mardi 26 novembre 2024 13:25

L'accord migratoire UE-Turquie, horlogerie complexe aux rouages pas encore tous en place

Tous les migrants arrivant désormais en Grèce de manière irrégulière seront renvoyés en Turquie : l'accord trouvé vendredi entre l'UE et Ankara est simple sur le principe, mais sa mise en oeuvre dans le respect des règles de l'asile demande une logistique complexe, dont beaucoup de volets restent encore à régler.

- Quels sont les renforts européens prévus en Grèce pour mettre en oeuvre le mécanisme?

Selon la Commission européenne, qui a détaché en Grèce un haut-fonctionnaire comme coordinateur spécial, l'opération mobilisera 4.000 agents, dont 1.500 Grecs, pour assurer les procédures de demande d'asile, les appels à d'éventuels refus et le processus de retour, outre la sécurité général de l'opération.
Le problème est qu'on ne sait pas quand tous ces agents arriveront.

Un échange d'observateurs est aussi prévu entre la Grèce et la Turquie: 25 agents publics turcs seront envoyés sur des îles grecques - certains y sont déjà - et au moins cinq policiers grecs - dans un premier temps - vers des ports turcs, en face des îles grecques d'Egée.

Quel traitement pour les migrants soumis au nouveau régime?

Selon les autorités grecques, ils resteront sur les îles, où ils sont désormais détenus dans les cinq hotspots existants (camps d'enregistrement et d'identification), dont la capacité doit être portée à 20.000 places contre quelque 6.000 actuellement.

Ceux ne demandant pas l'asile seront "renvoyés immédiatement" prévoit la Commission, les autres retenus le temps de l'examen de leur demande conformément aux règles du droit d'asile que l'UE s'est engagée à respecter.

- Sur quelle base légale s'opèreront les renvois de demandeurs d'asile, en particulier syriens?

Le principe général est que les demandes peuvent être qualifiées de "non admissibles" et rejetées en procédure accélérée si le pays où le renvoi est envisagé, en l'occurrence la Turquie, est considérée comme fournissant une protection suffisante.

Pour ce faire, la Grèce et la Turquie "devront procéder à des ajustements législatifs", Athènes devant en particulier conférer à la Turquie le statut de "pays tiers sûr", ce qui "sera fait ces prochains jours," selon une source européenne.

Dans tous les cas, ceux que l'on jugera menacés, par exemple les Kurdes, ne seront pas renvoyés.

La justice grecque tranchera en cas d'appel des déboutés, suspensif ou non selon les cas.

La légalité des renvois reste toutefois fortement contestée par les humanitaires. S'il prévoit d'envoyer des effectifs en Grèce, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'envisage d'ailleurs pas de les affecter au "mécanisme de reconduite vers la Turquie", y indique-t-on.

- Comment et quand s'opéreront les renvois?

Les renvoyés seront acheminés soit par bus via la frontière terrestre, soit par bateau directement depuis les îles, selon la Commission, avec une flotte prévue de 28 bus et 8 navires de l'Agence européenne des frontières. Les ports de retour doivent être définis mercredi par Bruxelles et Ankara.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a fixé la date des premiers renvois au 4 avril, mais le commissaire européen aux questions migratoires, Dimitris Avramopoulos, a souligné lundi que leur lancement dépendrait de la mise en place des renforts européens.

Les demandeurs d'asile syriens renvoyés devront être comptabilisés à part, l'accord prévoyant que pour chaque Syrien renvoyé, un autre soit "réinstallé" de Turquie dans l'UE, dans la limite de 72.000 places.
- Quid des réfugiés et migrants arrivés avant dimanche?

Les autorités grecques en recensent quelque 50.000 bloqués dans le pays par la fermeture de la route des Balkans. En principe tous identifiés et enregistrés, ils sont soit voués à l'expulsion pour ceux considérés comme migrants économiques, ou destinés à intégrer le processus européen de relocalisation, censé en répartir 63.300 dans l'UE sous deux ans.

Ce mécanisme est réservé à certaines nationalités (Syriens et Irakiens pour l'essentiel dans le cas grec), excluant notamment les Afghans ou Iraniens, arrivés en nombre. Pour ces derniers, les règles habituelles de l'asile en Grèce s'appliquent.

Le plan de relocalisation tarde toutefois à démarrer, avec seulement 569 réfugiés envoyés dans 13 Etats membres de Grèce, à laquelle 2.250 places ont été offertes jusque-là. Nombre de réfugiés hésitent encore à y recourir, faute de pouvoir choisir leur pays de destination.

21 mars 2016,Catherine BOITARD

Source : AFP

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