mardi 26 novembre 2024 22:38

L’Allemagne soutient l'initiative française pour modifier le traité de Schengen

Issu de la CSU, la branche bavaroise de la CDU d'Angela Merkel, le ministre allemand de l'Intérieur, Hans-Peter Friedrich, effectue mardi sa première visite en France depuis sa nomination en mars, pour assister au G8 des ministres de l'Intérieur à Paris.

LE FIGARO.- Paris et Rome réclament une modification du traité de Schengen et la possibilité de rétablir des contrôles aux frontières pour contenir la vague d'immigration provoquée par les révolutions arabes. Êtes-vous favorable à cette initiative?

Hans-Peter FRIEDRICH. - La proposition de la France consiste à rendre plus flexible le traité de Schengen, qui comporte une lacune: il ne prévoit pas le cas où un pays membre manquerait à son obligation de protéger ses frontières extérieures. Nous soutenons l'initiative de la France visant à combler cette brèche.

De nombreuses voix en Allemagne mettent en garde contre une entrave à la liberté de circulation dans l'espace européen. Alors que la crise de l'euro a déjà renforcé l'euroscepticisme, ne craignez-vous que l'attachement des Allemands à l'Europe soit encore affaibli?

Le principe de la liberté de circulation au sein de l'UE ne doit en aucun cas être remis en cause. Cette libre circulation, décidée par Helmut Kohl et François Mitterrand, est l'un des acquis les plus palpables de la construction européenne pour nos concitoyens. Mais il est aussi important que le système Schengen soit renforcé pour faire face à des situations exceptionnelles.

L'Italie se plaint d'un manque de solidarité de l'Europe du Nord pour l'aider à faire face à l'afflux d'immigrés. L'Allemagne est-elle prête à faire davantage?

L'Italie n'a aucune raison de se plaindre d'un manque de solidarité. À peine 25.000 immigrés sont arrivés en Italie depuis le début du soulèvement démocratique. La plupart d'entre eux ont immédiatement poursuivi leur voyage vers le nord, notamment en France et en Belgique. Un grand pays comme l'Italie peut accueillir sans grande difficulté les quelque 10.000 ou 12.000 réfugiés, qui ont choisi de rester sur son territoire. La solidarité implique aussi que l'on remplisse ses propres obligations. Au cours de l'année passée, l'Allemagne a, à elle seule, accepté plus de 40.000 demandeurs d'asile.

Avec la forte reprise économique, l'Allemagne est confrontée à une pénurie de main-d'œuvre. L'immigration est-elle une chance pour la surmonter ainsi que la chute de la natalité?

Il est temps de penser le marché du travail de façon plus européenne. En Allemagne, nous connaissons des pénuries de main-d'œuvre, bien que le marché du travail de la zone euro compte plus de vingt millions de chômeurs. Avant de faire venir d'autres immigrés, nous devons trouver des solutions au sein de l'Europe. Je ne lance pas d'appel… Cependant je constate que les Irlandais, les Espagnols ou les Portugais ont la possibilité, à tout moment, de venir travailler en Allemagne. L'immigration à elle seule ne peut pas résoudre nos problèmes. Nous devons former et qualifier au mieux les 3 millions de chômeurs restant en Allemagne, pour leur offrir de meilleures chances. L'appel à l'immigration ne doit pas conduire à délaisser ce potentiel.

La chancelière juge que le multiculturalisme a échoué en Allemagne. Comment comptez-vous améliorer l'intégration des immigrés, en particulier des musulmans?

Depuis 2005, l'Allemagne a investi un milliard d'euros dans un programme de cours d'intégration, où l'on enseigne la langue, mais aussi la culture et l'histoire allemandes. Nous allons continuer tout en expliquant aux musulmans qu'ils peuvent vivre leur croyance religieuse dans notre pays. Nous voulons leur offrir la même possibilité qu'aux enfants chrétiens de suivre des cours de religion à l'école. Nous voulons aussi offrir dans nos universités une formation pour les imams. Nous voulons que l'on puisse se sentir à son aise dans notre pays en tant que musulman. Mais les musulmans doivent reconnaître que notre loi fondamentale exige la tolérance envers les autres religions. Ils doivent aussi reconnaître qu'en Allemagne c'est la loi fondamentale qui fixe le cadre juridique et que nous n'y tolérerons pas la charia.

Comment lutter contre la dénatalité?

Nous devons rallonger la durée des journées de travail dans les écoles et offrir davantage de places en crèche pour apporter une solution aux problèmes de garde. Nous devons aussi faire évoluer les mentalités. L'Allemagne doit offrir la possibilité aux femmes, de façon beaucoup plus large, de mener de front une carrière professionnelle et une vie familiale avec des enfants. On doit aussi insister sur la joie immatérielle qu'apporte un enfant dans une famille. L'Allemagne sera confrontée dans les années à venir à une baisse de sa population. Une Allemagne plus petite ne signifie pas pour autant qu'elle sera moins bonne ou qu'elle doit être différente.

L'Allemagne est-elle plus en sécurité depuis la mort de Ben Laden?

La menace terroriste d'al-Qaida est affaiblie par sa disparition. Mais à court terme nous devons nous attendre à des attaques visant à venger sa mort, en particulier contre les intérêts américains. Nous n'allons pas baisser la garde et allons renforcer la vigilance. Nous devons aussi reconduire notre arsenal de mesures et de lois antiterroristes pour une durée limitée.

Angela Merkel a été critiquée pour avoir exprimé sa «joie» après la mort de Ben Laden.

Elle ne s'est pas réjouie de la mort d'un homme. Elle s'est félicitée qu'un terroriste, meurtrier de masse, ait été neutralisé.

10/5/2011, Patrick Saint-Paul

Source : Le Figaro

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