mercredi 27 novembre 2024 21:28

"En Slovénie, nous sommes traités comme des animaux"

Depuis la fermeture de la frontière hongroise, près de 10 000 personnes entrent chaque jour dans le petit pays, dépassé par le flux.

La route est barrée par des policiers. Le café où s’arrêtent d’ordinaire les retraités autrichiens qui descendent sur la côte adriatique ne sert plus que des militaires en armes. D’immenses tentes ont été dressées entre les anciens baraquements de la douane yougoslave. En 1991, les Slovènes s’étaient battus contre l’armée de Belgrade pour prendre le contrôle du poste frontière de Sentilj, ensuite abandonné à l’entrée de Ljubljana dans l’espace Schengen, en 2007. Depuis la fermeture de la frontière hongroise, le 16 octobre à minuit, les autorités croates ont envoyé plus de 80 000 réfugiés vers la Slovénie. Ces derniers ont pour la plupart transité à Sentilj, le temps que les Autrichiens les autorisent à passer.

Champ de maïs. «Cela fait vingt-quatre heures que nous attendons ici», raconte Ouassim, un jeune professeur d’anglais qui a quitté Damas. Quelques enfants jouent sur les barrières métalliques dressées pour contrôler la foule, des vieillards sont prostrés sur le béton. «Je ne rêve que d’une seule chose, ajoute-t-il : pouvoir dormir dans un endroit chaud. En Slovénie, nous avons été traités comme des animaux.»

Plus de 80 000 personnes ont transité depuis la mi-octobre dans les centres montés en urgence par le gouvernement de ce petit pays de 2 millions d’habitants. Leur accès est strictement interdit aux journalistes mais les témoignages racontent le froid, quand la nuit descend dans les vallées, la faim et la promiscuité. «Il y a eu des bagarres la nuit dernière, ce n’est pas un endroit pour les femmes et les enfants», raconte un Afghan par-dessus le grillage du camp de Brezice, avant d’être écarté par la police.

Barrière. Ce sont en fait près de 10 000 personnes qui pénètrent chaque jour en Slovénie. Déposés par des trains dans la gare de Kljuc, côté croate de la frontière, les réfugiés doivent marcher un kilomètre et franchir un petit pont sur la Sutla pour arriver en Slovénie, où leur parcours commence dans un champ de maïs.

Les policiers croates escortent le convoi, n’hésitant pas à prendre en voiture les vieillards qui ne peuvent pas marcher. Sur le pont, des volontaires, présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre, distribuent du thé et des biscuits. La Slovénie accuse toujours la Croatie de «laxisme» mais, selon une bénévole slovène, la police de son pays est elle-même débordée, et n’enregistre «pas la moitié des réfugiés».

Après le mini-sommet de Bruxelles dimanche, dont l’objectif principal était de ralentir le nombre de migrants qui franchissent les frontières de l’Union européenne, le ton monte entre les capitales de la région. Mercredi, la ministre de l’Intérieur autrichienne, Johanna Mikl-Leitner, a déclaré que Vienne allait édifier une barrière le long de sa frontière avec la Slovénie pour «assurer une entrée ordonnée» des migrants, une décision condamnée par Berlin.

De son côté, le Premier ministre slovène, Miro Cerar, a assuré que son pays pouvait débuter immédiatement la construction d’un grillage si l’Union européenne échouait à prendre des mesures concrètes. 400 policiers européens devraient arriver en Slovénie dans les prochains jours. Sur la «route des Balkans», empruntée par quelque 600 000 migrants depuis le début de l’année 2015, on construit des murs, on parle d’en construire, mais les réfugiés parviennent encore, pour le moment, à passer.

29 oct 2015, Laurent GESLIN

Source : Libération

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