mercredi 27 novembre 2024 15:44

La gauche française partagée sur l'immigration

Pour son discours du Bourget, François Hollande avait demandé à ses plumes une formulation équilibrée pour évoquer à la fois la lutte contre l'immigration clandestine et un effort pour l'intégration

La Fondation Jean-Jaurès a publié, le 5 avril, une étude passionnante qui montre à quel point l'électorat de gauche se divise sur la question des immigrés.

C'est un moment médiatique marquant de la campagne. Sur France 2, le 7 mars, François Hollande est interrogé sur l'affirmation de Nicolas Sarkozy selon laquelle "il y a trop d'étrangers sur notre territoire". La question lui est posée à trois reprises. Et, à trois reprises, le candidat socialiste évite de répondre. De son côté, le chef de l'Etat ne reste ni silencieux ni inerte: il a empêché - pour emplir sa besace en vue de la bataille présidentielle - la droite sénatoriale de retarder l'adoption, au Sénat, du droit de vote des étrangers aux élections locales; il fait du mot "frontière" l'une des clefs de ses discours (voir L'Express du 21 mars 2012); il hisse la réduction du nombre d'immigrés accueillis en France au rang de priorité de son programme.

Que signifie "être de gauche" face aux questions d'immigration? Une étude passionnante de la fondation Jean-Jaurès, initiée par Gilles Finchelstein, apporte des éléments de réponse et explique, du coup, pourquoi François Hollande se comporte ainsi lorsqu'il est à la télévision.

La méthode est originale: un sondage délibératif (chacun est invité à participer à un forum sur Internet pendant deux semaines), réalisé en novembre 2011, auprès de 266 personnes ayant voté, au moins une fois, pour la gauche. "L'"impensé" a longtemps perduré, sur un terrain miné par les représentants d'une droite qui se radicalise", relève Ivoa Alavoine, avocat à la cour d'appel de Paris, qui a rédigé la note de synthèse.

Trouver la bonne formule

La synthèse, précisément, l'électorat de gauche peine à la réaliser, tant il est divisé en deux sensibilités numériquement quasi égales: les "ouverts", pour qui l'immigration est créatrice de richesse et constitue, donc, un besoin pour la France ; et les "ouverts/fermés", qui, tout en étant d'accord avec ces deux assertions, estiment qu'il faut réduire l'immigration.

Les premiers évoquent des positions de principe, qui ont tendance à braquer les seconds, lesquels privilégient une approche pragmatique. "La terminologie généreuse de la gauche non seulement ne convainc pas les "ouverts/fermés", mais elle a tendance à les repousser", pointe Ivoa Alavoine.

Comment sortir du piège? L'étude observe que "les personnes interrogées ont spontanément exprimé des positions extrêmes, voire extrêmement dures. Mais dès qu'un effort [de pédagogie] a été proposé, le débat s'est pacifié" - pas tout à fait le propre d'une campagne électorale.

Comment lutter contre le communautarisme

Autre préconisation, dès lors que les propositions concrètes se révèlent plus consensuelles que les expressions: faciliter une "immigration réussie", quitte à en réduire le nombre. Ce qui passe par l'application à l'ensemble de la population de droits et de devoirs, à commencer par la pratique de la langue française.

D'autres pistes sont évoquées: "admettre qu'une régulation de l'immigration du travail est aujourd'hui nécessaire (sans toutefois préjuger de l'avenir)" - au-delà des artifices oratoires du candidat UMP, une proposition de fond proche de celle de Nicolas Sarkozy; lutter contre le communautarisme, devenu une vraie inquiétude chez les "ouverts/fermés".

Pour son discours fondateur du Bourget, François Hollande avait demandé à ses plumes une formulation équilibrée pour évoquer à la fois la lutte contre l'immigration clandestine et un effort pour l'intégration. Celle-ci, élevée au rang de "défi" dans son discours d'Aurillac, le 22 mars, fait désormais l'objet de propos plus précis de la part du candidat. "Il s'empare réellement du sujet, de la cohésion nationale et, en réalité, de l'image que la France a d'elle-même, ce qui constitue le substrat tacite de la question de l'immigration, s'agissant du moins de la façon dont les discours politiques l'"exploitent"", constate Ivoa Alavoine.

08/04/2012 ? Eric Mandonnet,

Source : L’Express/REUTER (/Benoit Tessier)

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