Des milliers de migrants africains récemment arrivés en Libye sont bloqués dans des centres de détention du pays, l'utilisation par l'ex-dirigeant Mouammar Kadhafi de mercenaires noirs pour réprimer la révolution déclenchée il y a un an ayant renforcé le racisme à leur encontre.
A Gharyane, dans les montagnes du sud-ouest de Tripoli, 950 migrants sont entassés dans l'un de ces centres.
Majoritairement originaires du Tchad et du Nigeria, certains transitaient dans le pays avant de rejoindre l'Europe, tandis que d'autres cherchaient une vie meilleure en Libye.
La plupart ont été arrêtés par des milices à des points de contrô le de la région parce qu'ils n'avaient pas de tampon d'entrée sur leur passeport.
"Les nouveaux arrivants pensent que la Libye est une opportunité, vu ses frontières poreuses", affirme Andria Kenney de l'Organisation internationale des migrations (OIM). Mais la désillusion arrive quand ils entrent dans le pays, pourtant riche en pétrole.
"Sur le papier, ils ont enfreint la loi, mais beaucoup d'entre eux ne sont pas informés ou ont eu l'impression d'avoir suivi les règles. Ils ne sont tout simplement pas au courant. C'est dommage qu'ils soient punis pour cela", ajoute-t-elle.
Imad Saqir, un professeur d'anglais à la tête de la poignée de gardiens qui surveillent le centre de Gharyane, reconnaît que "certains sont innocents".
"Ils ont entendu aux informations que la Libye avait besoin de main-d'oeuvre", tandis que d'autres ont été les victimes de trafiquants qui les ont fait venir sans un sou en poche, explique-t-il.
"Nous devons commencer à les rapatrier, nous sommes complets", ajoute-t-il.
Selon Laurent Grosbois, de l'agence de l'ONU pour les réfugiés, avant le début il y a un an du conflit, plus de trois millions d'immigrés travaillaient en Libye. Mais il n'y a pas de "cadre légal clair pour les migrants", souligne-t-il, ce qui rend difficile la distinction entre immigration légale et illégale.
"J'ai travaillé deux ans comme agriculteur à Zawiyah", déclare ainsi Walid Abdelaty, 27 ans, un Egyptien. "Douze d'entre nous ont passé la frontière, mais personne n'a tamponné nos passeports, nous sommes simplement passés".
"Ils n'ont pas de tampon, même si vous présentez un passeport", accuse Arun Kulwali, un maçon malien de 23 ans, entré via l'Algérie.
"Bien sûr, il y a des gens qui tenaient les postes frontières, mais tant que vous leur donnez de l'argent, vous êtes sûr de passer, avec ou sans passeport", affirme de son cô té un mineur nigérian de 17 ans, Abdallah Issa Salam.
Comme l'ancien régime avait fait appel à des mercenaires sub-sahariens pour le défendre durant le conflit, les Libyens à la peau noire et les Africains sont fréquemment la cible de vols ou de détentions arbitraires, notamment perpétrés par des milices armées.
"Un grand nombre d'entre eux se cachent", affirme Andria Kenney.
"Nous sommes venus ici pour gagner de l'argent, mais ils nous disent qu'ils n'ont pas besoin de Noirs dans leur pays. Maintenant, nous devons repartir mais nous n'avons pas d'argent", explique Precious Oyumayu, 23 ans.
Dans le centre, certains détenus montrent des blessures comme preuves des coups portés par leurs geô liers. Ils se plaignent aussi de la faim et des maladies.
"Nous manquons de tout", souligne Saqir, déplorant que, malgré les dons de la communauté locale et un peu d'aide des organisations humanitaires, au moins 300 personnes n'ont toujours pas de couverture.
"Ils disent qu'ils ne peuvent pas nous nourrir. Ils devraient donc nous laisser libres de travailler", affirme l'un des détenus.
Mouammar Kadhafi avait utilisé l'immigration comme un moyen de pression sur l'Occident, demandant à l'Union européenne des milliards d'euros pour l'aider à stopper les clandestins. Mais la question avait été balayée par la révolution de 2011.
Evoquant les "énormes problèmes" causés par l'afflux de milliers de migrants, le ministre libyen de l'Intérieur, Fawzi Abdelali, a exhorté en janvier l'Europe et les pays voisins à l'aider, en réhabilitant 19 centres de détention et en mettant en place une meilleure surveillance des frontières.
28/02/2012
Source : AFPF
Des milliers de clandestins africains détenus en Libye
Publié dans Médias et migration
- Partenariat NIMAR-CCME: Rencontre avec Chafina Bendahmane
- Une étude de l’Insee met en lumière les paradoxe de l’intégration en France
- Le Festival international du cinéma et immigration d’Oujda souffle sa 12e bougie
- Mineurs non accompagnés : comment l’Espagne compte gérer ce dossier sensible ?
- Le CCME soutient le nouveau film de Simone Bitton « Les 1001 jours du Hajj Edmond »