dimanche 24 novembre 2024 20:35

France : Chiffrer le coût de l’immigration illégale

Entretien avec le ministre de l'Immigration, Éric Besson

LE FIGARO. - En septembre, votre projet de loi sur l'immigration sera examiné par le Parlement. Qu'apporte ce texte ?

Éric BESSON. -  Il comporte de puissants instruments d'intégration des immigrés légaux et de lutte contre l'immigration illégale. La France doit renforcer sa lutte contre l'immigration irrégulière, véritable fléau qui sape les fondements du pacte républicain et social. Dans les faits, seule l'immigration légale permet l'intégration. Les séjours illégaux, en revanche, ont un coût pour les finances publiques, déstabilisent le marché du travail, créent des problèmes dans les banlieues et sont préjudiciables aux étrangers eux-mêmes.

Mais cette lutte ne s'organise-t-elle pas de plus en plus au niveau européen ?

C'est tout l'objet du projet de loi, qui transpose trois directives. Il crée un premier titre de séjour européen et renforce la lutte contre ceux qui exploitent l'immigration illégale, en instaurant de nouvelles sanctions contre les employeurs d'étrangers en situation irrégulière. Il prévoit par ailleurs une interdiction de retour dans toute l'Union européenne pour les étrangers en situation irrégulière. Il accroît aussi le délai de rétention administrative - qui passe de 32 à 45 jours maximum -, afin de laisser aux pays d'origine le temps nécessaire à la reconnaissance de leurs ressortissants. Il crée enfin une zone d'attente temporaire, pour éviter que des situations comme celle de l'arrivée massive de Kurdes à Bonifacio ne se reproduisent.

Vous avez commandé une étude sur le coût de l'immigration irrégulière. Le sujet n'est-il pas aussi explosif que celui de l'identité nationale ?

Certes, c'est un sujet lourd, qui demande du tact pour ne pas donner prise à toutes les dérives démagogiques. Mais, certains parlementaires de l'opposition et quelques associations estiment que les reconduites coûtent cher, et lancent des chiffres fantaisistes en sous-entendant que nous devrions mettre un terme à la maîtrise des flux migratoires. La Cour des comptes et l'Inspection générale de l'administration évaluent notre politique de lutte contre l'immigration irrégulière entre 200 et 300 millions d'euros. Ce coût est élevé, parce que la France traite dignement les étrangers en situation irrégulière. Ces parlementaires de gauche et ces associations souhaitent-ils vraiment le réduire? Ont-ils réalisé que ce coût est nettement inférieur à celui de l'immigration irrégulière? En fait, ces deux coûts doivent être comparés. Dire cela, ce n'est pas polémiquer. C'est dire la vérité aux Français.

Qui va mener cette étude ?

C'est un cabinet indépendant. Il est chargé d'évaluer dans un premier temps les grandes masses financières. Par exemple, le coût de l'hébergement, des soins médicaux, du manque à gagner social et fiscal lié au travail clandestin. Les premiers résultats seront livrés en septembre et donneront un cadre pour le rapport définitif qui sera rendu fin 2010. Chiffrer l'impact de l'immigration illégale ne doit pas être un sujet tabou.

Faudrait-il pouvoir déchoir de sa nationalité française Liès Hebbadj, commerçant polygame mis en cause pour des fraudes aux prestations sociales ?

Liès Hebbadj n'aurait pas dû accéder à la nationalité française, si la ministre en charge des naturalisations de l'époque avait suivi l'avis de ses services qui lui proposaient de prendre un décret d'opposition, comme je le fais aujourd'hui dans de tels cas. Mais une fois la nationalité française acquise, les choses sont plus complexes. Sur le plan des principes, cela ne me choquerait pas de retirer la nationalité à une personne dont le comportement porte atteinte aux valeurs fondamentales de la République. Le cas de Liès Hebbadj et de ses quatre «femmes» ont choqué l'opinion à juste titre. Mais il existe de fortes contraintes juridiques car la polygamie «de fait » est malaisée à définir. C'est pourquoi j'ai répondu à Brice Hortefeux qu'en l'état du droit il serait très difficile de déchoir M. Hebbadj de sa nationalité. Pour le moment, le président de la République et le premier ministre ne m'ont pas saisi de ce sujet. Eux seuls peuvent décider de l'opportunité d'ouvrir ce débat.

L'examen du texte sur l'interdiction générale du voile intégral a commencé mercredi. Comment interprétez-vous la consigne d'abstention du PS ?

Les socialistes commencent par le soupçon et la démagogie pour, à la fin, s'abstenir. En agissant ainsi sur les enjeux de la laïcité et des valeurs républicaines, le PS renie l'héritage même de la gauche française.

Alors que l'affaire Bettencourt n'en finit pas de rebondir, le chef de l'État a demandé aux ministres de ne pas se laisser détourner par l'actualité. Mais sont-ils audibles ?

Il faudrait pour cela que les médias consacrent moins d'espace à cette affaire et davantage à l'action du gouvernement. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Il faut donc riposter. Allons-nous laisser prospérer une telle entreprise de déstabilisation? Depuis quand est-ce à la personne accusée d'apporter les preuves de son innocence?

Estimez-vous, comme certains de vos collègues, qu'Éric Woerth paie pour les comportements d'autres ministres ?

Polarisons-nous sur les faits. Pour l'instant, personne n'a apporté le moindre indice prouvant qu'Éric Woerth aurait commis une faute ou une indélicatesse. Être à la fois trésorier de l'UMP et ministre du Budget n'est pas en soi délictueux.

Alain Joyandet a-t-il eu raison de quitter le gouvernement et la démission forcée de Christian Blanc s'imposait-elle ?

Qui peut reprocher à Alain Joyandet, qui fut un bon ministre, d'avoir choisi de démissionner parce qu'il pensait son honneur atteint ? Que les achats de cigares de Christian Blanc sur les deniers publics aient choqué l'opinion, c'est incontestable. L'affaire est close.

Source : Le Figaro


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