jeudi 28 novembre 2024 12:27

France: à l'écart de la "New Jungle" des migrants de Calais, un abri pour femmes

Elles ont réussi à traverser la Méditerranée et rêvent de Grande-Bretagne: à Calais, sur les côtes françaises, un espace a été ouvert pour mettre les femmes à l'abri des dangers de la "New Jungle" où se massent en permanence des centaines de migrants.

Pour ces femmes arrivées du Soudan ou d'Erythrée et leurs enfants -- le plus jeune a neuf mois -- des bâtiments ont été construits un peu à l'écart de l'ancien centre de loisirs transformé en accueil de jour pour les migrants. Derrière une grille soigneusement close, elles peuvent rester jour et nuit et disposent de dortoirs, douches, cuisine et machines à laver.

"Beaucoup sont seules. Ce sont de sacrées femmes, qui arrivent ici avec des histoires très lourdes, de viols parfois, d'enfants perdus" pendant leur périple, explique Carine Zerouali, la responsable du service hébergement au sein de l'association La Vie Active qui gère le centre.

Des poussettes encombrent les couloirs, d'innombrables téléphones sont branchés sur les prises électriques. Des femmes se reposent dans les lits superposés -- à quatre dans les petites chambres, mais jusqu'à seize dans les dortoirs.

"Nous essayons de les loger en fonction de leur nationalité. Cela se passe plutôt bien. Le problème, c'est plutôt à cause des enfants qui se disputent", dans un espace occupé à plein, indique la responsable.
Conçu pour 100 personnes, le centre en accueille aujourd'hui 117 (dont une vingtaine d'enfants), avant la construction annoncée de 50 places supplémentaires.

Alors que la structure pour hommes n'ouvre que de midi à 19H, les femmes peuvent entrer et sortir à leur guise -- notamment pour tenter de passer la frontière. "Une dizaine sont parties hier, on ne les reverra pas, ou pas avant plusieurs jours", ajoute Mme Zerouali.

"Mais dans ce cas, au bout de 24 heures leur place est perdue", avertit la responsable. Impossible de garder des lits vides quand la "New Jungle" compte encore plusieurs dizaines de femmes -- même si toutes ne souhaitent pas quitter la lande où jusqu'à 3.000 personnes campent dans des conditions épouvantables.
Des ONG ont dénoncé fin juin des conditions de vie "absolument inédites en Europe, ne respectant même pas les normes des Nations Unies".

Massi, croisée sur le campement, explique qu'elle ne veut pas laisser son mari. D'autres restent pour des raisons plus obscures.

Mme Zerouali se souvient d'une jeune fille, sous l'emprise d'un souteneur dans la "Jungle" avoisinante. "On lui avait trouvé une place en centre, mais elle a refusé. Elle avait trop peur".

'Essayer'

Certaines ne font que passer, d'autres restent plusieurs semaines. Toutes n'ont pas le même projet. "Je veux passer en Grande-Bretagne, mon frère est là-bas, mes amis", explique Samira, une jeune fille de 19 ans qui se dit Erythréenne. Elle va "essayer" encore, "peut-être ce soir, peut-être demain".

Quand on lui parle des risques, Samira a un sourire fataliste. Le danger, tout le monde en a conscience ici, depuis la mort d'une dame du centre écrasée en sautant d'un camion.

Passer en Grande-Bretagne par les véhicules qui empruntent les ferries ou le tunnel sous la Manche, c'est une question de "chance" disent-elles. "Quand il fait beau, on voit la Grande-Bretagne et il est très difficile de les dissuader", explique Mme Zerouali. Près d'elle, une Syrienne compte "essayer", elle aussi, malgré sa grossesse avancée.

Mais toutes ne veulent pas tenter l'aventure.

"C'est trop dangereux, je veux apprendre le français pour devenir traductrice avec le tigrinia", la langue de l'Erythrée, assure Nadia, une jeune femme souriante de 27 ans. Quand on lui demande pourquoi elle s'est retrouvée à Calais dans ce cas, au lieu d'avoir demandé l'asile dès son arrivée en France, elle hausse les épaules. "A Paris on dormait dans la rue. Tout le monde partait à Calais, alors je suis partie aussi".

Dans ce mouvement incessant, les associatifs voient toujours partir les femmes avec appréhension. Mais ils réussissent tout de même à suivre leur trace. "Quand elles ont réussi, elles appellent généralement. Ou bien on le sait par Facebook", explique Mme Zerouali.

11 juil 2015,Claire GALLEN

Source : AFP

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