jeudi 28 novembre 2024 09:47

Des milliers de Marocains sur une poudrière en Libye

120.000 Marocains ont quitté la Libye à cause de la guerre, 50.000 y sont toujours bloqués  alors  que  5.000 autres sont en attente au poste frontalier tunisien de Ras Jedir, réputé être le principal point de passage entre la Tunisie et la Libye.  C’est ce qui ressort de l’intervention de M'barka Bouaida, ministre déléguée aux Affaires étrangères et à la Coopération, mardi dernier devant le Parlement.

Comment peut-on expliquer ces chiffres ? Qu’en est-il de l'opération d'évacuation volontaire des ressortissants marocains ayant fui les violences en Libye diligentée en août 2014 et du travail de la cellule de suivi mise en place par les autorités marocaines et qui aurait permis d’évacuer 5.730 Marocains jusqu'au 5 mars dernier ?

Pour le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l’étranger et des Affaires de la migration,  l’opération de  rapatriement piétine pour cause de destruction des infrastructures portuaires et  aéroportuaires libyennes et de la poursuite des combats entre les groupes armés pour le contrôle des sites vitaux  ainsi que de l'absence d'une autorité centrale et d'un tissu associatif marocain actif dans le domaine social à même d’aider les consulats marocains dans leur tâche.
Des arguments qui ne semblent pas convaincre certains observateurs qui avancent que les raisons  d’ordre  sécuritaire priment. Ces derniers estiment que les autorités nationales redoutent que des terroristes s’infiltrent  au Maroc et notamment ceux qui sont proches de certaines fractions militaires libyennes  ayant fait allégeance à l’Etat islamique (EI). D’autres estiment que beaucoup de Marocains sont bloqués en Libye faute de documents de voyage récents ou par peur de se déplacer dans un pays où la sécurité fait défaut. 

De son côté, Othman Belbeisi, directeur du bureau de l’Organisation mondiale de l’immigration en Libye (OIM), nous a déclaré que les statistiques afférentes aux Marocains bloqués en Libye sont imprécises faute de sources officielles viables. «L’OIM dispose de peu d’informations sur les ressortissants marocains qui résident en Libye. Peu d’entre eux font appel à nos  services pour nous demander de les aider à retourner dans leur pays. Ces derniers  cherchent souvent de l’aide auprès de la représentation diplomatique marocaine.  Et une grande partie d’entre eux s’est débrouillée seule par ses propres moyens pour regagner le Maroc », nous a-t-il précisé.

Pourtant, Othman Belbeisi estime que les personnes désireuses de quitter la Libye sont de moins en moins nombreuses. «Aujourd’hui leur nombre est moindre par rapport à celui de 2011.  Le nombre de demandes enregistrées varie d’un jour à l’autre, mais reste limité», nous a-t-il indiqué. D’après lui, beaucoup de personnes ont du mal à prendre une telle décision car elles risquent gros. «Elles sont installées en Libye depuis des années et ne peuvent pas tout quitter  du jour au lendemain en laissant derrière elles le fruit de toute une vie de dur labeur», nous a-t-il précisé.  Mais il n’y pas que ce risque qui les décourages de partir. La stabilisation de la situation sécuritaire dans quelques régions a renforcé chez certaines personnes la conviction de vouloir rester sur place.  « La situation varie d’une région à l’autre. Il y a des zones sécurisées et sûres et d’autres où les combats se déroulent souvent à des rythmes irréguliers. On est loin du contexte de 2011 marqué par la violence des combats », nous a expliqué notre source. Un état des lieux qui est appelé, cependant, à changer dans un avenir proche d’après William Lacy Swing, directeur général de l’OIM, qui a déclaré récemment que  des signes clairs prédisent que la situation en Libye deviendra incontrôlable et que des milliers de personnes extrêmement vulnérables auront besoin d’aide. A noter que l’OIM a aidé près de 200.000 migrants bloqués à quitter la Libye depuis que les violences ont éclaté en 2011.  Des opérations jugées difficiles, par Othman Belbeisi, à cause de la violence permanente qui entrave l’action de l’OIM sur le terrain, mais aussi parce que de nombreux migrants bloqués ne disposent plus de titres de voyage originaux.

24 Juillet 2015, Hassan Bentaleb

Source : Libération

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