vendredi 29 novembre 2024 04:30

Les diasporas courtisées par le sud

"Le déficit commercial du sud vers le nord de la Méditerranée s'élève à 40 mrds $ par an. Il faut donc le compenser avec trois flux financiers : les achats de service et notamment le tourisme, les IDE (investissements directs de l'étranger) et les transferts financiers de migrants. Ce dernier point étant le plus important" souligne Henry Marty-Gauquié, directeur et représentant du groupe Banque européenne d'investissement à Paris. "Les transferts des diasporas implantées notamment en Europe, de l'ordre de 15 à 18 mrds $ par an,  constituent des flux financiers vitaux pour les pays du sud. Ils représentent entre 20 et 25% de l'épargne local" poursuit-il tout en reconnaissant, qu'à cause d'un taux de 30% de transferts informels, il reste difficile d'évaluer ces sommes avec précision.

Sur ces 15 à 18 mrds $ annuels, moins de 10% se portent sur des investissements, particulièrement sur de l'immobilier (logement). À trois exceptions près : L’Égypte (13%), le Maroc (15%) et la Tunisie (18%). "Depuis 2005/2006, ces investissements concernent principalement l'immobilier familial et de loisir, mais aussi la création d'entreprises (notamment le commerce et les services, mais aussi les petites industries et exploitations agricoles). Au delà de la solidarité familiale (qui mobilise encore 80% des transferts des migrants), ce développement de la volonté d'investir au pays démontre le souhait de valoriser une rentabilité financière plus forte que celle pouvant être attendue au pays d'accueil, et exprime une confiance dans le pays d'origine" constate Henry Marty-Gauquié.

Les trois motivations pour des investissements restent, comme le précise le représentant de la BEI, "l'ancienneté dans le pays d'accueil, le niveau d'éducation de l'investisseur et l'arbitrage entre la valorisation du pouvoir d'achat (1€ en Europe représente 3 ou 4€ dans le pays d'origine) et les risques encourus au pays d'origine, notamment ceux liés à la stabilité macro-économique (change, inflation, climat des affaires).... Quoi qu'il en soit, l'investissement reste une activité très vulnérable , car elle constitue la variable d'ajustement en cas de hausse de revenus des bénéficiaires familiaux au pays d'origine : si la récolte est mauvaise ou si le chômage s'accroit, la solidarité familiale redevient la priorité, comme nous le montre l'exemple de la Tunisie au cours de la décennie écoulée " commente Henry Marty-Gauquié.

Tahar Rahmani, délégué général de l'agence ACIM, le confirme, "l'intérêt de la diaspora est de plus en plus important", tout en soulignant "l'échec de l'aide au retour. Il faut parler d'investissement productif, de politique de codéveloppement." L'ACIM via son programme ACEDIM a déjà accompagné quatre projets au Maroc et se fixe comme objectif cinquante porteurs de projets.

Mohamed Laqhila, vice-président de Finances Conseil Méditerranée, met cependant en garde : "la tenue de la comptabilité n'est pas réglementée ni en Espagne, ni en Tunisie, ni en Algérie. Il faut être vigilant et se faire accompagner même, et je dirais surtout, si l'on est originaire du pays."

Pour Emmanuel Noutary, délégué général d'Anima Investment Network, "le point de vue a beaucoup évolué depuis dix ans. La facilité était de croire que l'on pouvait se focaliser sur le retour au pays avec un gros magot. Personne n'a envie de rentrer au pays quand il est bien installé en Europe ! Mais, les diasporas peuvent aujourd'hui influer aussi sur les exportations et sur les IDE." Et de reconnaître humblement, "nous essayons tous de bien travailler, mais nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux et des priorités que nous devrions donner à ce sujet des diasporas. Il faut lancer des programmes ambitieux."

Emmanuel Noutary suggère, par exemple, d'étendre la blue card (équivalent pour l'Europe de la carte verte américaine) aux entrepreneurs pour favoriser la mobilité et régler le problème des visas.

22/10/2012, Frédéric Dubessy

Source : econostrum.info

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