Le Parlement belge représenté par les présidents de ses deux Chambres a rendu, vendredi, un hommage appuyé aux Marocains de Belgique, à l'occasion de la commémoration de 50 ans de l'immigration marocaine, un évènement qui célèbre tout au long de cette année une Belgique riche de sa diversité.
Lors d'une séance académique dans l'enceinte du Parlement belge à laquelle ont pris part plusieurs députés et sénateurs issus de l'immigration marocaine, le président de la Chambre des représentants, André Flahaut, a indiqué que la communauté marocaine, la plus importante communauté d'origine non européenne en Belgique, a façonné et marqué de son empreinte l'histoire de la Belgique.
La première génération, arrivée en Belgique dans les années soixante avec la signature par le Maroc et la Belgique d'une convention relative à l'occupation des travailleurs marocains, s'est totalement investie dans le travail pour soutenir la croissance économique du pays, a-t-il dit, relevant que les générations suivantes et les jeunes d'aujourd'hui souhaitent élargir le spectre de leur présence en Belgique et cherchent un plus juste équilibre entre leurs pays d'adoption ou de naissance et celui de leurs racines familiales.
Il a relevé qu'avec l'arrivée des tout premiers travailleurs marocains en Belgique, beaucoup aussi bien parmi les Belges que les Marocains ont cru qu'il y avait deux mondes inconciliables, hormis par le travail, mais cinquante années ont passé et "nous avons compris que nous étions d'une même humanité".
Aujourd'hui, a souligné M. Flahaut, "la raison et l'honnêteté intellectuelle nous permettent d'affirmer que l'immigré marocain des années soixante est devenu un citoyen à part entière. Sa position sociale est équivalente à celle des nationaux. Il participe à toutes les activités de la société, en ce y compris au sein de l'Etat et s'exprime au travers de productions culturelles, cinématographiques et littéraires".
M. Flahaut a toutefois noté que les réflexions qu'a suscitées et suscite encore le phénomène de l'immigration n'étaient soulevées par personne en 1964. Ni la Belgique, ni le Maroc et avant lui l'Italie ou la Pologne n'avaient intégré d'autres éléments que les nécessités économiques du temps.
En Belgique on ne s'interrogeait pas sur une éventuelle politique d'accueil, ni sur le scolaire, ni sur le logement et encore moins sur le culturel, mais au fil des ans, un nouveau vocabulaire à fait place à l'ignorance, à l'indifférence, les priorités ont tourné le dos à l'économique, l'administratif s'est intéressé aux mouvements migratoires, le législatif s'est affiné, le social s'est affirmé, le culturel s'est immiscé et les religions se sont débrouillées, a-t-il fait observer.
M. Flahaut a également tenu à rendre hommage à cette occasion aux soldats marocains tombés lors de la bataille de Chastre-Gembloux en 1940 en défendant la Belgique, notant que depuis plus de 15 ans, il œuvre pour sortir cette bataille de l'oubli en rendant un hommage solennel chaque année à ces "immigrés malgré eux", tragiquement disparus pour la libération de la Belgique et de l'Europe du joug nazi et fasciste.
Et de relever que la commémoration des 50 ans de l'immigration marocaine en Belgique comme celle de la bataille de Gembloux ou autre, ne peut être résumée en un simple discours écouté distraitement ou d'une minute de silence écourtée, mais doit être une occasion de réflexion sur la violence, qu'elle soit guerrière ou pas, sur les valeurs de tolérance mais aussi et surtout sur la multiculturalité de l'humanité en temps de guerre comme en temps de paix.
Un avis que partage complètement la présidente du Sénat, Sabine de Bethune, qui a affirmé que les 50 ans de la présence marocaine en Belgique est une occasion de poser un juste regard sur les 50 dernières années et l'immigration depuis le Maroc, qui a tellement coloré l'histoire de notre pays, mais aussi de la commémorer et de la célébrer.
Cette commémoration est aussi une manière de se pencher sur les difficultés que rencontrent les Belges d'origine étrangère, de mener la réflexion sur les politiques d'intégration et d'aborder les questions de l'interculturalité et de la citoyenneté.
Durant ces cinquante années, a-t-elle dit, la Belgique n'est plus du tout celle qu'elle était en 1964. Sa population elle-même a changé en profondeur et elle est aujourd'hui incontestablement une société hétérogène dans la mesure où environ 10 pc des personnes qui y résident sont de nationalité étrangère et plus de 20 pc des citoyens belges sont issus de l'immigration.
Elle a indiqué qu'après un demi-siècle de présence en Belgique, les premiers immigrés marocains et leurs descendants sont devenus des concitoyens à part entière et ont trouvé leur place dans tous les segments de la société belge.
Pour elle, cela témoigne du grand dynamisme qui anime la communauté marocaine, mais ne peut aucunement occulter les problèmes qui subsistent, notamment les discriminations à l'égard des compatriotes d'origine étrangères.
Dans ce contexte, la présidente du Sénat a regretté le fait que l'interculturalité n'est pas encore acceptée par tous comme étant une réalité et que les plusieurs années de sensibilisation et de projets politiques spécifiques n'auront malheureusement pas donné les résultats escomptés.
Mais en dépit de ces problèmes, Mme De Bethune s'est dite optimiste quant à l'avenir de la Belgique, notant que les immigrés et leurs enfants sont un énorme atout et que l'immigration, marocaine notamment, continuera à jouer un rôle essentiel dans la société belge au cours des 50 prochaines années.
15 févr. 2014
Source : MAP