Près de 1.500 réfugiés et migrants entrés illégalement lundi en Macédoine ont été refoulés mardi en Grèce par les autorités, alors que les Européens peinent à s'accorder sur une solution à l'avant-veille de l'ouverture d'un nouveau sommet avec la Turquie.
Le blocage de la frontière macédonienne, par laquelle les migrants ne transitent plus qu'au compte-goutte, provoque une crise humanitaire considérable aggravée par un climat défavorable.
Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a appelé mardi les migrants à se rendre dans les centres d'accueil mis en place par les autorités et à ne pas tenter de rejoindre la "route des Balkans" qui n'a, selon lui, aucune chance de rouvrir.
"Les initiatives unilatérales des pays sur la route des Balkans n'ont pas été prises par hasard et nous ne pensons pas qu'il y ait une chance que ceux qui ont fermé cette route la rouvrent", a-t-il déclaré.
Les migrants refoulés par la Macédoine avaient marché pendant plusieurs heures la veille le long de chemins boueux et avaient dû franchir une rivière dont les eaux avaient été grossies par les pluies dans l'espoir de contourner la barrière que les autorités macédoniennes ont érigée à la frontière.
Mais ils ont été interpellés par les forces de sécurité. Une groupe d'une trentaine de journalistes a également été détenu.
Un photographe de Reuters a rapporté qu'un groupe de 600 migrants supplémentaires avait été empêché de pénétrer en Macédoine lundi soir et que nombre d'entre eux ont passé la nuit dans une région montagneuse de Grèce.
TUSK MARDI A ANKARA
Jan van't Land, membre de Médecins sans Frontières (MSF) à Idomeni, a indiqué qu'environ 400 migrants étaient revenus au camp de fortune installé dans cette localité située du côté grec de la frontière. "Il y a encore des centaines de personnes des deux côtés de la frontière", a-t-il dit.
Au moins 12.000 personnes, dont des milliers d'enfants, sont massés au camp d'Idomeni dans des conditions déplorables aggravées par le temps pluvieux.
Les bagarres se multiplient ces derniers jours entre réfugiés exténués qui se battent pour de la nourriture ou du bois. Beaucoup dorment à la belle étoile et les organisations humanitaires craignent la propagation d'épidémies après l'apparition d'un cas d'hépatite A.
Parallèlement, le président du Conseil européen s'efforce de préparer le sommet prévu jeudi et vendredi à Bruxelles en présence de représentants turcs. Après une escale à Chypre, Donald Tusk doit se rendre à Ankara pour s'entretenir avec le gouvernement turc du projet d'accord mis sur la table la semaine dernière.
Ce projet prévoit un doublement de l'aide de l'UE qui pourrait atteindre six milliards d'euros, une libéralisation de l'octroi de visas pour les citoyens turcs et l'accélération du processus d'adhésion de la Turquie à l'espace communautaire en contrepartie de la contribution de la Turquie à la résolution de la crise migratoire.
Il prévoit aussi le retour en Turquie de toutes les personnes arrivant illégalement sur les îles grecques de la mer Egée selon le principe du "un pour un": pour chaque Syrien ainsi reconduit en Turquie depuis la Grèce, un autre Syrien réfugié en Turquie serait accueilli dans un Etat membre de l'Union européenne.
Donald Tusk a reconnu devant la presse que ce projet d'accord soulevait un certain nombre de problèmes juridiques et qu'il devra être "rééquilibré" pour être approuvé par les 28 Etats de l'Union.
RESERVES
A Bruxelles, la Commission européenne a décidé de reporter sa prise de décision sur la réforme du système d'asile européen.
Les commissaires débattront de ces sujets, a dit une porte-parole de l'exécutif communautaire, mais aucune décision ne sera annoncée avant le 6 avril, y compris sur le dossier d'une réforme du mécanisme dit de "Dublin" qui prévoit que le premier pays d'arrivée sur le territoire communautaire soit chargé d'examiner les demandes d'asile.
Ce mutisme de la Commission s'explique par les demandes adressées à son président, Jean-Claude Juncker, par des diplomates et des responsables européens soucieux d'éviter de tendre les relations entre les capitales du bloc avant la conclusion d'un accord avec la Turquie.
Plusieurs responsables européens et des Nations unies ont d'ailleurs émis des réserves sur la légalité du projet d'accord. Plusieurs pays, dont la France, ont des doutes sur la question de la levée des visas pour les Turcs à destination de l'Europe alors qu'Ankara ne remplit pas les 72 critères prévus.
La Commission s'apprête pour sa part à suggérer une voie plus souple en proposant que la libéralisation des visas soit accordée à Ankara si la Turquie respecte une "masse critique" de conditions juridiques, et non plus ces 72 critères, selon un responsable européen qui participe à l'élaboration du plan que l'exécutif communautaire doit publier mercredi.
Mardi, Donald Tusk a également entendu le président chypriote Nicos Anastasiades le prévenir que Nicosie n'accepterait pas l'ouverture de nouveaux chapitres de négociation avec la Turquie tant que cette dernière ne reconnaîtrait pas la souveraineté de la République chypriote et qu'elle n'ouvrirait pas ses ports au trafic maritime chypriote.
15 mars 2016,Ognen Teofilovski et Michele Kambas
Source : Reuters