mercredi 27 novembre 2024 08:37

La visite catalane sous le prisme des Marocains résidant à l’étranger

La visite du président du gouvernement catalan, Artur Mas, a laissé un goût amer chez la communauté marocaine établie dans l’une des plus riches régions autonomes de l’Espagne. Le rapprochement entre le Maroc et la région, qui abrite une grande partie des Marocains installés en Espagne, a été considéré comme une occasion (ratée) pour redorer l’image des résidents nationaux auprès de la société d’accueil catalane. En se déplaçant au Maroc, Artur Mas est venu lancer une grande offensive à caractère économique et commercial sous nos cieux, pour le plus grand bonheur des entreprises de sa région. Son économie mise à mal, comme celle du reste du pays d’ailleurs, la Catalogne cherche à asseoir une présence, qui fait son petit bonhomme de chemin. De fait, la région exporte au Maroc une valeur de 670 millions d’euros chaque année, ce qui représente 20% des exportations espagnoles au royaume. C’est aussi le premier partenaire économique du Maroc en Espagne.
Dans ce contexte, le grand chantier à ciel ouvert qu’est devenu le Maroc attise les convoitises des régions espagnoles. De surcroît, le marché marocain des appels d’offres publics séduit les entreprises de tous genres. C'est ce qui explique d’ailleurs ce ballet incessant de missions économiques entre la péninsule ibérique et le Maroc. Dans ce climat de concurrence féroce, les entreprises catalanes veulent leur part du gâteau. Pour Houari El Jeffali, acteur associatif en Catalogne et affilié au parti du président Artur Mas (CIU), «toute visite est la bienvenue, car elle permet d’établir des contacts et de promouvoir de nouvelles dynamiques entre les deux régions». Seulement, ce militant associatif considère qu’il n’y a aucun mal à aborder des sujets pouvant avoir des répercussions positives sur le quotidien des Marocains établis dans cette région, même si la visite est purement à caractère économique. «Certes, les Marocains souffrent autant que les nationaux des retombées de la crise. Cependant, je relève une certaine hypocrisie politicienne dans la démarche. D’une part, le tissu économique du Maroc les intéresse et en même temps, les citoyens de ce pays qu’il courtise tant, sont les souffre-douleur de la société catalane», s’indigne El Jeffali. En effet, les Marocains sont la cible des organisations à relents racistes dans la région d'Artur Mas.
Les campagnes xénophobes contre les immigrés en général et les Marocains en particulier sont légion dans cette partie de l’Espagne. Cela a amené plusieurs associations luttant contre la discrimination à lancer des appels où ils mettent en garde contre la montée en puissance du discours anti-immigration. Le président catalan en est conscient, puisqu’il a appelé, lors de son séjour au Maroc, la société marocaine «à s’impliquer davantage dans le tissu associatif catalan». De plus, Mas s’est engagé auprès de ses hôtes, à n’épargner aucun effort pour que «l’intégration des Marocains soit positive, respectueuse et enrichissante». Pour cet autre Marocain basé à Barcelone, Mas ferait mieux d’adresser ce message à ces associations ayant pignon sur rue et qui sèment la haine dans la société catalane, mettant tous les maux de la société sur le dos de l’immigré, le Marocain plus précisément. «J’aurais aimé que ce conseiller catalan qui a taxé les Marocains de fraudeurs nous dise ce qu’il pense du Maroc et des Marocains après cette visite dans le royaume», relève El Jeffali, excédé du double discours des dirigeants espagnols. De plus, les acteurs associatifs estiment qu'une part de responsabilité incombe au gouvernement marocain. Vu l’intérêt que représentent les atouts économiques du royaume pour plusieurs prétendants espagnols, l’équipe gouvernementale de Benkirane aurait pu tirer profit de cette situation de choix pour revaloriser ses citoyens dans le pays d’accueil et décrocher quelques promesses de la part des dirigeants catalans. Hélas, les MRE n’ont jamais figuré dans les priorités de l’agenda des gouvernements marocains, constatent-ils avec amertume.

7/3/2012, Amal Baba Ali
Source: Les Echos

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