''Moins d’immigrés, une France faible'', affirment des personnalités peu suspectes d'extrémisme débridé. Le bilan social de l'activité des migrants parmi nous s'avère positif pour le pays? Peu importe! Il faudrait, nous dit-on, les rejeter à la mer. Pas facile. Alors, faute de mieux, on grignote, on rabote sur les quelques aides sociales à leur portée.
Parlons chiffres, c'est de saison: " Au total, le bilan des coûts et des contributions des migrants au financement de la protection sociale produit un bilan positif de 3,9 milliards d’euros". C'est dans une récente tribune du JDD signée, entre autres, par l'ancien Haut-Commissaire aux solidarités actives et un député UMP. cette affirmation s'appuie sur une étude réalisée en 2010 par l'Université de Lille pour le compte du ministère des Affaires sociales, et toujours pas démentie, ni démontée. L'auteur du rapport commente ces résultats en ces termes : “Il s’agit d’un processus historique lié à la structure de la population immigrée, majoritairement jeune. Comme ils sont peu qualifiés, les immigrés sont très souvent au chômage. Mais ils dépensent aussi beaucoup et sont très entreprenants. Les pensions que nous versons aux retraités sont plus que compensées par la consommation et les cotisations sociales que paient les plus jeunes, parmi lesquels on trouve des gens très dynamiques.” Et pourtant...
Les étrangers en séjour irrégulier peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de l'Aide Médicale d'Etat (AME). Depuis quelque temps, ils doivent acquitter pour cela un droit annuel de 30 euros. Ces 30 euros sont évidemment un barrage: encore plus nombreux seront ceux qui ne pourront plus se faire soigner".
Du côté de leur localisation, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Paris modernise ses procédures: deux de ses centres sont maintenant réservés aux demandeurs d'AME et interdits au reste de la population! L'ODSE, Observatoire du droit à la santé des étrangers, dénonce: Sous couvert de la crise, la CPAM de Paris sacrifie les Sans-papiers: ”la CPAM fait le choix brutal de la stigmatisation et de l’exclusion des soins au détriment de la santé de tous et des finances publiques.” Tout est à lire dans le décompte implacable de l'ODSE: les files d'attente dès le milieu de la nuit, le pré-contrôle des dossier par les vigiles, la pression sur les agents de la caisse, qui ne peuvent plus remplir normalement leurs fonctions, les délais de traitement excessifs, les pertes de dossiers. Et, par dessus tout, les conséquences pour la santé: ”de plus en plus de personnes en rupture de soins viendront, en dernier recours, rejoindre les salles d’attente des urgences hospitalières déjà saturées. Elles se présenteront dans un état de santé dégradé qui coûtera plus cher à la collectivité.”
Le GISTI renchérit dans la dernière livraison de sa revue Pleins droits Les bureaux de l'immigration: "Si on ne peut s’étonner que les pratiques des administrations en charge du contrôle de l’immigration se soient durcies sous l’effet de politiques de plus en plus répressives, on aurait pu penser que celles « relevant du droit commun » (assurance maladie, inspection du travail, agences régionales de santé, aide sociale à l’enfance, etc.) resteraient à l’écart de ce vaste mouvement qui tend à dénier les droits des étrangers. Or, sous la pression du ministère de l’intérieur notamment, les services se mettent au pas en se cachant derrière l’étendard de la « chasse aux fraudeurs »." Et de détailler la chasse à la fraude, qui mettrait en péril notre modèle social, la tentative d'entrainer les inspecteurs du travail dans un rôle de police, le tri pseudo-scientifique entre vrais et faux mineurs isolés si, en plus, ils sont étrangers, le soupçon ciblé de la sécu, les tentatives de contrôle administratif de l'évaluation par les médecins de l'état de santé des étrangers malades, l'éligibilté au RSA conditionné à 5 ans de séjour régulier avec autorisation de travail, disposition déclarée discriminatoire par la HALDE.
Quant aux vieux travailleurs migrants, une fois épuisée leur force de travail, l'accès à leurs droits sociaux est un scandaleux parcours d'obstacles.
Les Caisses d'Allocations Familiales (CAF) sont particulièrement incitées à restreindre leurs prestations, s'en prenant en particulier aux enfants élevés dans les familles en séjour régulier, mais nés hors de France. Depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 3 juin 2011, les bambins de l'immigration choisie par leurs parents venus vivre avec nous, mais subie par l'administration, n'ouvrent plus de droits aux allocations familiales; ces enfants, qui deviendront français si on ne les rejette pas à la mer avant, auront été privés dès le début de la solidarité de leurs concitoyens.
Les étrangers ne sont pas les seuls à pâtir de ces brutalités sociales. En effet, comme l'écrivent les auteurs de la tribune du JDD, "c'est la cohésion sociale qui est menacée quand on fait croire à l'opinion publique que les immigrés sont responsables de maux qui nous appartiennent, et qu'il nous appartient de résoudre." On assite à une offensive d'appauvrissement des plus fragiles. N'hésitons pas à généraliser l'explication proposée sur le site de la Mutualité Française à propos de l'attaque contre les mutuelles de santé: ”Il semble clair que toutes ces manœuvres relèvent à la fois de l'improvisation et de la volonté d'essayer de dissimuler un certain nombre d'échecs patents.”
Mais...
Une ordonnance du Conseil d'État du 10 février 2012 a confirmé que le Droit à l'hébergement d'urgence s'adresse à toute personnes sans abri, quelque soit sa situation administrative, que sa mise en œuvre est une obligation de l'État. Selon la loi, toute personne hébergée doit être maintenue jusqu'à une orientation vers un hébergement stable, de soin ou un relogement.
Pour concrétiser ce droit nouveau, des associations et syndicats tels que DAL, LDH, Syndicat de la magistrature, Syndicat des Avocats de France, Solidaire, Sud santé sociaux, RESF, ACDL, CAL, CNAFAL, Fondation Copernic, Union Syndicale de la psychiatrie, Advocacy, ... lancent le 14 mars 2012 un site de ressource juridique, le 115 juridique", pour ”aider les sans-abri, quelle que soit leur situation administrative, à faire valoir leur droit à être hébergés, jusqu’à leur orientation vers une structure de soins, de stabilisation, ou vers un relogement, conformément aux dispositions du code de l’action sociale et des familles.”
14/3/2012, Martine et Jean-Claude Vernier
Source : Médiapart
Etrangers: brimades sociales à toutes les étapes
Publié dans Médias et migration
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