Le groupe de travail sur la place des femmes s’est réuni à nouveau le 5 mars, rédigeant cette fois une « Déclaration à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes ».
Élections au Conseil francais du culte musulman (CFCM) et à ses instances regionales, les conseils regionaux du culte musulman - Gymnase Michel Leconte (Paris, 3e arrondissement ). / Alain PINOGES/CIRIC
Adjointe au maire de Châlons-en-Champagne (Marne) et membre du conseil d’administration du CRCM de Champagne-Ardennes, Fatima Djemaï a participé samedi 5 mars à la réunion du groupe de travail « Femmes » du Conseil français du culte musulman. « Pour moi, c’était une première : j’ai rencontré des femmes certaines très modernes, d’autres portant le foulard, mais toutes très engagées et désireuses de prendre toute leur place dans la communauté. A la mosquée, les femmes ne sont pas là que pour servir le thé ! »
La constitution de plusieurs groupes de travail - « jeunes », « femmes » et « convertis » - était une promesse d’Anouar Kbibech lorsqu’il a pris la présidence de l’instance représentative du culte musulman. Celui sur la place des femmes s’était réuni une première fois le 16 janvier, plus à nouveau le 5 mars, rédigeant cette fois une « Déclaration à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes », dans laquelle le CFCM s’engage à « œuvrer à l’émancipation et au développement du rôle des femmes dans la société française ».
Sans réserve, ni contrainte
La déclaration rappelle que « dès l’avènement de l’islam, les femmes ont acquis et mérité une personnalité juridique entière et que le saint Coran, message de sagesse et d’équité, confère une égalité totale aux femmes et aux hommes ».
Elle souligne aussi « que la femme musulmane jouit d’un rôle primordial dans la société, qu’elle doit assumer ce rôle, sans réserve, ni contrainte », y compris « sur le plan professionnel ».
« Malheureusement, dans de nombreux cas, ces principes d’égalité et d’équité ne sont pas respectés par des hommes qui continuent parfois à imposer leur point de vue. Il convient donc de continuer à mener un travail de pédagogie et d’éducation pour que les femmes musulmanes ne soient plus l’objet de discriminations ni de soumission », déclarent la vingtaine de signataires, parmi lesquelles Samia Ben Achouba, aumônier régional en prison, Fatima Orsatelli, élue au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur et membre du CRCM, ou encore Radia Bakkouch, la jeune présidente de Coexister.
Redorer son blason
L’initiative est diversement reçue au sein de la communauté. Certains voient là une tentative du CFCM - déjà concurrencé par la nouvelle « instance de dialogue avec le culte musulman » mise en place par le gouvernement - de redorer son blason.
D’autant qu’en raison de son mode d’élection et de ses statuts, « la suprématie masculine au sein de l’instance ne risque pas de changer de sitôt », rappelle Huê Trinh Nguyên, rédactrice en chef de Salamnews.
De son côté, Fatima Djemaï, dont c’était la première participation, attend de voir. A ses yeux, l’initiative est déjà « symbolique » : « Il faut encourager les femmes à sortir de l’ombre, bousculer les habitudes », lance cette militante associative de longue date et désormais élue au conseil municipal de sa ville, mère de quatre enfants, qui se décrit comme « une citoyenne française de confession musulmane », aimant aussi « la danse, aller au théâtre ou boire un verre à la terrasse d’un café ».
« Djihad de la femme »
Samedi, lors de la réunion elle a donc « remercié le président du CFCM de nous avoir ouvert la porte ». « J’ai dit aussi que c’était maintenant à nous de lancer ce que j’ai appelé le ’djihad de la femme’ contre ces hommes imbus d’eux-mêmes, qui interdisent tout ou qui imposent aux femmes de se voiler pour qu’on ne les voie pas », lance-t-elle, évoquant le souvenir douloureux de l’inhumation de son père, lorsqu’un fidèle présent avait voulu lui interdire l’accès au cimetière...
« A ceux qui refusent de me serrer la main, je rappelle que c’est une femme, Aïcha, qui a achevé l’écriture du Coran. Je leur demande s’ils y pensent quand ils en tournent les pages... »
08/03/2016, Anne-Bénédicte Hoffner
Source : La Croix