samedi 30 novembre 2024 06:30

France : "Combien d'enfants ont entendu parler à l’école de la marche des Beurs ?"

Philippe Faucon est cinéaste. Il a réalisé le film "La Désintégration". "L'Obs" lui a demandé quelle mesure était selon lui la plus urgente à mettre en œuvre pour en finir avec la ghettoïsation de certains quartiers difficiles.

"Croit-on que l’on va résoudre quelque chose en enjoignant à des enfants de chanter à l’école 'la Marseillaise' si cette symbolique est vide de sens pour eux ? Si le sentiment d’être exclu de la société dans laquelle ils vivent continue de persister chez eux ? 'L’école joue un rôle important, elle apprend l’Histoire', a dit François Hollande.

Mais l’histoire de France qu’on enseigne à ces enfants prend-elle suffisamment en compte la place qui a été celle de leurs parents ? Il y a huit ans, un film, 'Indigènes' de Rachid Bouchareb, s’inscrivait contre l’oubli de la participation à la libération de la France des soldats du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou d’Asie. Et ce n’est que depuis cette date que les manuels d’Histoire ont commencé à faire une place à ces soldats.

Ce n’est donc pas par les livres d’école que les frères Kouachi ont pu avoir connaissance de cette part de notre histoire. Personne ne sait aujourd’hui si c’est là l’une des raisons qui les ont amenés à se réclamer d’une autre appartenance que celle de la République.

Mais aujourd’hui, les images des soldats d’Afrique qui prirent part à la Libération restent si peu présentes lors des commémorations qu’on ne peut s’étonner que certains enfants aient du mal à se reconnaître dans la "mémoire nationale" qui leur est proposée.

Ne plus occulter certaines mémoires

Combien de ces enfants, dont les programmes prévoient qu’ils connaissent la date de la fondation de l’Académie française, ont entendu parler à l’école de la marche de 1983, dite "des Beurs" (à part à l’occasion d’un autre film) ? Il ne s’agit pas de mettre en concurrence les mémoires, mais de ne plus occulter certaines d’entre elles, afin de parvenir à une histoire de la communauté nationale qui fasse place avec justice à celles de ses composantes d’aujourd’hui.

'C’est le communautarisme blanc qui fabrique les communautarismes', m’ont dit un jour des élèves d’un lycée professionnel. Ils exprimaient là un ressenti dont on peut débattre pour savoir s’il est fondé ou pas, mais qui témoignait aussi d’une blessure en lien avec l’histoire de leurs parents."

8/2/2015, Nicolas Schaller

Source : nouvelobs.com

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