lundi 25 novembre 2024 04:58

Des ministères français en désaccord sur la déchéance de nationalité

Les ministères de l'Immigration, de l'Intérieur et de la Justice ont dévoilé chacun leurs propositions d'amendement à Matignon. Les désaccords sont nombreux.

Le projet d'élargir la déchéance de nationalité aux Français naturalisés portant atteinte à un dépositaire de l'autorité publique ou pratiquant la polygamie a fait l'objet d'une réunion à Matignon vendredi 27 août. Alors que l'Elysée doit trancher dans les prochains jours, les modalités de la déchéance suscitent bien des désaccords entre ministres.

En théorie, c'est Eric Besson, ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale qui doit arbitrer la question de la déchéance de nationalité.

Mais dans les fait, Brice Hortefeux, le ministre de l'Intérieur qui a fait de Lies Hebbadj, le polygame présumé de Nantes, son cheval de bataille tente de reprendre le dossier en main. A la Justice, Michèle Alliot-Marie estime aussi avoir son mot à dire sur un thème qui touche au code civil.

Résultat, chacun a fait ses propositions d'amendement à Matignon, que le Figaro s'est procurées.

Sanctionner

Le thème de la déchéance de nationalité a fait son irruption dans la vie politique au cours du mois d'avril dernier avec l'affaire Lies Hebbadj. Le ministre de l'Intérieur avait immédiatement demandé à ce que le commerçant nantais, soupçonné de polygamie, soit déchu de sa nationalité française.

Poursuivant sur la même ligne, Brice Hortefeux a proposé dans un premier amendement la création d'un "délit de polygamie de fait/escroquerie/abus de faiblesse".

A la demande de Nicolas Sarkozy de retirer la nationalité française "à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte" à tout "dépositaire de l'autorité publique", le deuxième amendement de l'Intérieur concernerait les étrangers naturalisés depuis moins de dix ans, et condamnés à "une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement" pour "acte qualifié de crime ou délit" visant "une personne mentionnée au 4e (alinéa) de l'article 222-8 du code pénal".

Le ministre de l'Intérieur veut aussi sanctionner les fraudes à la caisse d'allocations familiales (CAF). Il envisage de punir de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende "le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage, de tirer profit ou de partager le produit, de manière habituelle, de prestations sociales indûment perçues, à la suite de déclarations inexactes ou incomplètes par un tiers avec lequel il a contracté une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité".

Réserves

Eric Besson, qui avait émis des réserves quant à l'élargissement de la déchéance de nationalité, arguant qu'elle était "juridiquement complexe" à appliquer reste dans la droite lignée du discours de Grenoble.

Le ministre de l'Immigration estime que "les cas de déchéance doivent être réservés aux atteintes à l'autorité de l'État, à l'intégrité de la Nation".

Il propose donc que soit déchu de sa nationalité "celui qui a été condamné à 8 (ou 10 ans) en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et commis en particulier contre une personne dépositaire de l'autorité publique".

Au début du mois d'août, il avait aussi évoqué l'idée que l'acquisition de la nationalité française ne soit pas automatique pour "les jeunes ancrés dans la délinquance".

Eric Besson se fait plus discret sur la question de la polygamie. Loin de la déchéance proposée par Brice Hortefeux, le ministre de l'Immigration prévoit un amendement obligeant les quelque 10.000 étrangers naturalisés chaque année à signer un "pacte républicain" les engageant à respecter les lois de la République et ses valeurs comme la laïcité et l'égalité hommes/femmes.

Propositions juridiques

Michèle Alliot-Marie, à la tête du ministère de la Justice a, elle aussi, dévoilé ses propositions. Dans le même esprit que celles du ministère de l'Intérieur, elles sont plus "juridiques" d'après le Figaro.

La ministre de la Justice propose que la déchéance de nationalité punisse les auteurs de "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

 

Seraient concernés par cet amendement les représentants des forces de l'ordre mais aussi les sapeurs-pompiers, les gardiens assermentés d'immeubles, les jurés, les avocats voire "le conjoint, les ascendants et les descendants en ligne directe des personnes mentionnées" dans l'alinéa ou "toute autre personne vivant habituellement à leur domicile".

D'après le quotidien Libération, le texte, beaucoup plus large que prévu, pourrait être retoqué par le Conseil Constitutionnel.

Arbitrage

Intégrées au programme de loi sur l'immigration, ces propositions seront examinées au Parlement à partir du 27 septembre.

Une réunion d'arbitrage présidée par Nicolas Sarkozy discutera la "semaine prochaine" d'amendements destinés à déchoir de leur nationalité des Français naturalisés condamnés, a par ailleurs déclaré ce vendredi au micro de RMC le ministre de l'Immigration, Eric Besson.

"Il va y avoir la semaine prochaine une réunion d'arbitrage présidée par le président de la République où chacun des ministres va apporter ses propositions", a ajouté le ministre de l'Immigration.

Source : Le Nouvel Observateur


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