mardi 26 novembre 2024 10:47

France : La laïcité revient dans le débat politique

L’UMP relance le débat sur la place des religions dans la société, notamment de l’islam, et n’exclut plus d’autoriser un financement public des lieux de culte.

Le président de la République Nicolas Sarkozy entouré des représentants des principaux cultes, lors de la cérémonie des vœux aux autorités religieuses, le 7 janvier au palais de l'Élysée (Photo : AFP/LIONEL BONAVENTURE).

Nicolas Sarkozy ayant donné son feu vert, l’UMP organisera début avril un débat sur « l’exercice des cultes religieux dans la République laïque avec un point particulier sur l’exercice du culte musulman », pour reprendre la formule de Jean-François Copé, son secrétaire général.

Il s’agit pour la droite, tout en se félicitant de l’adoption de loi interdisant le voile intégral dans l’espace public, de ne pas laisser à Marine Le Pen le monopole du thème de la laïcité, que la présidente du FN instrumentalise depuis plusieurs mois au nom de la « lutte contre l’islamisation ».

La loi de 1905 dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Or, plusieurs voix s’élèvent à droite afin de permettre le financement public de la construction de lieux de culte.

«Aménagement» ou contournement de la loi de 1905

« Il faut faciliter la construction de mosquées dans notre pays, quitte s’il le faut à ce que l’État y participe », a déclaré jeudi 17 février sur RMC Benoist Apparu, secrétaire d’État au logement et membre de l’UMP. Expliquant : « On ne peut pas d’un côté dénoncer l’islam des caves et des rues, et ne pas en tirer les conséquences. Se contenter de dénoncer, ça, c’est ce que fait le FN. Nous, nous devons apporter des réponses. »

Nicolas Sarkozy avait été le premier, avant d’y renoncer une fois élu, à remettre publiquement en cause la loi de 1905 dans son livre publié en 2004, La République, les religions, l’espérance (Cerf). Une idée implicitement reprise à l’occasion de ses vœux aux autorités religieuses, le 7 janvier dernier, en exposant que « la République implique qu’elle tienne ses promesses en permettant que chacun puisse prier dans des lieux dignes ».

Concrètement, indique-t-on à la direction de l’UMP, il s’agirait soit d’un « aménagement » de la loi de 1905, soit d’un contournement de celle-ci via le financement d’associations ou de fondations culturelles.

Abroger le concordat ?

À l’opposé, le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon a annoncé le dépôt d’une proposition de loi afin, d’une part, d’abroger le concordat en Alsace-Moselle, et, d’autre part, de revenir à la rédaction originelle de la loi de 1905 (« Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés »), modifiée en 1942 par Philippe Pétain (« Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public qu’ils soient ou non classés monuments historiques »).

« Le concordat institutionnalise quatre cultes (catholique, israélite, protestant luthérien et protestant réformé) tandis que le droit local a permis le financement de la Grande Mosquée de Strasbourg par la ville (10%), le département (8%) et la région (8%) », rappelle Fabienne Keller, sénatrice UMP du Bas-Rhin, qui défend cet héritage historique du temps où les trois départements concernés étaient annexés par l’Allemagne.

«Une seule communauté, la communauté nationale»

Député UMP et maire de Woippy (Moselle), François Grosdidier a d’ailleurs déposé en 2006 une proposition de loi visant à intégrer le culte musulman dans le droit concordataire d’Alsace et de Moselle, estimant qu’« il n’est pas acceptable que les musulmans soient exclus du droit applicable en Alsace-Moselle au seul motif qu’ils n’étaient pas présents sur le territoire en 1801 ».

Cette question débouche sur un autre débat, celui du multiculturalisme. « Nous ne voulons pas d’une société dans laquelle les communautés coexistent les unes à côté des autres. Si on vient en France, on accepte de se fondre dans une seule communauté, la communauté nationale », a insisté Nicolas Sarkozy, jeudi 10, sur TF1, en rejetant le multiculturalisme.

Quitte à tourner le dos à ce qu’il prônait avant son élection à la présidence de la République, notamment lorsqu’il parlait de « discrimination positive » en fonction des origines ou de la religion (le « préfet musulman »).

Un débat qui dépasse les clivages droite-gauche

D’autres responsables politiques ont, à l’inverse, récemment proposé de remplacer la définition universaliste de la citoyenneté par une approche communautariste.

Dans une tribune publiée le 27 janvier dans Libération, trois membres d’Europe Écologie – Les Verts (Esther Benbassa, Noël Mamère et Eva Joly) prônent ainsi « une laïcité raisonnée qui reconnaisse la part de l’appartenance ethnique, culturelle, religieuse, linguistique », affirmant qu’« intégration et assimilation sont des mouvements venus d’en haut, autoritaires, ne prenant pas en considération les réalités humaines ».

Même critique de la part d’Hervé Morin, le 5 janvier, dans ses vœux. « Il faut se rendre à l’évidence que notre pacte social reposant notamment sur notre creuset républicain assimilateur et intégrateur a vécu », avance le président du Nouveau Centre en appelant à « la reconnaissance du rôle des tribus » constituées « en fonction de ses racines, de son métier, de ses passions, de sa foi ».

Un débat qui dépasse les clivages droite-gauche et touche au cœur du projet de société français.

17/2/2011, Laurent de BOISSIEU

Source : La Croix

 

Google+ Google+