrite du procureur ». Le procureur peut très bien demander des contrôles d’identité métro La Chapelle, tard le soir, pour rechercher, notamment, des terroristes. En réalité, la police n’y attrape jamais de terroristes mais des personnes en situation irrégulière. Enfin, l’alinéa 1 est, effectivement, plus précis mais il évoque seulement des contrôles d’identité pour « raisons plausibles » de soupçonner un délit et non plus « d’indices » qui supposaient que le policier aient des raisons objectives de procéder à un contrôle d’identité sur une personne plutôt que sur une autre.

Vous dites qu’un juge est dans « l’impossibilité de [vérifier] des motifs de ces contrôles » en raison de formules trop vagues mais, dans bien des cas, les contrôles d’identité ne parviennent jamais jusqu’au juge. Agir sur la loi ne modifiera pas nécessairement les pratiques policières.

Effectivement, lorsque le policier contrôle l’identité de quelqu’un et que cette personne a ses papiers et les lui tend, on n’en saura jamais rien. Par contre, si la personne s’énerve parce qu’elle se sent, par exemple, victime de discrimination, et insulte le policier, elle peut se retrouver accusée d’outrage à agent. Dans le cas d’un contrôle d’identité qui révèle que la personne est en situation irrégulière, elle est aussi poursuivie. Tous ces cas de figures passent devant le juge et il est aisé alors, grâce à cette loi, de trouver un motif à posteriori pour justifier le contrôle d’identité. Par le dépôt de ces QPC, nous visons donc d’abord ces contrôles d’identité mais aussi, indirectement, la totalité des contrôles.

En 93, une QPC avait déjà été déposée concernant le même article de loi. Le Conseil Constitutionnel n’avait pas alors jugé cette loi anticonstitutionnelle, or, pour être recevable, une QPC ne doit pas porter sur les mêmes dispositions que ce sur quoi il a déjà statué.

Cela pourrait être un obstacle au dépôt des 4 QPC. Ceci dit, en 1993, déjà, une QPC concernant la loi sur la garde à vue avait été déposée et, en juillet dernier, le Conseil Constitutionnel avait tout de même accepté de se pencher à nouveau dessus, en raison « de changements de circonstances », notamment la forte augmentation du nombre de gardes à vue. Si l’on reconnait que ces changements légitiment un réexamen de la loi, alors le réexamen de la loi sur les contrôles d’identité est possible, car gardes à vue et contrôles d’identité sont liés ; ils ont subi les mêmes évolutions.

Vous demandez à ce que la loi change pour que soit respectée la liberté individuelle, conformément à la Constitution. A quoi devrait-elle ressembler ?

Nous n’écrivons pas les lois et un débat devra avoir lieu, mais nous avons des idées. Une initiative anglaise a retenu notre attention, face au même phénomène de discrimination. Les policiers anglais doivent délivrer pour chaque contrôle d’identité un « formulaire d’arrêt » avec le nom de la personne contrôlée et le motif du contrôle. La mesure a fait considérablement baisser le nombre de contrôles d’identité et a augmenté leur rentabilité. Ainsi, une personne qui a déjà été contrôlée peut montrer cet arrêté pour demander que l’on cesse de l’importuner. Ensuite, la nature humaine est ainsi faite que le policier réfléchit à deux fois avant de procéder à un contrôle parce qu’il sait qu’il devra ensuite remplir des papiers. Il ne tient pas à se donner du travail pour rien.

De plus, il faudrait que le texte soit plus précis. Les formules les plus floues doivent être abrogées. Il faut demander aux policiers des indices objectifs plutôt que des raisons subjectives de procéder à des contrôles d’identité.

24/5/2011

Source : Yabiladi

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