La présidente du Front national et le député-maire (UMP) de Nice souhaitent suivre l'exemple de la Suisse. Estrosi propose de sonder les Français au moment des élections européennes, en mai prochain. Le PS s'indigne.
Après Christian Estrosi, Marine Le Pen s'engouffre dans la brèche. La présidente du FN a demandé mercredi que soit organisé un référendum sur l'immigration et sur la «priorité nationale», alors que la Suisse s'est prononcée dimanche en faveur de l'instauration de quotas d'immigration. Le député-maire (UMP) de Nice souhaite, lui, profiter des élections européennes pour sonder les Français sur l'immigration.
«Les peuples ont le droit de maîtriser leurs frontières, de décider qui rentre chez eux, qui y travaille, et accessoirement, selon le contexte, de limiter totalement l’immigration, de l’ouvrir un peu, de décider à qui ils l’ouvrent, et c’est ça l’enjeu du vote suisse», a déclaré Marine Le Pen, interrogée par le site internet des Echos. «L’autre enjeu, c’est la priorité nationale, caricaturée en France. A compétence égale, c’est un Suisse qui a la priorité sur un travailleur étranger. J’appelle les Français à réclamer un référendum sur le sujet», a-t-elle ajouté. Au même moment, une pétition a été lancée sur le site internet du Front national : «Exigeons nous aussi un référendum sur l’immigration».
Christian Estrosi souhaite, pour sa part, qu'un référendum sur l'immigration soit organisé en mai prochain : «Puisque nous aurons des élections européennes et que le problème est d’abord européen avec les règles de Schengen qui sont très défavorables à la France, je verrais bien à ce qu’il y ait aussi une question qui soit posée avec un referendum aux Français le même jour que les élections européennes, le 25 mai prochain», a développé l’ex-ministre du gouvernement Fillon.
Interrogé sur la «feuille de route» gouvernementale sur l’intégration et la lutte contre les discriminations, présentée mardi, Christian Estrosi a répondu : «On se demande si le gouvernement ne va pas demander aux Français de s’intégrer, d’apprendre à parler les langues africaines, le mandarin, les langues arabes. Est-ce que c’est à nous de nous adapter ?» «Je souhaite qu’on apprenne prioritairement à lire, à écrire, à compter à l’école et que l’on fasse une politique d’assimilation à notre héritage de traditions, de culture, d’identité, qui est celle de l’Europe, de la France, des terroirs de France, pour que ceux qui sont déracinés puissent retrouver des racines à partir de la culture qui est la nôtre», a-t-il conclu.
Le PS dénonce une «dérive indigne»
Ces propositions ont provoqué l'indignation du Parti socialiste. Eduardo Rihan Cypel (photo AFP), l'un de ses portes-parole, a dénoncé la «dérive indigne» de responsables de l’UMP qui «précèdent le FN sur le terrain de l’extrême droite», mercredi dans un communiqué. «A quelques heures d’intervalles, l’UMP M.(Christian) Estrosi et la présidente du Front national ont fait part d’une proposition identique : un référendum sur l’immigration en France», souligne le porte-parole.
«S’inspirant du référendum suisse, proposé par un parti populiste d’extrême droite, UMP et FN cherchent à nouveau à instrumentaliser par la pire des démagogies la question sérieuse de l’immigration», estime-t-il. «On connaissait la tendance de l’UMP à courir derrière le Front national. La nouveauté c’est, qu’aujourd’hui, l’UMP précède le FN sur le terrain de l’extrême droite», déplore Eduardo Rihan Cypel, ajoutant qu’il s’agit d’une «dérive indigne d’un parti qui se réclame du gaullisme».
Selon lui, «l’héritage gaulliste et chiraquien est totalement noyé par la nouvelle idéologie de l’UMP. Avec ce discours, M. Estrosi et M. Ciotti sont en train de dérouler au sein même de l’UMP le tapis rouge pour Mme Le Pen». «Comment, dès lors, s’étonner que les électeurs de l’UMP soient de plus en plus attirés par le Front national, comme le démontre une enquête d’opinion publiée ce jour ?», dit le député de Seine-et-Marne.
Le Pen favorable à une «inégalité légale»
Dans une enquête TNS Sofres publiée mercredi, 24% des sondés pensent qu’en matière d’emploi «on doit donner la priorité à un Français sur un immigré en situation régulière». Marine Le Pen a déjà défendu à plusieurs reprises l’opportunité d’un référendum sur la «priorité nationale», le nom qu’elle donne au concept de «préférence nationale» que défendait Jean-Marie Le Pen. Il est considéré par nombre de constitutionnalistes comme contraire à celui d’égalité entre les citoyens.
Lors d’un déjeuner en 2011, elle avait qualifié cette «priorité nationale» de «seule discrimination légale et morale» qui soit, puisqu’elle est fondée sur «l’appartenance ou la non-appartenance à la nationalité». Il s’agit de «mettre en place une différence de traitement de droits entre ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas». Autrement dit, une «inégalité légale», avait-elle défendu. En février 2013, elle avait dit que l’instauration de cette mesure au niveau municipal, comme à Vitrolles en 1998, avait été «une erreur».
Depuis l’élection de François Hollande en mai 2012, le FN a lancé déjà au moins six appels à des référendums: aux «peuples d’Europe» pour qu’ils demandent à être consultés sur l’UE, en France sur la sortie de l’UE, sur la sortie de la PAC, sur le mariage et l’adoption des couples homosexuels, sur le non-cumul des mandats, sur le traité budgétaire européen.
12 février 2014
Source : Libération/AFP