jeudi 28 novembre 2024 01:37

La droite française s'expose au piège de la surenchère populiste face à l'extrême droite

Immigration, islam, sécurité: l'opposition de droite en France, tournée vers la reconquête du pouvoir en 2017, s'expose au piège d'une surenchère populiste, dans l'espoir de juguler la poussée de l'extrême droite à deux mois d'importantes élections régionales.

Le parti Les Républicains (LR) de Nicolas Sarkozy a tranché mercredi soir le sort de l'eurodéputée Nadine Morano, ex-thuriféraire de l'ancien président, qui a semé la zizanie dans son camp en clamant fin septembre que la France était un pays "judéo-chrétien de race blanche".

L'ex-chef de l'Etat avait tardé plusieurs jours la semaine dernière avant de condamner ces propos. Il a réclamé en vain mardi soir à son ancien soutien qu'elle exprime "ses regrets".

Mme Morano n'a adressé aucune lettre d'excuses pour ses propos, et a donc finalement été privée d'investiture pour le scrutin régional prévu en décembre, dernier round électoral avant la présidentielle de 2017. Elle sera remplacée par une ex-députée, Valérie Debord.

Pour 60% des Français, les propos tenus par Nadine Morano "sont le signe que la plupart des responsables des Républicains" courent après le Front national (FN), le parti d'extrême droite de Marine Le Pen, selon une enquête publiée vendredi.

De fait, l'"affaire Morano" est le plus récent avatar d'une série de positions prises ces derniers mois par divers élus ou dirigeants LR avec le souci d'empêcher une érosion des électeurs vers le FN, dont le discours anti-immigrés surfe sur les crispations du pays.

"Ils essaient de tenir une ligne de crête et ce n'est pas facile", résume Jérôme Fourquet, de l'Institut de sondages Ifop. "Ca peut être vu sous l'angle de la nécessité de répondre au Front national. Ca peut répondre aussi à un déplacement du centre de gravité de la droite, de l'électorat de droite et plus largement de la société française", analyse-t-il.

Pour le politologue Thomas Guénolé également, "la droite a un problème de positionnement très simple: le discours globalement hostile à l'immigration est celui qui satisfait son électorat le plus disponible au lepénisme. Mais ce faisant, vous tenez un discours qui vous coupe de l'électorat modéré et du centre".

Nicolas Sarkozy a ainsi comparé cet été l'afflux de migrants vers l'Europe à "une canalisation qui se déverse", un ton à peine en dessous de la "submersion" dénoncée par Marine Le Pen. Il a appelé fin septembre à "supprimer la liberté de circuler pour tous les étrangers non communautaires en Europe".

L'ancien président a aussi défendu la suppression contestée de menus sans porc dans les cantines scolaires, décidée au nom de la laïcité par plusieurs communes dirigées par Les Républicains.

'Pas de solution miracle'

L'approche des régionales tend à exacerber la situation.

L'impopularité des socialistes est telle que la droite apparaît assurée de gagner dans deux mois la majorité des régions. Mais le FN pourrait ternir ce succès attendu en emportant une victoire historique dans deux d'entre elles: Nord-Pas-de-Calais-Picardie (nord), où se présente sa présidente, et Provence-Alpes-Côte d'Azur (sud-est).

Dans le Nord, l'adversaire de droite de Marine Le Pen, Xavier Bertrand, fait feu de tout bois pour battre la patronne du FN en portant un discours sécuritaire, appelant à "protéger" les Français de la menace terroriste en menant une "guerre totale contre" les jihadistes de l'Etat islamique (EI).

Son alter ego en Provence-Alpes-Côte d'Azur, le maire de Nice Christian Estrosi, qui a lui-même brandi la menace d'une "cinquième colonne" islamiste en France dans la foulée des attentats de janvier à Paris (17 morts), dénonce désormais le "discours de haine" de l'extrême droite.

"Il n'y a pas de solution miracle entre contrer le FN ou le concurrencer pour ne pas lui laisser d'espace", estime Jérôme Fourquet, en pointant le risque d'"apporter de l'eau au moulin" de l'extrême droite.

A un an de la primaire à droite pour la présidentielle, le dilemme est au coeur des divisions entre Nicolas Sarkozy et son principal rival, l'ancien Premier ministre Alain Juppé.

07 oct. 2015,Bertrand PINON

Source : AFP

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