vendredi 29 novembre 2024 02:58

Le bilan contrasté de l'intégration des immigrés en France

S'il n'y avait qu'un mot à retenir de l'étude de l'Insee intitulée "Immigrés et descendants d'immigrés en France" et publiée mercredi 10 octobre, ce serait "diversité". C'est en tout cas l'analyse qu'en fait Fabrice Lenglart, directeur des statistiques démographiques et sociales à l'Insee. Diversité des origines bien sûr, mais diversité aussi des caractéristiques sociales et donc des parcours des immigrés et des enfants d'immigrés en France.

L'étude souligne toutefois certaines grandes tendances. Ainsi, explique M. Lenglart : "La situation des descendants d'immigrés est meilleure que celle des immigrés. Preuve que l'ascenseur social fonctionne, même s'il faut nuancer. En particulier, les descendants d'immigrés venus d'Afrique rencontrent des difficultés particulières dans l'accès à l'emploi, qui ne s'expliquent pas uniquement par des facteurs sociaux (moindre réussite scolaire, parents de milieu plus modeste)." Il ajoute, toujours pour relativiser la portée de ce constat, que "la situation des descendants d'immigrés reste moins bonne que celle des personnes dont les deux parents sont nés en France".

Une scolarité plus difficile que les enfants nés en France de parents Français

Pour analyser le parcours scolaire des enfants d'immigrés, les chercheurs de l'Insee (deux sociologues et un démographe) ont étudié le parcours de personnes âgées de 20 à 35 ans en 2008, d'origine immigrée ou pas, qui ont effectué une partie de leur scolarité en France. Ils se sont attachés à deux indicateurs, l'absence de diplôme au-delà du brevet et l'obtention du baccalauréat.

Il apparaît d'abord que cette réussite varie selon le pays de naissance des parents. Toutefois, notent les chercheurs, les caractéristiques socio-démographiques et familiales viennent estomper ces différences.

Premier fait saillant mis en avant dans l'étude : les enfants d'immigrés sont plus souvent sans diplôme que les enfants nés de parents français. Ainsi, détaille l'étude, 18 % de ces derniers sont au plus titulaires du brevet des collèges, contre 11 % pour les autres. Dans le détail, cet état de fait concerne 32 % des enfants d'immigrés turcs (le pourcentage le plus élevé), alors qu'il est deux à trois fois plus faible pour les enfants d'immigrés européens et d'Asie du Sud-Est. En outre, observent les chercheurs, il existe des disparités de réussites scolaires en faveur des femmes chez les enfants d'immigrés.

Des résultats que l'institut statistique pondère fortement avec de nombreux facteurs "susceptibles de peser sur les destinées scolaires", comme l'âge d'arrivée en France (pour les enfants d'immigrés qui n'y sont pas nés), le capital scolaire des parents ou encore la taille et la structure de la famille (importance de la fratrie, incidence d'une structure monoparentale).

Si ces facteurs "réduisent fortement les effets liés à l'origine géographique", il ne les éliminent pas complètement. Ainsi, à caractéristiques sociales et familiales semblables, les enfants d'immigrés turcs et algériens restent plus souvent non diplômés.

Les résultats de l'étude indiquent ensuite, encore une fois, que l'origine migratoire influe sur la probabilité d'obtenir le baccalauréat. Ainsi la part des bacheliers peut atteindre 80 % lorsque les jeunes ont des parents en provenance des pays de l'Union européenne, à l'exception de l'Espagne, de l'Italie et du Portugal. Par ailleurs, alors que les fils et filles de l'immigration du Sud-Est asiatique sont en situation de sur-réussite, les enfants de l'immigration turques sont eux en sous-réussite.

Des différences qui diminuent avec la prise en compte des caractéristiques socio-démographiques. Au final, écrivent les chercheurs, "ces résultats montrent que l'accès au baccalauréat dans le système éducatif français reste étroitement dépendant des héritages sociaux et scolaires et que les différences de réussite scolaire entre les origines migratoires sont le plus souvent consubstantielles aux caractéristiques sociales et familiales auxquelles les origines en question sont associées".

Un accès plus difficile sur le marché de l'emploi

Nul ne l'ignore : les personnes "issues de la diversité" ont un accès plus incertain au marché du travail. Selon sa place sur l'échiquier politique, cette difficulté est soit une cause, soit une conséquence du manque d'intégration des populations immigrées et de leurs descendants.

Mais ce constat, pour exact qu'il soit, masque de profondes disparités entre, d'une part, les immigrés et leurs descendants ; et d'autre part entre les origines géographiques des immigrés, rapporte l'étude de l'Insee, en se fondant sur les chiffres du chômage de l'année 2009.

Globalement, le taux de chômage s'élevait à 16 % pour les immigrés, alors qu'il n'était que de 9 % pour les non-immigrés, pour 2009, année de référence de l'étude. Mais, si l'on ne considère que les immigrés venus de pays de l'Union européenne et leurs descendants, le taux de chômage chute à, respectivement, 8 % et 9 %.

Hors Union européenne, le taux de chômage des immigrés varie fortement en fonction du pays d'origine, de 18 % pour les immigrés venus d'Afrique (hors Maghreb) à 26 % pour ceux venus de Turquie. Pour leurs enfants, le schéma est un peu différent : le taux de chômage culmine pour les descendants d'immigrés d'Afrique, Maghreb inclus.

Sans surprise, ce sont les plus jeunes qui pâtissent le plus du chômage, et les hommes davantage que les femmes. Entre 15 et 24 ans, 44 % des hommes et 34 % des femmes descendants d'immigrés hors UE sont au chômage, contre 19 % et 22 % pour les populations non-immigrées.

Des conditions d'activités fluctuantes pour les signataires du Contrat d'accueil et d'intégration

Les équipes de l'Insee ont par ailleurs esquissé un premier bilan du Contrat d'accueil et d'intégration (CAI), un dispositif généralisé en 2007 et qui organise les engagements réciproques d'un immigré arrivé légalement en France avec l'état. Ceux-ci prennent plusieurs formes, de l'instruction civique à l'apprentissage du français, et sont censés favoriser l'intégration et l'accès au monde du travail. Plusieurs phénomènes sont mis en exergue par les chercheurs Florent Domergue et Virginie Jourdan.

D'abord, notent-ils, l'arrivée en France est marquée par un chômage important, mais celui-ci a tendance à se résorber avec le temps. Ainsi quand on compare leur taux de chômage avant qu'ils n'aient migré et celui du moment où ils arrivent, celui-ci augmente, passant de 8 à 33 % la première année, avant de diminuer.

Par ailleurs, si les hommes se portent très vite sur le marché du travail, c'est plus long pour les femmes qui sont, pour partie, d'abord femmes au foyer à leur arrivée. Alors qu'elles apparaissent plus diplômées que les hommes, elles ont plus de mal à trouver un emploi. 

Toutefois, plus que les diplômes, il apparaît que les facteurs déterminants dans l'accès à l'emploi sont l'ancienneté de présence sur le sol français et, ce qui est lié, la connaissance de la langue.

12.10.2012, Jonathan Parienté et Simon Piel

Source : Le Monde.fr

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