jeudi 28 novembre 2024 16:44

L'Etat français condamné par la justice pour contrôle au faciès

Treize plaignants ont obtenu de la cour d'appel de Paris, mercredi 24 juin, une condamnation de l'État pour contrôle au faciès. Une "première en France", selon les avocats des demandeurs. 

Les 13 plaignants ont l’espoir d’obtenir la condamnation du ministère de l’intérieur, et donc de l’État, pour les contrôles au faciès pratiqués selon eux quotidiennement par la police.

Parmi les treize plaignants, des étudiants, des artistes, des employés, des élus municipaux, des pères de famille. Aucun d’entre eux n’a de casier judiciaire. Leur point commun : Tous appartiennent aux minorités dites « visibles » et ont été maintes fois contrôlés sans raison apparente de façon, disent-ils, « abusive et humiliante ». Depuis qu'ils avaient saisi la justice le 25 février 2015, ils attendaient de la cour d'appel de Paris qu'elle condamne le ministère de l'intérieur, et donc l’État, pour les contrôles au faciès pratiqués selon eux quotidiennement par la police.

La justice leur a donné raison : elle a condamné mercredi 24 juin l’État pour "faute lourde" dans cinq cas de "contrôles au faciès ", ont annoncé à la presse les avocats des demandeurs. « Une première en France», déclarent-ils.

L'Etat s'est vu ordonner par la cour d'appel de Paris de verser 1.500 euros de dommages et intérêts dans chacun des cas, a précisé Me Félix de Belloy, un des deux avocats qui défendaient les treize hommes noirs ou arabes ayant dénoncé des contrôles d'identité qu'ils estimaient discriminatoires.

Déboutés en première instance

Les treize plaignants avaient été déboutés en octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Paris. Le ministère public avait avancé que, dans chaque cas examiné par le tribunal, les contrôles d’identité avaient « obéi aux prescriptions légales », lesquelles laissent une très grande latitude dans la façon de procéder aux policiers.

Le tribunal avait donc débouté les plaignants, considérant qu’il revenait aux juges de s’assurer de la bonne application de la loi, pas de sa légitimité.

Le soutien du Défenseur des droits

Sollicité à l’occasion de ce procès en appel en février, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a déposé des conclusions écrites auprès du tribunal. Il incite ainsi les autorités à « prendre des mesures concrètes visant à prévenir et réprimer les contrôles d’identité abusifs » en les « encadrant suffisamment » et en « prévoyant des garanties suffisantes contre les risques arbitraires ».

Que dit la loi ?

Les policiers peuvent effectuer des contrôles d’identité afin de prévenir toute « atteinte à l’ordre public ». Ce cadre juridique très souple permet ainsi aux forces de l’ordre de contrôler qui bon leur semble, sans avoir à se fonder sur le comportement suspect de tel ou tel individu.

 « Nous avons besoin de garder une grande latitude d’action lors de nos interventions sur le terrain, assurait alors Christophe Crépin, délégué syndical Unsa-Police. Justifier chaque contrôle serait vite ingérable. » L’association Open Society Justice Initiative, qui soutient les plaignants, considérait, elle, que « ces réglementations floues et permissives sont la porte ouverte aux contrôles d’identité discriminatoires. » 

Volte-face de François Hollande

La lutte contre les contrôles au faciès était l’engagement n° 30 de François Hollande lors de la campagne présidentielle. Un temps évoqué, la remise d’un récépissé après un contrôle d’identité a finalement été abandonnée courant 2012 par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur. Ce dernier avait jugé la mesure « inapplicable », au grand dam des associations.

Le matricule a cependant fait son retour sur les uniformes – permettant l’identification de chaque agent en cas d’abus. Il est par ailleurs possible pour chaque citoyen de saisir directement l’IGS, la « police des polices » en cas d’abus constaté.

Des contrôles accrus envers les minorités visibles

En France, les personnes perçues comme « noires » et « arabes » sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme « blanches », selon une étude menée en 2009 à Paris par l’ONG Open Society Justice Initiative et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

25/2/15, MARIE BOËTON

Source : La Croix

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