mercredi 27 novembre 2024 09:46

Le nouveau gouvernement danois assouplit la politique d'immigration

Stockholm Correspondance - Le nouveau gouvernement danois, dirigé par la sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt et issu, lundi 3 octobre, de la victoire de la gauche aux élections législatives du 15 septembre, commence à prendre des premières décisions qui vont dans le même sens : celui d'un assouplissement de la politique d'immigration. Il s'agit d'un changement radical, car pendant dix années d'exercice du pouvoir par la droite, soutenue par l'extrême droite et parfois par les sociaux-démocrates, le Danemark a adopté les règles les plus strictes de l'Union européenne.

"Auparavant, les étrangers étaient vus comme une menace et les fonctionnaires étaient entraînés à refuser les demandes de permis de séjour, explique au Monde Liv Holm Andersen, porte-parole sur l'intégration du Parti radical, l'un des deux petits partis de la nouvelle majorité de gauche qui a imposé cette nouvelle orientation. Il ne s'agit pas d'ouvrir les frontières en grand, mais désormais, tout va changer. L'époque où l'extrême droite imposait le ton du débat dans ce pays est révolue."

Parmi les mesures prises ces derniers jours, certaines ont valeur de symbole. C'est le cas de la suppression du ministère de l'immigration, dont les fonctionnaires seront répartis entre ceux de la justice et des affaires sociales, de la simplification et de la transparence des critères pour la demande de permis de séjour, de citoyenneté et de regroupement familial, de l'abandon du rétablissement des contrôles aux frontières, tel qu'il avait été imposé ce printemps par l'extrême droite.

Le système de permis à points pour le regroupement familial, qui excluait les gens sans formation supérieure et, de facto, de nombreux étrangers de pays ciblés, est supprimé. C'est ce texte qui avait commencé à faire basculer l'opinion et le Parti social-démocrate l'an dernier. Autres décisions à forte valeur symbolique, l'abrogation du terme de "ghettos", lancé officiellement pour traiter en priorité certains quartiers difficiles, et la nomination au poste de ministre de l'égalité, des cultes et des affaires nordiques d'un ministre radical d'origine indienne.

"Le monopole de DF (le Parti du peuple danois, extrême droite) est terminé, se félicite Bashy Quraishy, un vétéran de la lutte antiraciste au Danemark. C'est un grand jour pour les étrangers et pour les Danois progressistes, car DF a tenu le gouvernement en otage pendant dix ans. Même les deux partis de l'ancien gouvernement, les libéraux et les conservateurs, prennent désormais leurs distances vis-à-vis de l'extrême droite. C'est très positif." Seul l'ancien ministre libéral de l'immigration, Soren Pind, s'est fendu d'un commentaire cinglant, déclarant que la nouvelle politique signifiait "l'ouverture des frontières et des caisses".

"Nous avions vraiment besoin de changement. Nous ne pouvions plus continuer dans cette rhétorique allant toujours vers plus de restrictions, estime Yildiz Akdogan, ancienne députée sociale-démocrate d'origine turque qui, lorsqu'elle était au Parlement jusqu'à cet automne, était l'une des rares à critiquer les décisions de son parti. Il était parfois très dur pour moi de défendre cette politique que je trouvais souvent stupide."

Ce changement de politique ne s'est effectué que sous la pression des deux petits alliés, l'un au centre et l'autre à l'extrême gauche, qui ont tous deux affiché les plus fortes progressions aux élections législatives et dont le soutien est indispensable pour former une majorité de gauche. "Nous allons revenir à un traitement raisonnable de ces questions, note Jacob Bjerregaard, porte-parole des sociaux-démocrates sur les questions d'immigration et d'intégration. La politique sera plus juste et équilibrée mais nous maintiendrons la règle des 24 ans (le mariage avec un étranger est impossible si l'un des conjoints a moins de 24 ans) qui a empêché beaucoup de mariages forcés."

Le Parti social-démocrate, suivi plus tard par le Parti socialiste populaire, avait cédé à cette surenchère stigmatisant les étrangers par peur d'être jugés mous par l'électorat. Bon nombre des lois sur l'immigration ont ainsi été votées par les sociaux-démocrates. C'est la conséquence du débat qui a divisé le Parti social-démocrate alors au pouvoir durant les années 1990, lorsque les édiles de cette sensibilité politique des banlieues de Copenhague réclamaient des réactions au fur et à mesure que l'immigration grossissait et que l'extrême droite ponctionnait leurs électeurs.

Cette frange du parti l'a emporté à partir des années 2000. "Depuis quelques jours, c'est à nouveau plus facile d'être social-démocrate au Danemark", avoue, soulagé, un proche du nouveau gouvernement.

11.10.11 , Olivier Truc

SOURCE : Le Monde

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