«Etre de gauche, ce n’est pas régulariser tout le monde et se retrouver dans une impasse.» Dans une interview au Monde du 28 juin, le nouveau ministre de l'Intérieur Manuel Valls définit ses principes en matière de politique migratoire. Et précise notamment sa politique concernant les sans-papiers. «Les régularisations doivent se faire en s’appuyant sur des critères précis, objectifs, compréhensibles, à la fois par ceux qui sont dans cette situation, ceux qui pourraient venir sur notre sol national, et nos compatriotes. Ces critères sont les années de présence en France, la situation par rapport au travail, les attaches familiales, la scolarisation des enfants. Ils ont été interprétés de manière beaucoup trop restrictive et n’ont pas été appliqués de manière uniforme sur l’ensemble du territoire par le précédent gouvernement.» Un changement de méthode mais sur le fond, plutôt un statu quo. Cette annonce a d'ailleurs été jugée «cohérente» par l'UMP François Baroin, qui fut brièvement ministre de l'Intérieur sous Villepin, jeudi sur France Inter:« Le cas par cas, c’est le seul moyen et j’ajoute qu’on l’a toujours fait.» Un hommage plutôt isolé à droite, Jean-François Copé ayant dénoncé une notion de régularisation au cas par cas qui «ne veut strictement rien dire».
Pendant toute la campagne, Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs martelé que le «cas par cas» revenait en fait à une régularisation massive. Sur fond de traditionnelle accusation de laxisme en matière de politique migratoire.
Retour, pour y voir clair sur un sujet passionnel, sur 30 ans de politique de régularisations. Des vagues de régularisations massives au tournant de la politique du cas par cas.
1981, l’assouplissement socialiste
En 1981, François Mitterrand est élu président de la République et l’arrivée des socialistes au pouvoir marque l’assouplissement des conditions d’obtention d’un titre de séjour. La circulaire du 11 août 1981 précise les critères de régularisation exceptionnelle : preuve de la présence en France depuis le 1er janvier 1981 et occupation d’un emploi stable d’une validité d’un an.
Selon un rapport sénatorial, 149 000 demandes sont déposées. 131 000 étrangers en situation irrégulière obtiennent une carte de travail et de séjour valable un an.
1993-1997, le temps de la fermeté
En mars 1993, la coalition RPR-UDF remporte les élections législatives. Une seconde période de cohabitation s’ouvre. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, décide alors de limiter les conditions de délivrance d’un titre de séjour.
La loi du 24 août 1993 durcit les critères, en modifiant directement l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France la version en vigueur de 1993 à 1997). Elle prévoit notamment le refus et le retrait d’une carte de séjour aux étrangers polygames. La droite persiste dans cette politique de durcissement jusqu’en 1997, affinant toujours davantage les conditions d’obtention. La loi Debré du 24 avril 1997 marque le dernier épisiode de cette période. Elle prévoit, entre autres, la possibilité de retirer la carte de résident à un employeur étranger.
Ce positionnement politique est loin de faire l’unanimité. Déjà, en juin 1996, un grand mouvement de manifestations spontané avait vu le jour. Les églises Saint-Hippolyte et Saint-Bernard-de-la-Chapelle à Paris sont occupées par des parents étrangers d’enfants français et des Africains sans-papiers pour demander la «régularisation des sans-papiers».
29 juin 2012, PAULINE MARTINEAU
Source : Libération
France/Régularisations : comment le cas par cas est devenu la norme
Publié dans Médias et migration
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