Le gouvernement, qui réunira début février un comité interministériel sur l'intégration des immigrés et des Français d'origine étrangère, avance sans doctrine claire dans un contexte explosif, où chaque pas est susceptible de déclencher une polémique.
Le gouvernement, qui réunira début février un comité interministériel sur l'intégration des immigrés et des Français d'origine étrangère, avance sans doctrine claire dans un contexte explosif, où chaque pas est susceptible de déclencher une polémique.
"L'intégration, c'est un terrain miné, le premier qui bouge se fait flinguer", constate le directeur général de France Terre d'Asile (FTA) Pierre Henry. A l'approche des municipales, "tout le monde est dans une posture d'instrumentalisation".
Pourtant, la France a des efforts à faire: l'OCDE l'a classée en 2012 parmi les mauvais élèves pour l'intégration de ses immigrés (5,3 millions) et de leurs descendants (6,7 millions), surtout à cause de leur relégation dans les banlieues sensibles et de leurs difficultés sur le marché du travail.
Fort de ce constat, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait confié en juillet à des spécialistes la confection de cinq rapports thématiques pour "refonder" la politique d'intégration. Mais la publication, en décembre, sur le site de Matignon de leurs conclusions a enflammé le débat.
L'un des rapports suggérait de revenir sur l'interdiction du voile à l'école. Accusé de faire le jeu du communautarisme, l'exécutif avait immédiatement pris ses distances et reporté le comité interministériel initialement prévu début janvier. Il devrait se tenir début février, selon Matignon.
Les polémiques portent toujours sur l'avenir du "modèle français" qui, à l'inverse des pays anglo-saxons, refuse les politiques ciblées, les quotas ou les statistiques ethniques pour traiter tous les citoyens en égaux.
Si l'ancien président Nicolas Sarkozy avait un temps soutenu la "discrimination positive", son successeur revendique ce modèle "républicain". "Le gouvernement fera ses propositions, mais qui n'ont rien à voir avec le différencialisme, ou le multiculturalisme ou le voile...", a déclaré récemment François Hollande, sans donner de précision.
Pour le reste, "la politique d'intégration du gouvernement, c'est un peu la page blanche", souligne le démographe et sociologue Patrick Simon, en évoquant les approches différentes qui traversent le Parti socialiste.
"Pas de doctrine"
Certains, comme le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, insistent sur les efforts que doivent réaliser les immigrés pour s'intégrer (acquisition du Français et des "valeurs" républicaines) et d'autres, dans le sillage de Martine Aubry, mettent l'accent sur les changements à obtenir dans la société pour qu'elle accepte mieux la différence (programmes de lutte contre les discriminations).
A cela s'ajoutent des divisions sur le concept de "laïcité" entre des partisans d'une grande fermeté face aux revendications religieuses des minorités (menus hallal à la cantine, jours fériés pour les fêtes religieuses...) et ceux plus ouverts à une reconnaissance des différences.
Face à ces clivages, le chef de l'Etat n'a jamais explicité sa vision. Pendant la campagne, il avait soigneusement évité le sujet, se bornant à promettre le droit de vote aux étrangers pour les élections locales et de lutter contre les contrôles d'identité abusifs, deux engagements toujours en suspens.
Pour Pierre Henry, le PS n'a pas assez travaillé sur ces questions quand il était dans l'opposition et "le paie aujourd'hui". Compte-tenu du caractère inflammable du sujet, "si on n'a pas de corpus solide, débattu et relayé, on va dans le mur".
"Tout le monde est un peu tétanisé par l'extrême droite et une UMP extrémisée", confirme le député socialiste Matthias Fekl. Et s'il existe des actions au niveau local, le PS "n'a pas de doctrine au niveau national", reconnaît-il.
A sa décharge, le gouvernement "ne peut pas s'appuyer sur une boîte à idées prête à l'usage" parce que le champ universitaire est lui aussi traversé par "des controverses violentes", souligne Patrick Simon.
Le chercheur évoque le contraste avec le travail engagé pour l'égalité sexuelle: "il y a un accord politique sur la défense de l'égalité homme-femme: ça permet de ne pas avoir de doute quand il s'agit de mettre en oeuvre des mesures".
"Sur les étrangers et leurs descendants, poursuit-il, il n'y a rien. Ce qui prédomine, c'est une grande indifférence".
24/1/2014