mardi 26 novembre 2024 19:49

La France veut revoir l'immigration légale à la baisse

Le ministre de l’intérieur, Claude Guéant, envisage une réduction de l’immigration professionnelle et du regroupement familial. Un objectif très contesté, qui ne figurera pas dans le projet de loi Besson, en discussion demain en seconde lecture au Sénat.

Changement de discours au sein du gouvernement. Jusqu’à présent, il n’avait jamais été question de remettre globalement en cause l’accueil des étrangers en France, où plus de 180 000 titres de long séjour sont délivrés chaque année. La loi « immigration », examinée aujourd’hui en seconde lecture au Sénat, s’en tient d’ailleurs à l’intention de durcir la lutte contre l’immigration illégale en intensifiant les mesures d’éloignement.

Le ministre de l’intérieur Claude Guéant a durci le ton et doit fixer cette semaine des objectifs et une méthode de baisse du volume de l’immigration légale. « J’ai demandé que l’on réduise le nombre de personnes admises au titre de l’immigration du travail (20 000 arrivées par an), a-t-il annoncé vendredi. Et nous allons continuer à réduire le nombre d’étrangers venant en France au titre du regroupement familial. »

Le cap établi ne coïncide pourtant pas avec la réalité des chiffres. Certes, l’immigration légale en France était de 188 780 arrivants en 2010, soit 10,6 % de plus que l’année précédente, selon les données fournies par France Terre d’asile.

Marge de manœuvre limitée pour Claude Guéant

Mais c’est avant tout en raison d’un accueil accru du nombre d’étudiants étrangers (65 840 personnes en 2010, 28,5 % de plus qu’en 2009), dont l’attribution de titres de séjours est facilitée. L’immigration familiale, elle, croît de 4 % (81 100 personnes), tandis que l’immigration professionnelle reste stable (31 500), tout comme le statut de demandeurs l’asile (10 340).

Claude Guéant ne dispose en réalité que d’une marge de manœuvre limitée pour rendre concrète son annonce. « Impossible d’intégrer ces objectifs sur le tard au projet de loi Besson, affirme François-Noël Buffet, sénateur du Rhône et rapporteur du texte. Après plusieurs navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat, sans réel contrôle parlementaire, ce serait inconstitutionnel », souligne-t-il. Le ministre devrait donc agir par circulaire ou par décret.

Le regroupement familial en France, déjà très restrictif, n’est possible pour un étranger que s’il peut justifier de dix-huit mois de travail et s’il dispose de conditions de ressources et de logement adéquates. En 2010, il a concerné 7 000 enfants et 7 000 adultes.
Reste la possibilité de restreindre l’accueil des conjoints de Français, qui concernait environ 50 000 personnes l’an dernier. « À l’heure de la mondialisation, cela n’aurait aucun sens de mettre en cause le droit des Français à avoir une vie familiale normale », estime le directeur général de France Terre d’asile, Pierre Henry.

Critiques au sein même du gouvernement

Concernant l’immigration professionnelle, Claude Guéant est confronté à des critiques au sein même du gouvernement. « Dans le long terme, on aura besoin de main-d’œuvre, et d’effectifs salariés formés », a estimé jeudi 7 avril la ministre de l’économie, Christine Lagarde. Par ailleurs, la présidente du Medef, Laurence Parisot, met en garde contre les dangers « d’un pays qui se ferme », tout en plaidant pour une immigration « raisonnable ».

Selon les projections de l’Insee, la France ne pourra préserver sa population active sans conserver d’ici à 2050 l’actuel flux net de 100 000 immigrés par an. « Si ce flux baisse à 50 000, le nombre total de travailleurs sera en baisse, ce qui compliquera notamment le financement des retraites », explique Lionel Ragot, économiste spécialisé dans les transitions démographiques.
À l’inverse, Xavier Bertrand, ministre du travail a abondé dans le sens du ministre de l’intérieur. « Je pense qu’on peut réduire l’immigration du travail », a-t-il déclaré, soulignant que la « nécessité première était de donner davantage de travail aux demandeurs d’emploi ».

La mise en œuvre de ces objectifs risque de rencontrer quelques complications d’ordre diplomatique. Limiter la venue de travailleurs étrangers implique, en effet, de revoir les accords bilatéraux entre la France et nombre d’États sur l’immigration.
11/4/2011, JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS

Source : La Croix

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