mardi 26 novembre 2024 19:48

L’interdiction du voile intégral entre en vigueur

Chrystelle Khedrouche a anticipé l’entrée en vigueur, aujourd’hui, de la loi interdisant la dissimulation du visage. Elle a enlevé son niqab il y a «une ou deux semaines». «Ça fait bizarre. Ça n’est pas très agréable, mais je commence à m’habituer, dit-elle. Je mets des lunettes de soleil. Ainsi, je me sens quand même un petit peu protégée.» Son voile intégral, cette Française de 37 ans convertie à l’islam le portait depuis treize ans. «Je me sentais très protégée, très bien.» Pour elle, «le voile fait partie de la religion. On sait que les femmes du prophète étaient habillées ainsi, elles étaient intégralement couvertes».Aujourd’hui, cette habitante de la banlieue parisienne ne se cache plus le visage, mais elle porte toujours le foulard.

Rues. Respectueuse de la loi religieuse, Chrystelle Khedrouche veut l’être aussi de celle de la République. «On dit dans notre religion qu’on suit les lois du pays», explique-t-elle. Ni elle ni son conjoint n’ont voulu aller à l’affrontement : «Mon mari m’a dit d’enlever mon voile car ça risquait de l’énerver si la police venait vers moi et que cela nous ramène des problèmes.»

Pour elle, ce niqab n’était pas une prison. Elle travaille comme «coiffeuse à domicile» et mène une vie normale :«Même voilée, on part en vacances», ironise-t-elle.

Dans son quartier, d’autres femmes portaient le voile intégral. D’après elle, «pas mal l’ont enlevé, certaines se tâtent, quelques-unes disent qu’elles ne l’enlèveront pas».

Sur les quelque 2 000 femmes intégralement voilées - selon les chiffres du ministère de l’Intérieur - combien refuseront de se plier à la loi ? A partir de ce matin, la dissimulation du visage dans l’espace public, que ce soit par un voile, une cagoule, un masque, est passible de 150 euros d’amende et/ou d’un stage de citoyenneté. Et la notion d’«espace public» s’entend au sens large : sont concernés les rues, les jardins publics, les gares, les commerces, les transports… à l’exception des véhicules individuels.

Un policier ou un gendarme se trouvant face à une contrevenante n’a «pas le pouvoir de faire ôter le vêtement qui dissimule le visage», a rappelé le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant aux préfets et aux forces de l’ordre. «Dans le cas où une personne refuse de se prêter à un contrôle […], les conséquences de ce refus devront lui être exposées et notamment la possibilité, si elle persiste, de la conduire dans des locaux de police ou de gendarmerie pour y procéder à une vérification d’identité. Il conviendra lors de cette explication, de faire preuve de persuasion, de façon à ne recourir à cette faculté qu’en dernier recours.»

Considérant qu’il s’agit d’une autre manière de stigmatiser l’islam, les musulmans sont largement opposés à cette loi. Le Conseil français du culte musulman également, qui considère toutefois que le voile intégral «correspond à une lecture extrémiste, littéraliste du Coran, pas à une obligation religieuse».

Mandat. Samedi, le Cadut, collectif d’associations islamistes, avait appelé à une manifestation contre la loi sur le voile intégral, malgré l’interdiction de la préfecture de police de Paris. Soixante et une personnes - dont 19 femmes voilées - ont été interpellées «pour contrôles d’identité». L’une d’elles serait Anjem Choudary, figure des milieux islamistes radicaux britanniques et ancien responsable d’Islam4UK, groupe dissous en 2010 en Grande-Bretagne. Interdit de séjour en France, il devait être reconduit au Royaume-Uni. Egalement interpellé, l’islamiste belge Fouad Belkacem, alias «Abu Imran», a été placé en garde à vue. Il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par la justice marocaine, qui l’a condamné à dix ans de prison pour trafic de stupéfiants. En France, ce porte-parole du groupuscule salafiste belge Sharia4Belgium fait l’objet d’une enquête préliminaire pour des propos tenus sur une vidéo diffusée sur YouTube. Par ailleurs, une «prière silencieuse» contre la loi est prévue ce matin sur le parvis de Notre-Dame à Paris.

11/4/2011, CATHERINE COROLLER

Source : Libération

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