mercredi 27 novembre 2024 03:35

Immigration turque : 50 ans qui ont changé l'Allemagne

Un demi-siècle après l'accord scellé entre Bonn et Ankara, quelque 3 millions d'habitants sont d'origine turque.

 «Cet accord a changé notre pays», reconnaît la chancelière Angela Merkel. Le 30 octobre 1961, l'Allemagne de l'Ouest signait un accord avec la Turquie qui allait ouvrir la voie à l'arrivée de migrants turcs. Quelques jours après, les 2500 premiers «travailleurs invités» posaient le pied en République fédérale, après un interminable voyage en train depuis Istanbul. Cinquante ans plus tard, les Turcs constituent la première communauté étrangère du pays, avec officiellement 1,63 million de ressortissants. Au total, environ 3 millions d'habitants en Allemagne ont des racines turques.

L'accord de 1961 est à l'initiative d'Ankara. Le gouvernement militaire entend alors réduire la pression sur son marché du travail et engranger des devises avec les virements des travailleurs à leur famille. Avec une durée de séjour fixée à deux ans au maximum, la Turquie espère aussi un transfert de savoir-faire, via ces salariés formés dans les performantes usines allemandes. De son côté, l'industrie d'outre-Rhin est à la recherche de main-d'œuvre pour faire vivre son miracle économique. Des accords similaires ont été conclus auparavant avec l'Italie, la Grèce et l'Espagne.

Les conditions pour l'accueil des Turcs, notamment le principe de rotation de deux ans, sont cependant plus strictes. Les candidats, principalement des hommes non mariés, sont sélectionnés par un bureau de recrutement allemand installé à Istanbul. Entre 1961 et 1973, près de 2,65 millions de Turcs tentent leur chance. Selon différentes estimations, entre 650.000 et 850.000 emménagent réellement en Allemagne sur cette période. Venus de régions rurales, ils occupent la plupart du temps des emplois peu qualifiés.

Avec la crise pétrolière, le flux de migrants est arrêté. Mais ceux qui restent obtiennent le droit de faire venir leur famille. L'Allemagne découvre alors ces populations étrangères, adeptes d'une autre religion et regroupées dans des quartiers populaires des grandes villes. La question de leur intégration devient au fil des années un thème récurrent du débat politique allemand. L'histoire commune germano-turque s'illustre aussi par la réussite de milliers d'entrepreneurs, de footballeurs comme Mesut Özil, du cinéaste Fatih Akin ou la popularité des sandwichs kebab.

La chancelière, qui reconnaît l'existence de discriminations à l'égard des Turcs, leur réclame toutefois plus d'efforts dans le domaine linguistique et l'éducation. «L'intégration ne passe pas seulement par la langue, mais tient beaucoup plus à la reconnaissance sur le marché du travail», répond Haci-Halil Uslucan, directeur du Centre d'études sur la Turquie et l'intégration (ZfTI). Un responsable associatif dans le quartier populaire à forte population turque de Neukölln, à Berlin, pointe aussi les responsabilités de l'État allemand : «On nous reproche le manque d'intégration alors que les migrants ont été obligés de s'installer dans certains quartiers et que pendant des années leurs enfants devaient fréquenter des classes exclusivement turques.»

Des diplômés repartent

«J'espère qu'au bout de la 4e, 5e ou 6e génération, l'origine n'aura plus d'importance», insiste la chancelière dans un message vidéo à l'occasion de cet anniversaire, qu'elle doit célébrer mercredi avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Pourtant, dans son discours, elle distingue sans cesse les «Allemands» et les «habitants d'origine turque»…

Aujourd'hui, un mouvement inverse se dessine. Des diplômés, issus de la communauté, repartent du côté du Bosphore. «Chacun devrait réfléchir à cette question. Nous devons offrir des emplois satisfaisants aux personnes issues de l'immigration. Sinon, elles iront tenter leur chance ailleurs», avertit Mme Merkel.

31/10/2011, Luc ANDRE

Source : Le Figaro

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